La plage de la liberté
Etre en vacances, c’est être libre. Voilà, en substance, ce que nous martèlent toute l’année agences de voyages et compagnies aériennes. Drôle de conception, non? Comme si la liberté ne pouvait pas passer par le travail et les responsabilités. Comme si se faire dorer la pilule aux Maldives était plus noble que d’être assis dans un bureau. Comme si se coltiner des hordes de touristes allemands ne représentait pas une contrainte.
En ce qui me concerne, prendre des vacances, c’est simplement changer de rythme, rompre avec son quotidien. Encore faut-il y parvenir. Car en matière de rupture, il en va des vacances comme de l’amour: c’est compliqué. Contrairement aux apparences, profiter de son temps libre, faire une réelle pause du monde professionnel, bref lâcher du lest, ce n’est pas donné à tout le monde. «La première chose à faire est sentir vos besoins et revenir aux sensations du corps. Bouger le corps vous aidera à vous détendre et à vous défatiguer surtout les premiers jours de vacances!», nous explique Catherine Vasey. Mais encore? «Je vous encourage à vous focaliser sur tout ce qui vous fait du bien d’habitude (activités, types de pensée, entourage). Prenez garde à ne pas surcharger vos journées et fixez-vous des limites: privilégiez la qualité plutôt que la quantité! Et même si vos besoins entrent en conflit avec ceux de votre entourage, négociez au moins une satisfaction de besoin personnel par jour.» Etre en vacances, c’est aussi faire la fête.
Sortir, danser, boire, fumer, rire. Rire encore et, surtout, ne pas parler de choses sérieuses. Car, pour la plupart des fêtards, être libre, c’est ne pas réfléchir. Sauf que, comme le fait très justement remarquer Marc Atallah, la «fête» ainsi comprise s’apparente à une dictature, où «la liberté absolue semble se confondre avec le mimétisme le plus primaire. Nous stigmatisons nos journées en raison de leur dimension tyrannique (on fait ce qu’on nous demande de faire), mais nous ne stigmatisons pas nos soirées alors qu’inconsciemment nous cherchons, apparemment par tous les moyens, à faire ce que l’on attend de nous: rire, s’amuser, s’habiller pareillement. En d’autres mots, j’aimerais passer des soirées où chacune et chacun d’entre nous a conscience de vivre en tyrannie car, à ce moment-là, nous aurons tous conscience qu’être libres, c’est refuser par tous les moyens d’être les esclaves de cette oppression.»
Si vous êtes vacancier et que vous avez du temps à tuer, jetez plutôt un œil au compte Twitter de Bill Murray. Le comédien américain, ou celui qui se présente comme tel, nous y livre des aphorismes dont l’absurdité a conquis Thierry Jobin. «Le problème dans ce monde, c’est que les gens intelligents sont pleins de doutes et les gens stupides pleins d’assurance/Hé, les végétariens, si vous aimez tant les animaux, pourquoi mangez-vous toute leur nourriture?/Parfois, quand je ferme les yeux, je ne peux pas voir/Burger: 0,99 dollar, salade: 5,99 dollars. Et on se demande pourquoi tout le monde est gros. Quand bien même Bill Murray ne serait pas l’auteur des tweets de Bill Murray (ce dont on peut sérieusement douter), ces derniers sonnent parfaitement Bill Murray et tout ce qu’on adore chez lui.»
Avant de reprendre le travail, vous devriez également enrichir votre vocabulaire. Savez-vous ce que signifie «paumoyer»? Le bal des attouchements discrets auxquels se livrent deux personnes que le désir rapproche? Eh bien non, comme nous le révèle Patrick Morier-Genoud. «En réalité, paumoyer, c’est le fait de haler à la main, un cordage, par exemple, ou une chaîne d’ancre. Comme on hale le désir, celui de l’autre, jusqu’à nos lèvres, jusqu’au premier baiser.» Là où se trouve la vraie plage de la liberté.
Blogs» Politique» Kenel de Requin
Paris 2013 = Munich 1938
Le Conseil fédéral a commis une immense erreur en signant la convention de double imposition sur les successions avec la France.
Philippe Kenel
L’histoire n’oubliera jamais les images de la conférence de Munich du mois de septembre 1938, au cours de laquelle la France et le Royaume-Uni en sacrifiant la Tchécoslovaquie ont cru sauver la paix en Europe alors qu’ils ont précipité la guerre. La leçon historique des accords de Munich est que céder en croyant que la faiblesse adoucira l’adversaire est la pire des croyances dans les rapports entre Etats. Bien qu’aucune comparaison possible ne puisse et ne doive être faite entre le gouvernement français actuel et celui qui dirigeait l’Allemagne à l’époque, je n’ai pas pu m’empêcher de voir défiler ces images et ces symboles lorsque j’ai vu Madame la conseillère fédérale Widmer-Schlumpf signer la convention de double imposition en matière de successions avec la France le 11 juillet 2013 en nous expliquant qu’en cédant nous ouvrions la voie à de meilleurs rapports avec la France (…) Je tiens donc à mettre en exergue les quatre raisons pour lesquelles la signature de cette convention avec la France est une erreur politique et stratégique fondamentale pour notre pays dont les effets dépasseront très largement la question de l’imposition des successions.
Tout d’abord, comme je l’ai mentionné ci-dessus, croire que, dans le cadre des rapports étatiques, l’on obtient plus en étant faible est une croyance dont la fausseté a été démontrée par l’histoire. La paix ne s’achète pas par la faiblesse, mais par des rapports de force équilibrés.
En second lieu, la volonté émise par la France est de négocier globalement l’ensemble des problèmes rencontrés par nos deux Etats (…) Par conséquent, l’objectif est de conserver le maximum d’éléments dans son jeu que l’on serait prêt à concéder à l’autre partie. Or, en signant la convention sur les successions, le Conseil fédéral a sacrifié l’un de ses plus grands atouts avant même le début des négociations (…) La France, quant à elle, se montre beaucoup plus maligne dans le cadre des négociations. D’une part, elle a posé comme condition préalable avant toute négociation globale que le Conseil fédéral signe ce projet de convention (…) D’autre part, dans l’optique de ces futures négociations, la France a créé avec la Suisse de faux problèmes afin de créer des dossiers sur lesquels elle sait qu’elle devra céder, mais qui en fait, n’ont aucune portée. Tel est le cas de l’application de la double convention en matière de revenu et de fortune aux personnes imposées d’après la dépense en Suisse.
Troisièmement, dans les rapports et les négociations entre les Etats, l’objectif est de ne pas avoir le mauvais rôle. Or, il est incontestable que si la France avait dû mettre fin à la convention signée en 1953, donc datant de soixante ans, elle aurait endossé un rôle non amical, voire guerrier, à l’égard de la Suisse (…)
Enfin, les prochaines années seront marquées par des négociations ardues avec l’Union européenne et par des votations importantes ayant trait à des questions européennes. Je pense notamment à celles sur la libre circulation des personnes et sur les questions institutionnelles. Dans le cadre de ces négociations, il est important d’une part que la Suisse soit considérée comme un Etat fort et non pas comme un Etat qu’il suffit de mettre dans les cordes pour qu’il cède et, d’autre part, qu’il soit considéré comme un partenaire crédible (…) Par ailleurs, si le Conseil fédéral veut que le peuple suisse approuve les accords qu’il va conclure avec l’Union européenne, il est primordial que les citoyens helvétiques aient l’impression que notre gouvernement s’est montré fort et qu’il ne s’est pas agenouillé, voire couché (…)
Mesdames, Messieurs les conseillers fédéraux, sans même parler de question d’honneur, pour les raisons tactiques et stratégiques mentionnées ci-dessus, vous avez commis une profonde erreur en transformant en 2013 Paris en un Munich helvétique.
* Philippe Kenel détaillera les considérations techniques et fiscales relatives à cette convention durant l’été sur www.hebdo.ch
Blogs» Politique» L’avocat du diable
Berlusconi derrière les barreaux?
L’affaire Mediaset sera jugée six semaines seulement après le dépôt du recours.
Charles Poncet
Saisie en mai par le Cavaliere dans l’affaire dite de Mediaset, la Cour de cassation italienne a fixé son audience-débat et son prononcé au 30 juillet! Dans un système où des centaines de milliers de procédures judiciaires ont des retards tels que la Cour de Strasbourg condamne régulièrement l’Italie, cette étrange et inhabituelle précipitation a surpris (…) Dans le procès du Rubygate, il y a 30 témoins qui le disent innocent, la jeune femme prétendument détournée alors qu’elle était mineure dit ne l’avoir jamais approché au sens biblique du terme et on le condamne quand même! Dans l’affaire Mediaset, on tient des audiences six semaines après le dépôt du recours au lieu d’un an au minimum (…) C’est à se demander si Berlusconi ne paie pas les juges pour assurer ses prochains succès électoraux. Mon pronostic – s’il est juste je m’en vanterai – est que, dans sa sagesse, la Cour de cassation va reconsidérer la question à la lumière d’une demande de renvoi d’audience présentée par Me Franco Coppi, le tenace et remarquable avocat du Cavaliere, homme de sang-froid et technicien hors pair de la très complexe procédure pénale italienne. La cour va accorder ce renvoi, précisant que comme la requête émane de la défense, elle n’affectera pas la prescription. Nous reparlerons de tout cela en octobre.