Médias.Un nouveau média d’information en ligne, payant, dédié à l’enquête et au reportage, sera lancé début avril à Fribourg. Il sera également décliné sur papier.
La presse romande cherche de nouvelles alliances, comme le montre la vente du Temps, mais aussi de nouvelles expériences. A l’exemple du média d’information qui sera lancé début avril à Fribourg. Celui-ci proposera du reportage, de l’enquête, de la photographie et de la vidéo en lien avec son canton, mais aussi et surtout avec le monde tel qu’il va. Il s’appellera Sept, comme les sept districts fribourgeois. Ou les sept jours de la semaine.
A la source de ce «petit laboratoire de l’information», comme le décrit son responsable, Patrick Vallélian, un bimensuel resté actif pendant vingt-deux ans à Fribourg: L’Objectif. L’an dernier, désirant vendre son périodique, le fondateur de L’Objectif a contacté l’homme d’affaires et avocat fribourgeois Damien Piller.
Parmi ses nombreuses activités (dont l’une lui a valu une mise en examen en 2010 par la justice française), Damien Piller a un fort intérêt pour les médias. Il est président de Radio Fribourg et membre de la télévision régionale romande La Télé. L’avocat a accepté de reprendre L’Objectif, ainsi que ses milliers d’abonnés et son portefeuille d’annonceurs, avec l’idée de lui donner une nouvelle identité, plus en phase avec l’époque numérique. Et avec un canton dont le dynamisme économique, culturel ou dans l’éducation n’est plus à démontrer. Positionner Fribourg dans les nouveaux modes de consommation de l’information, accroître le pluralisme des médias dans la région, voilà quel est l’état l’esprit de la reprise de L’Objectif.
Carte blanche. Damien Piller a confié au journaliste bullois Patrick Vallélian, un ancien de L’Hebdo, la conception et la direction du nouveau média. Sept.info, son adresse internet, devrait être active dès le 4 avril prochain. Patrick Vallélian a eu carte blanche pour penser le média sur des bases contemporaines. C’est-à-dire un site payant qui compte d’abord sur ses lecteurs pour financer sa rédaction.
L’abonnement coûtera 99 francs la première année (jusqu’à la fin 2014), 168 francs par la suite. La publicité ne sera pas proscrite, à l’exemple du site français Mediapart: elle s’affichera sur le site, mais aussi dans l’hebdomadaire Sept sur papier.
Tous les vendredis, sur une quarantaine de pages en petit format, la rédaction publiera le meilleur de la semaine écoulée. L’hebdomadaire sera envoyé aux abonnés du site d’information générale, mais aussi vendu en kiosque. «Nous ne voulons pas faire concurrence à L’Hebdo, pas plus que nous voulons chasser sur les terres de La Liberté à Fribourg, note Damien Piller. Nous n’en avons pas les moyens financiers! Le capital de la nouvelle société Sept est de 600 000 francs. Et je m’engage à couvrir son déficit pour les cinq prochaines années. Reste que Sept est une expérience aux moyens limités. Son positionnement journalistique est toutefois ambitieux, indépendant et transparent.»
Journalisme lent. Dans la petite rédaction de Villars-sur-Glâne où s’active une petite dizaine de journalistes, Patrick Vallélian montre l’ébauche du média sur un écran d’ordinateur portable. Des reportages sur le destin malheureux de l’entreprise Ilford, sur le braconnage, mais aussi sur la Syrie, l’Inde… Des images en grand format de Michael von Graffenried, fameux photographe bernois qui est aussi le directeur artistique de Sept. D’autres images jamais vues, obtenues grâce au réseau de Michael von Graffenried, en dehors des grandes agences comme AFP, Reuter ou AP. Des chroniques régulières, comme celle de François Gross, ancien rédacteur en chef de La Liberté. Des espaces pour les chroniques, blogs, interventions et discussions des abonnés, qui seront mis à contribution pour faire vivre le média.
«C’est du journalisme lent, décalé, pas du tout exhaustif, argumente Patrick Vallélian. Notre modèle n’est pas Watson, un site d’information récemment lancé en Suisse alémanique avec un budget de 20 millions. Ou des publications originales sur papier comme La Couleur des Jours et La Cité. C’est plutôt l’ambitieuse plateforme journalistique néerlandaise De Correspondent.» Celle-ci a été lancée l’an dernier grâce à un crow-funding d’un million d’euros, un record dans l’histoire de la presse.
De Correspondent comme Sept défrichent l’avenir de la presse écrite, en ligne mais pas seulement, avec des choix tranchés, de la qualité revendiquée, des sujets longs ou en feuilleton, des thèmes qui passent sous le radar des médias tra-ditionnels. Des entreprises à très hauts risques et renta-bilités incertaines, donc. Mais si nécessaires.