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Les gagnants et les perdants de la réforme fiscale pour les entreprises

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Jeudi, 19 Janvier, 2017 - 05:57

Décodage. La troisième réforme de la fiscalité des entreprises va entraîner une redistribution de l’impôt au travers de l’économie et de la société. A quel prix? Qui va payer?

Sous son nom technocratique un brin décourageant, la troisième réforme de l’imposition des entreprises, ou RIE III pour faire vite, est un ambitieux projet de réorganisation de la perception des impôts sur les bénéfices versés par les quelque 600 000 entreprises installées en Suisse: de la multinationale au petit artisan en passant par la société de négoce, la banque, la chaîne de commerce de détail, le fabricant de machines-outils ou encore le déménageur.

Cette refonte vise à uniformiser le système de perception de l’impôt dans toute la Suisse. Elle mettra fin aux statuts spéciaux qui permettent à certaines entreprises de s’acquitter de taxes nettement inférieures à la moyenne. Et elle harmonisera le système helvétique avec les exigences de l’OCDE, qui rassemble la plupart des économies développées, dont les principaux partenaires commerciaux de la Confédération. Elle est donc, de loin, l’objet le plus important soumis au vote populaire le 12 février prochain.

La réforme fait baisser les impôts des entreprises

Vrai pour l’essentiel

Si l’organisation générale de la fiscalité résulte de lois fédérales, les taux d’impôts sont du ressort cantonal. Il n’existe alors pas de taux unique en Suisse, contrairement à la France ou d’autres pays centralisateurs. En moyenne, les entreprises paient actuellement entre 14,6% (à Zoug) et 24,2% (Genève) d’impôts sur leurs bénéfices.

Or, les entreprises dites à statut spécial payent nettement moins: aux alentours de 11%. Ce sont généralement des sociétés qui n’ont aucune activité réelle en Suisse si ce n’est un peu d’administration comme, par exemple, les holdings financières et les négociants en matières premières.

Comme la réforme vise à uniformiser le traitement fiscal des entreprises, il a fallu déterminer de nouveaux taux d’imposition des bénéfices. Le défi a consisté à trouver un niveau suffisamment bas pour éviter que les firmes bénéficiant de statuts spéciaux ne subissent des hausses d’impôts trop importantes, ce qui leur donnerait prétexte à quitter le pays, tout en évitant de baisser trop le niveau d’imposition des entreprises normales, afin de conserver l’essentiel des recettes fiscales des caisses publiques.

Chaque canton a défini le taux d’impôt qui lui semblait le plus approprié sous le nouveau régime: 13,8% à Genève et dans le canton de Vaud, 13,7% à Fribourg, 15,6% à Neuchâtel et en Valais, 16,3% à Berne, le Jura ne s’étant pas encore déterminé. Les sociétés à statut spécial subiront donc des hausses d’impôts de deux à trois points de pourcentage alors que les autres verront les leurs baisser dans une proportion plus importante.

Ces taux d’imposition sur les bénéfices offrent, de plus, des conditions fiscales voisines de celles des pays européens les plus faiblement taxés comme l’Irlande (12,5%), la Lettonie (15%) ou encore la Slovénie (17%), mais loin devant des concurrents habituels que sont le Luxembourg (29,2%), le Royaume-Uni (20%, peut-être aux alentours de 15% après le Brexit) et les Pays-Bas (25%) pour l’implantation de sociétés de domicile.

Les recettes publiques vont diminuer

Vrai

L’abaissement des impôts sur les entreprises provoquera une diminution des rentrées fiscales des cantons, que l’institut de recherches conjoncturelles KOF a estimée entre 1,5 et 2,5 milliards de francs. Mais cette perte pourrait inciter les sociétés génératrices de gros revenus, jusque-là faiblement imposées, à rester en Suisse.

Pour compenser, la Confédération va allouer aux cantons une part plus élevée de l’impôt fédéral direct (de 17 à 21,2% des quelque 20 milliards de francs de recettes annuelles). De plus, la péréquation financière intercantonale, qui permet de répartir les revenus et les charges entre cantons riches et pauvres, va être corrigée afin de compenser les effets sur les cantons les plus affectés par la réforme, avant tout ceux qui abritent des centres économiques comme Zurich, Bâle et Genève. En tout, les cantons devraient encaisser 1,1 milliard de francs. Cela sera manifestement insuffisant pour compenser la baisse des rentrées.

La réforme introduit de nouvelles niches fiscales

Vrai

La réforme offre plusieurs possibilités de réduire la facture d’impôt. Mais attention, ces dispositions sont souvent techniques et difficiles à saisir. Du reste, leur impact sur les recettes fiscales ne fait pas l’unanimité. De l’ensemble de ces dispositions, il en est trois qui prennent une importance particulière.

Les revenus des licences seront taxés à part (patent box), jusqu’à 90% de réduction d’impôts (selon le canton). Cette disposition favorise les entreprises pharmaceutiques, qui tirent de gros revenus de leurs brevets.

Les dépenses de recherche et développement pourront aussi réduire le bénéfice, jusqu’à une fois et demie les dépenses effectives. Celles-ci devront cependant être effectuées en Suisse.
Les entreprises pourront encore déduire une autre dépense fictive, les intérêts (passifs) sur le capital propre. Derrière cette expression se cache l’idée que les firmes qui investissent mobilisent des fonds qui pourraient être placés avec profit ailleurs. L’absence de ces profits est assimilée à une charge déductible des impôts. C’est l’une des dispositions les plus contestées par les adversaires de la réforme.

Toutefois, les entreprises ne gagnent pas sur tous les fronts. L’imposition des dividendes sera augmentée à au moins 60% des montants alloués aux actionnaires privés. De plus, les firmes qui peuvent déduire les intérêts sur le capital ainsi que sur les dépenses de recherche et développement devront payer au moins 80% de l’impôt qu’elles auraient dû acquitter si aucune de ces dispositions ne leur était applicable.

Les contribuables devront compenser

Vrai et faux

C’est la question brûlante, qui fait l’objet des débats les plus serrés. Les adversaires de la réforme affirment que celle-ci coûtera quelque 3 milliards de manque à gagner fiscal. Mais si chacun s’accorde à dire que, dans un premier temps du moins, les recettes fiscales devraient diminuer, l’amplitude et la durée de ces baisses demeurent largement spéculatives.

Les partisans insistent sur l’accroissement de la compétitivité de la Suisse, qui devrait inciter de nouvelles entreprises à s’y installer, dont les bénéfices viendraient à leur tour gonfler les recettes, et donc combler le manque à gagner laissé par la réforme. Les opposants estiment, au contraire, que les effets des baisses d’impôt seront durables. Et qu’un rejet de la réforme serait un moindre mal pour l’économie suisse.

En fait, la réponse appartient moins à la Confédération qu’aux cantons, car ce sont eux qui déterminent le taux d’impôt – et donc l’importance des baisses fiscales pour la plupart des entreprises – ainsi que les compensations. Vaud a pris une avance importante en instaurant un ensemble de mesures sociales (augmentation des allocations familiales et des déductions fiscales pour les frais médicaux ou le logement, du nombre de places de crèche, etc.) financées en bonne partie par une hausse des cotisations sociales. Le programme a rallié 87% des votants du canton lors d’un scrutin tenu en mars 2016.

Un projet similaire est proposé à Genève, qui inclut une hausse de 10% de l’imposition des dividendes et un prélèvement de 0,22% de la masse salariale payée par les entreprises afin de financer des mesures sociales d’accompagnement, sur lesquelles le peuple sera sans doute appelé à se prononcer cette année.

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