Portrait.Le premier jour déjà, le nouveau président du Conseil italien, Matteo Renzi, 39 ans, a communiqué son intention de faire le ménage. A Florence, dont il a été maire pendant cinq ans, il compte d’éminents supporteurs. A Rome, beaucoup moins.
Walter Mayr
Nommé président du Conseil italien, Matteo Renzi n’avait occupé jusque-là aucune charge élective, hormis celle de maire de Florence. Le Parlement de Rome lui est étranger et c’est pire encore pour les institutions de Bruxelles. Il est désormais sur le fil du rasoir puisqu’il a la responsabilité d’un pays qui traverse la plus sévère crise économique de l’après-guerre.
L’avocat du peuple. L’Italie a plus de deux ans de récession derrière elle. Sa dette se monte à 133% du PIB; seule la Grèce fait pire. L’Etat doit au moins 70 milliards d’euros aux entreprises, les patrons se lamentent d’une charge fiscale qui les étrangle et le taux de chômage a doublé dans le pays depuis 2007. Les parlementaires italiens, dont le salaire net peut aller jusqu’à 12 000 euros, savent tout cela mais n’ont rien fait pour y remédier. Du coup, Renzi se fait l’avocat du peuple quand il dit à la télévision: «L’Italie peut devenir un leader dans le monde à condition que sa classe politique ne se borne pas à contempler les événements comme on le fait sur l’écran d’un cinéma.»
Il se voit lui-même comme le héraut de ce peuple: train de vie modeste, proche des gens. Marié à Agnese, une institutrice, père d’une fille et de deux garçons qu’il a habillés de rouge-blanc-vert pour la prestation de serment, il a ensuite assisté en famille à la messe dans son bourg de Pontassieve. Le curé a puisé, pour son homélie, dans l’Evangile selon saint Matthieu le passage où il est dit qu’il est légitime de tendre l’autre joue à l’ennemi en cas de besoin. Un avertissement du haut de la chaire? Car l’humilité n’est pas le premier trait de caractère de Matteo Renzi. Les gifles, il les distribuerait plutôt. Comme il l’a fait en déboulonnant son prédécesseur Enrico Letta, puis en enguirlandant les sénateurs qui s’apprêtaient à lui voter leur confiance.
Ce que Rome et le reste de l’Europe peuvent attendre de Renzi, les Florentins le savent mieux que quiconque. Les plus enflammés de ses partisans et ses plus sévères contempteurs s’y affrontent sur à peu près tout, sauf sur deux points: il est un communicateur hors pair et un vrai bosseur. Président de la province de Florence à 29 ans, maire de la ville à 34, il est un mâle alpha. Ceux qui se mettent en travers de son chemin s’en mordent les doigts. Mais ses ardents thuriféraires, parmi lesquels les créateurs de mode Ferruccio Ferragamo et Roberto Cavalli ou le chausseur Diego Della Valle (Tod’s), tombent d’accord: «Il a rendu aux Florentins leur confiance en eux et ramené de la vie dans la cité.»
Le fait que des multimillionnaires misent sur un homme qui se prétend de gauche en dit long sur la dévastation du paysage politique italien, notamment après vingt ans de misère berlusconienne, et sur le dépit qu’éprouvent aujourd’hui les grands noms qui ont fait le succès de l’Italie.
Un objectif par mois. Reste que, après s’être illustré verbalement en promettant de jeter tous les caciques du pays à la ferraille, Renzi devra montrer comment faire revenir l’Italie dans le concert des nations prospères et ambitieuses. Cela débute avec Angela Merkel, le 17 mars à Berlin, et se poursuit avec la visite de Barack Obama à Rome le 27. Avant que l’Italie ne reprenne la présidence tournante de l’UE le 1er juillet prochain, il s’est fixé un objectif par mois: modifier la loi électorale, réformer le marché du travail, l’administration publique et le système fiscal. «En trois mois, trois choses que nous attendons depuis trente ans? Bonne chance!» écrit le Corriere della Sera. Car Renzi oublie peut-être que le marécage italien n’est pas «peuplé que de flamants roses et de hérons, mais aussi de crapauds, de couleuvres et de crocodiles». Certains d’entre eux ayant les traits de Silvio Berlusconi ou de Beppe Grillo, sans l’appui desquels la mince majorité gouvernementale ne suffira pas à entreprendre la moindre réforme.
©Der Spiegel Traduction et adaptation Gian Pozzy