PLACE FINANCIERE. Les banques veulent attirer le négoce du renminbi, en cours d’internationalisation. Un désir partagé par Pékin, mais dont la concrétisation prend son temps.
La Suisse fait aussi les yeux doux à la Chine pour devenir un «hub» de négoce du renminbi, la «monnaie du peuple». Et si ses efforts ont rencontré une oreille attentive à Pékin, il reste encore beaucoup de travail pour transformer les rêves en réalité.
En plein processus d’internationalisation après avoir été totalement inconvertible jusqu’en 2009, la devise de l’Empire du Milieu est en passe de s’affirmer comme un acteur majeur des marchés financiers. Londres a conclu un accord en juin dernier pour en favoriser le négoce, Francfort et Paris jouent des coudes pour faire de même. La Suisse ne peut tout simplement pas manquer ce train.
Les gains seraient énormes. Ses exportateurs, notamment l’industrie des machines et l’horlogerie, pourraient plus facilement facturer leurs biens en monnaie chinoise et s’épargner ainsi un détour par le dollar. Et ainsi réduire les risques de change. Pour les banques, c’est l’occasion de développer des activités de gestion de fortune et de négoce de titres libellés en «monnaie du peuple».
Marginale il y a quelques années, cette activité prend sans cesse de l’importance. La Suisse se hisse juste derrière Londres en termes de fonds sous gestion en devise chinoise, selon Heinrich Siegmann, chef du projet auprès de l’Association suisse des banquiers.
L’œuf et la poule. Encore faut-il mettre en place les instruments nécessaires. Un processus qui passe par la nécessité d’établir une banque de clearing chargée de centraliser les opérations de change. En Asie, ce rôle est ordinairement attribué à une banque commerciale chinoise. Or, aucun établissement de la République populaire n’est actif en Suisse depuis la fermeture de la Bank of China à Genève l’an dernier, et aucun ne semble intéressé à s’implanter en Suisse.
Il faut encore conclure un accord de swap entre la Banque nationale suisse et la Banque populaire de Chine. Un tel document facilite le transfert de devises d’un pays à l’autre lorsque les besoins se font sentir. Même si, dans les faits, il est rarement utilisé, il garantit un fonctionnement fluide des marchés des changes, notamment en cas de crise. Or, aucune négociation n’est actuellement en cours. Seul existe un protocole d’accord instaurant un «dialogue financier» entre les deux banques centrales.
«C’est la situation de l’œuf et de la poule», résume un proche du dossier. Pour stimuler l’installation d’une banque chinoise justifiant la conclusion d’un accord de swap, il faudrait un volume d’affaires plus important. Et ce dernier ne sera généré que par l’institutionnalisation d’un «hub». C’est pourquoi le gratin de l’économie suisse s’est mis sur son trente et un pour recevoir le premier ministre chinois Li Keqiang avec une intention claire: éveiller l’intérêt du pouvoir central chinois pour faire avancer le dossier.
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