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Ces quotas qui inquiètent paris

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Jeudi, 20 Février, 2014 - 05:55

Horlogerie. Le lycée Diderot délivre une formation supérieure, dont la réputation a traversé les frontières. Reportage chez des jeunes en quête d’excellence helvétique.

Ne pas y voir un signe. Seulement une coïncidence, affirme Bernard Gadret, professeur d’horlogerie au lycée Diderot, un établissement d’enseignement technique situé dans le XIXe arrondissement de Paris.

Jeudi 13 février, quatre jours après le vote des Suisses contre l’immigration de masse, un chasseur de têtes mandaté par des entreprises horlogères helvétiques devait rendre visite à la classe préparant en deux ans au brevet des métiers d’art (BMA), équivalent à un baccalauréat. «La fille de ce monsieur était malade, il n’a pas pu venir», rapporte l’enseignant, maître principal de la quinzaine d’élèves en première année, dont un tiers environ de filles. «Une dame envoyée par des Suisses voulait aussi se déplacer pour recruter. Cela fait déjà deux personnes qui s’intéressent à nous», constate Bernard Gadret devant l’engouement suscité et peut-être refroidi depuis le fameux dimanche 9.

De la même manière qu’un jeune mécanicien automobile rêve de passer quelques années de sa vie professionnelle chez Ferrari à Maranello, un horloger frais émoulu n’a pour ainsi dire qu’un but: se perfectionner chez l’un des très grands noms du métier, en Suisse. Cela tombe bien, il y a de la demande. C’est du moins ce que croyait Paul jusqu’au soir de la votation. «Sur le coup, je me suis dit: “C’est un peu mort”, raconte-t-il. J’ai pensé que le résultat du vote allait être un gros souci pour nous. Mais après, je me suis rendu compte que c’était juste une réglementation et qu’ils allaient avoir besoin de nous», veut-il croire.

Statut de frontalier. Agé de 18 ans, Paul «adorerait» travailler chez Jaeger-LeCoultre, au Sentier, dans la vallée de Joux. Un «profil» comme le sien, pense-t-il, est recherché par les manufactures helvétiques. «Nous, on apprend le métier d’horloger par passion, on fait deux ans d’apprentissage puis deux ans de BMA», vante-t-il tout en donnant les derniers tours et coups de lime à un boîtier de montre qu’il a façonné à partir d’une plaque de laiton. «En Suisse, reprend-il, c’est souvent par dépit qu’on choisit l’horlogerie, on suit une formation rapide.»

Comme d’autres camarades de sa classe, Paul brigue un statut de frontalier, statut auquel l’initiative de l’UDC apporte des restrictions. Diplômé, il compte rejoindre sa «petite amie», déjà frontalière, installée dans la région de Besançon.

Rémy a également jeté son dévolu sur la vallée de Joux. Il hésite entre Jaeger-LeCoultre et Breguet, qui a ses usines à L’Abbaye. C’est en pleine nature, le prévient-on. «La campagne, dit celui qui habite Paris, c’est très apaisant.» Ce n’est pas un «salaire suisse», trois à quatre fois supérieur à celui qu’ils pourraient escompter en France en début de carrière, qui motive Rémy et Paul, jurent-ils.

Un emploi de frontalier dans une entreprise horlogère suisse intéresserait-il moins les filles de la classe? «Rester assise à un établi, c’est un peu dur pour moi», explique Morgane, 18 ans, qui acquiert ici «une base technique» qu’elle complétera avec des études commerciales. Elise, 29 ans, a déjà choisi le lieu où elle travaillera: le sud de la France, où elle a de la famille.

Un besoin rassurant. La Suisse, chez les BMA du lycée Diderot, est un choix apparemment très «mecs». Antoine, 23 ans, se voit passer les «dix premières années» de sa vie d’horloger à La Chaux-de-Fonds ou à Genève. Le jeune homme est moyennement inquiet des conséquences de la votation du 9: «Certes, ça va un peu nous em… pour le futur. Mais en même temps, ce serait un peu stupide de la part de la Suisse de fermer ses portes à des horlogers alors qu’ils en ont besoin.»

Cette observation marquée du sceau de l’espoir, rejoint celle de François Matile, le secrétaire général de la Convention patronale de l’industrie horlogère (CPIH), sise à La Chaux-de-Fonds et opposée à l’initiative de l’UDC. «En 2012, l’arc horloger suisse employait 55 800 personnes, dont 25 à 30% en moyenne de frontaliers, la part de ces derniers étant généralement plus élevée lorsque les entreprises qui les emploient se situent près de la frontière. Pour l’instant, il n’y a aucune raison objective de s’inquiéter. Je n’imagine pas que les lois d’application de l’initiative puissent être rétroactives. Ce qui veut dire que les contrats qui auront été signés avec des frontaliers ne pourront pas, en principe, être cassés.»

Au lycée Diderot de Paris, la formation horlogère délivrée par le professeur Bernard Gadret suit doctement son cours. La venue de chasseurs de têtes mandatés par des industriels helvétiques ne sera-t-elle qu’un mirage?

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Antoine Menusier
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