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Note sur l’inspiration et le talent
Yves Saint Laurent: pas pour le cinéma français
Assez réussi sur le plan de la beauté, ça se gâte quand il s’agit de dramaturgie.
François Schaller
Les acteurs sont plutôt bons. Le problème, c’est la narration et la pauvreté des dialogues. Quel est au juste le thème du film? L’irrésistible ascension d’un prodige universel, pied-noir de son état? Biographique et plan-plan. Ça s’arrête tout d’un coup quand ça devrait commencer, avec une notice venant rappeler que YSL a dominé la mode pendant cinquante ans, laissant une grande marque, et que l’on vient de voir un film publicitaire. L’histoire est pourtant racontée comme si le gars allait disparaître à 27 ans, au sommet de son art. Quelle frustration. Une histoire d’amour homo? Le portrait de la révolution culturelle golden age? Une chronique people? Comment devenir un grand génie? Les artistes et la drogue? La mode est-elle un art majeur? Comment articuler haute couture et prêt-à-porter? De toute évidence, le phénomène Saint Laurent n’est pas à la portée du cinéma français. Il eût au moins fallu Visconti. Un Visconti non allusif, version frouze recomplexée, modèle numérique autonome par rapport aux canons du XXIe rampant. Ça va se produire un jour. Le cinéma français n’est pas au bout de sa vie, il a juste touché le fond. On va vers le beau. YSL peut encore faire l’objet de vingt productions lumineuses.
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Le blog de Jacques Neirynck
Surgissement de l’écopopulisme
L’initiative Ecopop mérite le pompon de l’incohérence malfaisante.
Jacques Neirynck
Elle préconise que l’immigration ne puisse représenter plus de 0,2% de l’accroissement de la population de la Suisse sur une moyenne de trois ans. Actuellement, le solde migratoire est de l’ordre de 80 000 personnes, soit 1% des huit millions de résidents suisses. Il faudrait donc réduire l’immigration en la divisant par cinq, soit 18 000 personnes. Le Conseil fédéral s’oppose à cette mesure en évoquant la nécessité d’un nombre plus élevé de migrants pour satisfaire les besoins de l’économie. Mais cet argument matérialiste ne porte guère dans une campagne de votations, comme on vient d’en faire l’amère expérience le 9 février. Il y aurait plus simple, plus contraignant: l’argument démographique. Les données sont éloquentes: le taux de fécondité est à 1,4 enfant au lieu des 2,1 nécessaires pour assurer le maintien de la population. Il y a 80 000 naissances par an, il en faudrait 120 000. Dès lors, le déficit démographique de la Suisse doit être compensé par un solde migratoire d’au moins 40 000 personnes, soit 0,5% de la population résidente. Limiter cet apport à 18 000 selon Ecopop entraîne à terme une diminution de la population suisse, avec comme corollaire évident, un déséquilibre entre travailleurs actifs et pensionnés, qui prélude à la ruine du système de pensions. En ne procréant pas assez d’enfants, les Suisses cultivent le mythe d’un pays en voie de tarissement démographique. C’est leur secrète propension à repartir des siècles en arrière. L’écopopulisme a de beaux jours devant lui, en flattant ce que l’on appelle la suissitude, un mot qui résonne comme suicide.
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Le dessous des cartes
L’État de droit face à ses ennemis
Quatre ans après son adoption, l’initiative de l’UDC «Pour le renvoi des étrangers criminels» n’en finit pas d’occuper les autorités qui peinent à l’appliquer.
Cesla Amarelle
En juin 2013, le Conseil fédéral adopte un message pour l’application de l’initiative privilégiant une «voie médiane» qui respecte dans les grandes lignes le principe de proportionnalité: l’automatisme des expulsions serait respecté mais assorti d’une réserve de proportionnalité pour les condamnations de moins de six mois. En octobre dernier, coup de théâtre. Philipp Müller, président du PLR, obtient de la Commission des institutions politiques du Conseil national d’examiner la mise en œuvre de cette initiative en utilisant un «copier-coller» de l’initiative dite de «mise en œuvre» que l’UDC avait lancée en 2012. Selon celle-ci, l’expulsion automatique s’applique sans exception, même pour des délits de moindre gravité, et sans considération de la situation personnelle du condamné. Cette nouvelle loi d’application voulue par le PLR pose deux problèmes de fond. D’abord, elle ne laisse aucune place pour le juge qui devrait violer systématiquement le principe de proportionnalité pour appliquer cette loi. Exemple: si vous êtes une personne étrangère de 50 ans, née en Suisse et ayant toute votre famille en Suisse, que vous avez perçu indûment l’aide sociale pendant un mois et que vous êtes condamné de ce fait pour abus à l’aide sociale, vous devez être automatiquement expulsé sans que le juge puisse prendre en compte votre situation personnelle. Non seulement le législateur court-circuite le pouvoir judiciaire mais, en plus, il lui demande de violer systématiquement l’Etat de droit. Ensuite, la nouvelle loi intègre une définition très restrictive de la définition du droit international impératif. En bref, la loi doit primer sur tous les principes autres que le non-refoulement. Avec cette loi, tous les principes en lien notamment avec l’unité de la famille ne seraient pas pris en compte. Cet élément a néanmoins été corrigé grâce à l’acceptation de justesse d’un amendement socialiste. Le PLR crée un précédent funeste dans l’histoire des institutions suisses. Pour la première fois, un parti gouvernemental «classique» soutient un projet totalisant, profondément liberticide, et qui va donc grossièrement à l’encontre de l’Etat de droit.
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L’engagement social
les solidarités et le défi de la mémoire sociale
Spontanée ou imposée, la solidarité est au cœur de l’existence.
Stéphane Rossini
Elle fonde notre capacité à vivre ensemble et en constitue le ciment tantôt visible, tantôt invisible. Indissociable de la citoyenneté politique ou sociale, mais aussi de nos démocraties, elle mérite qu’on lui accorde une attention particulière. Le peuple suisse, en tant qu’organe de décision, est investi d’une grande responsabilité citoyenne, pour laquelle il doit être accompagné, formé, informé. Dans cette perspective, l’affaiblissement ou l’absence de mémoire et de conscience collectives sur l’origine et les enjeux liés au développement des instruments de solidarité peuvent s’avérer problématiques. Cela évacue les enjeux, luttes et rapports de force qui sous-tendent les choix de société. Elle peut ouvrir la voie à la suppression de certaines prestations, avec le risque d’un accroissement des injustices, inégalités ou exclusions. Pour pallier ce danger, la formation et l’information sont capitales. A cet égard, on saluera la récente mise à disposition du public, par la Confédération, d’un site internet consacré à l’histoire de la sécurité sociale. Cette contribution est importante. Pensons plus particulièrement aux enseignants, qui ont pour mission de permettre à notre jeunesse de procéder à des choix éclairés pour la construction de notre/leur avenir. Car, en cette matière, l’école a encore beaucoup à faire.
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Le futur, c’est tout de suite
Poutine, dopé au gaz
Au long des Jeux olympiques de Sotchi, seuls les athlètes auront été contrôlés pour dopage. Les chefs d’Etat ne devraient-ils pas également l’être?
Guy Sorman
Certains Jeux ne coûtèrent rien au pays d’accueil car entièrement autofinancés par le secteur privé. A l’inverse, des nations peu fortunées auront pulvérisé le record de la dépense publique pour épater le monde: 50 milliards de dollars pour Sotchi. Ne devrait-on pas fixer aux Etats les mêmes règles de bonne conduite qu’aux sportifs? Car un athlète qui se dope nuit peu, tandis qu’un Poutine appauvrit des millions de Russes. Déduire du succès logistique des Jeux de Sotchi que la Russie a renoué avec la puissance et la prospérité serait une grave erreur de jugement. Le financement de ces Jeux comme la croissance soutenue de l’économie russe depuis quinze ans reposent sur une aubaine: une constante hausse du prix du gaz au bénéfice du Gasprom, une entreprise qui se confond avec l’Etat. Poutine est dopé au gaz. Le gaz russe, le pétrole saoudien ou iranien, le soja argentin confèrent une richesse provisoire, et plus encore l’illusion de la richesse. Cette illusion et l’argent facile que génère la rente minérale dissuadent gouvernements et entrepreneurs d’innover et de se diversifier. En Russie, depuis que le prix du gaz monte, le pays ne cesse de se désindustrialiser. La rente conduit aussi à des effets politiques notoires: en concentrant la richesse au sommet, elle perpétue les régimes autoritaires. Ceux qui sont assez astucieux pour redistribuer une partie de la rente se constituent une clientèle populaire qui soutient le despotisme redistributeur. Jusqu’au jour où les prix se retournent: ce qui, en ce moment même, est le cas sur le marché du soja et du gaz. Soudain, les gouvernements brésilien et argentin, privés de suffisamment de ressources à redistribuer, n’ont d’autres expédients que de fabriquer de la monnaie: avec l’inflation qui en résulte, leur chute est imminente. Un sort identique guette Poutine. La raison en est que les Etats-Unis, grâce à la technique de fracturation, sont en passe de devenir le premier producteur de gaz au monde. S’il fallait parier sur l’avenir du modèle russo-poutinien, il me paraît condamné en moins de dix ans: Sotchi, à terme, apparaîtra comme la dernière fête avant l’extinction des feux et l’histoire russe disqualifiera probablement Poutine pour dopage.