Expertise.Depuis vingt-cinq ans, l’Anglais Simon Davies se bat pour le respect de la vie privée. Il sera présent à Genève, à l’occasion de conférences organisées par la Webster University.
«Les Etats-Unis ont développé un vaste réseau d’espionnage des citoyens européens et nous devrions tous nous en inquiéter.» Voilà ce qu’écrivait Simon Davies, un des pionniers de la confidentialité internationale, dans un article paru le 16 décembre 1997 dans le Daily Telegraph. En plus de 7000 signes, ce spécialiste des questions de confidentialité détaillait un rapport confirmant l’existence d’Echelon, nom de code désignant une base d’interception de satellites de télécommunication commerciaux.
«En Europe, tous les e-mails, téléphones et fax sont interceptés par l’Agence nationale de sécurité américaine. Ils passent par le centre stratégique de Londres, puis par satellite à Fort Meadan, dans le Maryland, via l’important centre Menwith Hill à North York Moors, en Angleterre.» L’Anglais se souvient parfaitement du combat qu’il a dû mener pour convaincre un rédacteur en chef de publier son papier. «J’ai mis six mois pour vendre mon article. J’ai essuyé beaucoup de refus, personne ne voulait me croire. Tout le monde me traitait de fou paranoïaque.»
Les 3 et 4 avril prochain, Simon Davies sera présent à Genève pour deux jours de conférences et d’ateliers portant sur le thème des médias et de la confidentialité organisés par la Webster University, une institution américaine fondée dans le Missouri et comptant des campus en Europe et en Asie.
Autodidacte. Né à Morecambe, au nord-ouest de l’Angleterre, Simon Davies a grandi à Sydney,en Australie, où sa famille a déménagé alors qu’il avait 6 ans. Il a toujours cumulé les fonctions, sans avoir fait d’études. «J’ai enseigné, été journaliste free-lance et guitariste.» Très vite, il s’illustre dans une campagne pour combattre l’introduction de cartes d’identité à usage national en Australie, un document qui aurait permis d’en savoir trop sur chaque citoyen. Au début des années 80, il décide de retourner en Angleterre.
«Alors que les ordinateurs prenaient de plus en plus de place dans notre vie, j’avais l’impression que les gens ne se sentaient pas concernés par ce danger et que cette question n’était pas assez étudiée par les milieux académiques. A mes yeux, il devenait essentiel de réfléchir à des moyens de se protéger.» Il fonde alors Privacy International, un organisme de contrôle qui s’occupe de questions autour de la vie privée. Durant des années, soutenu par un comité consultatif de 30 personnes, il informe, donne des conférences, pose des questions qui dérangent aux gouvernements, révèle les pratiques de certaines compagnies et d’agences d’espionnage.
Son expertise sur les questions de confiden-tialité l’amèneront à enseigner dans les Univer-sités de Greenwich et Essex Aujourd’hui, il donne des cours à la London School of Economics. A Genève, sa conférence portera sur la façon de mener campagne pour changer les choses. «Créer des turbulences et déranger le système», voilà un des nombreux conseils que donne Simon Davies. «Même une personne seule peut avoir une grande influence. Les médias adorent les non-conformistes qui partent seuls au combat.»
E-mails, SMS... Des conseils pratiques pour la vie quotidienne? «Ne fournissez aucune donnée vous concernant, sauf en cas d’obligation. N’utilisez pas les applications, sauf si c’est une nécessité. Concernant la messagerie instantanée WhatsApp, récemment rachetée par Facebook, je suis à 100% sûr que, dans quelque temps, elle comportera de la publicité. Changez et utilisez l’application Telegram. Utilisez PGP (Pretty Good Privacy), un logiciel de chiffrement et de déchiffrement cryptographique, pour vos e-mails, ou alors utilisez uniquement Skype. Plus les gens agiront pour protéger leur vie privée, plus les gouvernements devront prendre leurs désirs en considération.»
Mais, au fait, un honnête citoyen a-t-il vraiment quelque chose à cacher? «Bien sûr! Ceux qui prétendent le contraire sont des hypocrites. Nous avons tous des choses à cacher, ne serait-ce que pour protéger notre famille.»
Genève, Webster University, du 3 au 4 avril, gratuit et ouvert à tous sur inscription (conférences et ateliers en anglais). www.webster.ch