Initiative.La plupart des interruptions de grossesse sont réalisées par voie médicamenteuse tandis que leur nombre total est en baisse constante. Lumière sur les chiffres que les antiavortements omettent de mentionner.
Sou’al Hemma
C’est un fait occulté par les partisans de l’initiative «Financer l’avortement est une affaire privée», soumise au vote le 9 février prochain: les frais relatifs aux interruptions volontaires de grossesse (IVG) ont sensiblement baissé au cours des dernières années, en raison notamment de la diffusion de la pilule abortive (Mifegyne), mise sur le marché en 1999. Au-delà de ses avantages financiers, la Mifegyne permet une intervention au stade le plus précoce, soit dans les sept premières semaines d’une grossesse. Sa prescription varie d’un canton à l’autre: elle peut être administrée en milieu hospitalier ou, dans des cas plus isolés et à des conditions strictes, en cabinet médical privé.
Des coûts minimes. Ainsi, les interventions par voie médicamenteuse ont peu à peu pris le dessus sur les interventions chirurgicales. Elles représentaient 67% des interruptions de grossesse en 2012, contre 49% en 2004. Cette différence est particulièrement marquée dans certains cantons, notamment à Berne (75%) ou Neuchâtel (84%). Or, avec des frais allant de 600 à 800 francs, la méthode médicamenteuse est bien moins onéreuse que la voie chirurgicale qui, elle, tourne autour de 1000 à 1600 francs.
Selon le Département fédéral de l’intérieur, le coût total des interruptions volontaires de grossesse effectuées en Suisse, qu’elles soient médicamenteuses ou chirurgicales, se monte ainsi à 8 millions de francs par année, ce qui équivaut à 1 franc par an ou 10 centimes par mois et par adulte assuré. Ces 8 millions de francs ne représentent aussi que le 0,3 pour mille des quelque 26 milliards de francs à charge de l’assurance obligatoire. Une somme minime, n’ayant qu’un léger, voire aucun effet sur les primes. D’autant plus que les femmes concernées financent elles-mêmes directement une partie de ces 8 millions par le biais de leur franchise (qui varie entre 300 et 2500 francs) et de leur quote-part (10% des coûts qui dépassent la franchise).
De fait, ni la mise sur le marché de la Mifegyne ni l’entrée en vigueur du régime du délai n’ont provoqué la hausse des chiffres prophétisée par les détracteurs de l’avortement lors de la campagne de 2002. Au contraire, de 11 769 cette année-là, le nombre d’IVG des femmes résidant en Suisse est passé à 10 477 en 2012. Avec 6,7 interruptions de grossesse pour mille femmes de 15 à 44 ans (2012), la Suisse a l’un des taux d’avortement les plus faibles d’Europe. Cela est particulièrement vrai chez les adolescentes. En 2012, les 15-19 ans ne représentaient que les 9% du total des femmes ayant subi une IVG. Les moins de 15 ans, quant à elles, ne constituaient que le 0,14% du total.
Des risques collatéraux. Bien que cette baisse du nombre d’IVG, objectivée par les chiffres, soit nette, accepter l’initiative «Financer l’avortement est une affaire privée» comporte de nombreux risques. Cela reviendrait à lier le remboursement (ou non) d’une prestation aux convictions morales d’un groupe d’assurés. Sous prétexte d’économicité, d’aucuns pourraient alors s’empresser de remettre en question la prise en charge financière de personnes âgées atteintes de graves cancers, de maladies liées à l’alcoolisme ou à la fumée et tant d’autres situations propres aux conflits de conscience.