Crédit.Les gendarmes financiers cherchent désespérément à freiner la hausse de l’endettement des ménages helvétiques. A la grande colère des banquiers.
Quand la Finma et la Banque nationale ont décidé la semaine passée de durcir les conditions d’accès aux prêts hypothécaires, les nerfs des banquiers se sont mis en boule. Non seulement les gendarmes de la finance freinent leurs affaires, mais pire encore, ils n’ont pas eu le mot à dire!
Jeudi 23 janvier, la Finma, l’autorité de surveillance des banques, et la Banque nationale (BNS), responsable de la stabilité financière, ont annoncé ce que les banquiers n’aiment pas: un nouveau relèvement du volant de fonds propres anticyclique. Les deux autorités veulent forcer les banques à mobiliser deux milliards de francs de réserves supplémentaires pour couvrir les risques de leurs prêts hypothécaires.
En renchérissant les conditions de crédit, les gendarmes veulent affaiblir la volonté des banques de prêter. Et comme ces dernières vont facturer le surcoût à leurs clients, les taux hypothécaires devraient progresser de 0,1% en moyenne. De quoi, en théorie, réfréner les enthousiasmes des emprunteurs.
Pour les autorités, l’urgence consiste à freiner la progression des prêts hypothécaires, qu’elles jugent «excessive». Fin novembre dernier, les encours atteignaient la somme astronomique de 652 milliards de francs. Les ménages suisses sont parmi les plus endettés au monde.
Pic atteint. Cette situation est d’autant plus risquée que les prix de l’immobilier, qui ne cessent de monter, atteignent «un niveau maximum», selon une étude d’UBS publiée en début de semaine dernière. Autrement dit: le pic est atteint, ils ne peuvent que chuter, fragilisant le système financier au passage.
La réaction des banquiers a été immédiate. Leur association, l’ASB, a dénoncé «un moyen qui n’est pas efficace». Une première activation du volant anticyclique au printemps 2013 avait, en effet, à peine ralenti la progression des prêts hypothécaires. De plus, les taux d’intérêt, même renchéris, restent extrêmement bas: une hypothèque fixe à dix ans se rémunère quelque 2,7%, soit un niveau encore très attractif!
Mais c’est surtout la politique du fait accompli qui les ulcère: ils n’ont pas été consultés, même informellement, ni par le Conseil fédéral, ni par la BNS, ni par la Finma! Aussi dénoncent-ils les pouvoirs «échappant à tout contrôle démocratique» de ces autorités, en particulier celui de la Banque nationale.
Ce coup de sang intervient alors que les banques, sous pression réglementaire depuis cinq ans, sentent que leur influence politique diminue. Le sauvetage d’UBS, la crise de la fin du secret bancaire et la baisse de leur contribution à la richesse nationale réduisent leur levier politique. Une conséquence qu’elles peinent à admettre alors qu’elles ont fait la loi si longtemps dans le pays.