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Quatre scénarios d’avenir

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Jeudi, 13 Février, 2014 - 05:58

Prospective.L’heure est grave. Didier Burkhalter, qui rêvait de «rénover» la voie bilatérale, est condamné à devoir la sauver.

C’est une crise majeure que celle qui a éclaté entre la Suisse et l’Union européenne (UE) après le oui du peuple suisse à l’initiative de l’UDC «Contre l’immigration de masse». Pour le ministre des Affaires étrangères Didier Burkhalter, la «rénovation» de la voie bilatérale prend soudain l’allure dramatique d’une opération de sauvetage, ni plus ni moins. Si tant est qu’elle ait repris le contrôle de son immigration, la Suisse a en tout cas perdu la maîtrise de sa politique européenne, qui dépend désormais du bon vouloir de Bruxelles. L’Hebdo esquisse les principaux scénarios du futur.

01. L’enlisement

Dans les couloirs de Berlaymont, au siège de la Commission européenne, la menace qui plane sur la Suisse claque en trois mots: «mini-clause guillotine». Dont les premières victimes seraient les chercheurs et les étudiants.

La vraie clause guillotine, c’est cette épée de Damoclès imaginée lors du premier paquet de sept accords bilatéraux pour inciter Berne et Bruxelles à les respecter. Si l’une des parties dénonce l’un des accords, l’autre a la possibilité de déclarer caducs tous les autres. C’est ce que risque la Suisse, obligée de violer l’accord sur la libre circulation des personnes (ALCP) à la suite du vote de ce week-end.

Cette sanction ultime, l’UE ne va pas y recourir avant de savoir comment la Suisse compte mettre en œuvre l’initiative. En revanche, elle peut geler les dossiers en cours. En principe, Bruxelles aurait dû approuver son mandat de négociation sur la question institutionnelle cette semaine. Cela ne sera certainement pas le cas. Pire encore: Bruxelles peut suspendre la reconduction de la participation suisse à deux programmes cruciaux pour les chercheurs et les étudiants: Horizon 2000 et Erasmus plus. Ce serait le scénario catastrophe pour la place scientifique suisse et pour les hautes écoles.

Ce n’est encore qu’une menace proférée sous le coup du dépit. Ce qui est sûr en revanche, c’est que le vote du 9 février marque un coup d’arrêt dans l’approfondissement des relations Suisse-UE. «Il faudra près de dix ans pour qu’un nouveau paquet d’accords avec l’UE soit ratifié, compte tenu du fait que la Suisse n’est pas un pays prioritaire pour elle», pronostique l’ancien ambassadeur Luzius Wasescha.

02. L’arrangement

Réunis les 10 et 11 février à Bruxelles – pour parler avant tout de l’Ukraine –, les ministres des Affaires étrangères de l’UE ont pourtant été assaillis de questions sur le vote suisse. «Pas question de laisser passer une votation comme celle-là», a déclaré le Belge Didier Reynders, tandis que l’Allemand Frank-Walter Steinmeier s’est montré plus sarcastique: «La Suisse se fait avant tout du tort à elle-même.»

Plus ou moins musclées, ces réactions ne doivent pas faire oublier que les deux partenaires, qui ont passé 120 accords entre eux, ont tissé des liens très étroits. L’accord sur la libre circulation des personnes (ALCP) permet à 1,2 million d’Européens de vivre en Suisse, tandis que 435 000 Confédérés se sont établis dans un pays de l’UE, qui affiche une balance commerciale favorable de 40 milliards de francs avec notre pays.

La raison impose donc de trouver des solutions gagnant-gagnant et d’engager, malgré la tempête actuelle, des négociations pour résoudre la question institutionnelle. Mais aussi pour mettre enfin sous toit un accord sur l’énergie profitable aux deux parties, régler le différend des régimes fiscaux cantonaux, assurer la participation de la Suisse au programme de recherche Horizon 2020 et s’accorder sur le paiement d’un nouveau milliard de francs par la Suisse aux nouveaux pays membres de l’UE.Signer des chèques pour amadouer certaines réticences de l’UE? La méthode n’est pas glorieuse, mais elle a déjà fait ses preuves.

Déjà difficile avant le 9 février, la nouvelle mission de Didier Burkhalter apparaît presque impossible. Il n’est pourtant pas exclu que l’UE approuve elle aussi un mandat de négociation dans ce but, une fois que sa mauvaise humeur se sera dissipée. «Ne serait-ce que pour mettre la Suisse face à ses contradictions», confie un diplomate européen.

Un scénario se dessine qui permettrait au Conseil fédéral de reprendre la main: lier dans un même paquet soumis au peuple suisse la libre circulation avec la Croatie (dans le cadre des nouveaux plafonds à l’immigration, définis par ailleurs), de nouvelles mesures d’accompagnement et une question sur la résiliation des accords bilatéraux.

Ce serait une possibilité de corriger le vote serré de ce week-end en posant la question de fond frontalement (puisque l’UDC prétend ne pas vouloir casser la voie bilatérale), tout en donnant un gage de bonne volonté à l’UE. Dernier avantage d’un tel paquet: rassurer les Suisses inquiets.

03. La mort de la voie bilatérale

Il faut bien en convenir. Le clash entre Berne et Bruxelles est programmé. Au plus tard durant le second semestre de cette année, lorsque la Suisse devra interrompre le processus de ratification de l’extension de l’ALCP à la Croatie. L’initiative de l’UDC, en modifiant l’article 121 de la Constitution sur la législation des étrangers, impose qu’«aucun traité international contraire à cet article ne sera conclu».

En ne ratifiant pas cet accord, la Suisse discriminera l’un des Etats membres, forçant à dénoncer l’ALCP. Ce d’autant plus que deux autres notions introduites par l’initiative, la limitation du regroupement familial et la préférence nationale, sont absolument incompatibles avec le principe de la libre circulation des personnes, sacro-saint à Bruxelles.

Ce serait la mort de la voie bilatérale. Ou, comme le formule le professeur de l’Université de Genève René Schwok, l’évolution vers des «bilatérales moins», opposées aux «bilatérales +» dont rêvait Didier Burkhalter. Prochain démantèlement probable: la dénonciation de la participation à l’espace Schengen, très liée à l’ALCP.

04. L’adhésion à l’UE

A terme, pas besoin d’être grand clerc pour prédire un lent déclin de la prospérité helvétique. Cela incitera-t-il le Conseil fédéral à réévaluer sérieusement l’option d’une adhésion à l’UE, qui permettrait à la Suisse d’entrer par la grande porte dans la communauté? Pour l’instant, ce n’est pas à l’ordre du jour. Il ne reste guère que le PS – sans trop y croire – et le Nouveau mouvement européen suisse (Nomes) pour la prôner. Ironie de l’histoire: ce mouvement, dont les effectifs étaient en net recul ces dernières années, a gagné près de 100 membres depuis le 9 février!

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