Malaysia airlines.Commandant de bord, Bill Palmer est l’auteur d’un livre référence sur la disparition en mer du vol 447 Rio-Paris d’Air France en 2009. Il explique comment un simple incendie de câble a pu entraîner le vol fantôme du MH370.
Propos recueillis par Marco Evers
Les derniers mots du copilote du MH370 de la Malaysia Airlines sont: «Tout va bien, bonne nuit.» Deux minutes plus tard, le transpondeur est désactivé, comme pour rendre l’avion invisible. N’est-ce pas l’indice d’un acte criminel?
Peut-être, mais pas forcément. Ces mots du copilote sont normaux. Il se pourrait qu’un incendie de câblage ait abîmé le transpondeur, les radios et autres systèmes de communication.
Et personne n’aurait rien vu deux minutes avant?
Ce genre de chose se passe très vite. Un feu dans la gaine technique sous le cockpit pourrait expliquer la panne des appareils radio. Puis il y aurait sans doute une série de courts-circuits. Bien sûr, nous ne savons pas pourquoi cela aurait brûlé. Une bombe ou un câblage défectueux?
En plus, l’équipage a changé de cap sans annoncer la moindre situation d’urgence.
En situation de détresse, les pilotes ont les priorités suivantes: l’avion doit continuer de voler, c’est l’essentiel. Ensuite il faut éviter toute collision. La communication n’arrive qu’au troisième rang. Les pilotes ont sans doute été trop occupés par le feu pour veiller à la sécurisation du vol. Et prévu de rentrer à Kuala Lumpur. Cela a du sens.
Ils ont changé de cap une seconde fois, vers le nord-ouest.
Cela indique qu’ils ont choisi de mettre le cap sur Pulau Langkawi. Cette île malaise a une piste d’atterrissage très longue et ne comporte ni collines ni montagnes. C’était un bon plan de rallier cette destination, surtout si l’avion était fortement endommagé.
Quelle est la gravité d’un feu dans le cockpit?
C’est la pire situation que l’on puisse imaginer. Pensez au vol 111 de Swissair qui s’est écrasé en mer, au large du Canada, le 2 septembre 1998. La cause était un câblage défectueux dans l’électronique des distractions à bord. Les pilotes ont tenté d’y parer mais, quinze minutes seulement après l’apparition de la fumée, l’appareil a plongé dans la mer. Le cockpit était devenu un four. Tout le monde est mort.
Le MH370 n’est pas arrivé à Pulau Langkawi. En lieu et place, l’avion a grimpé à 45 000 pieds, une altitude pour laquelle il n’est pas fait. Puis il a plongé à 23 000 pieds, trop bas pour ce genre de jet. Comment s’expliquent de telles manœuvres?
Plusieurs pilotes l’expliquent par la tentative du commandant d’étouffer le feu dans une atmosphère raréfiée. Je pense plutôt que les deux pilotes avaient alors perdu conscience. Le pilote automatique qui maintient le cap avait apparemment été désactivé. L’avion poursuivait sa route sans but, mais de manière stable.
Comment est-ce possible?
Le Boeing 777 est un appareil moderne «fly-by-wire». Il comporte des ordinateurs de contrôle de vol dans le fuselage qui stabilisent l’appareil en continu. Ces calculateurs sont programmés pour maintenir la vitesse indiquée par le pilote. Ils relèvent automatiquement le nez de l’avion quand il va trop vite, l’abaissent quand il est lent. Et ils veillent à ce que l’appareil ne soit jamais en posture critique.
Tout s’arrête, sauf ces calculateurs?
Le Boeing 777 possède quatre de ces calculateurs en divers points de l’avion. Ça suffit quand un seul d’entre eux est en panne. Alors l’avion continue de voler, réagit aux vents, aux turbulences, aux variations de température. Il décrit des méandres. Je n’aurais pas imaginé qu’un tel avion puisse grimper à 45 000 pieds, mais en même temps je ne suis pas surpris.
Un avion fantôme…
… qui reste en vol aussi longtemps que ses réservoirs ne sont pas vides. Nous ignorons si les passagers l’ont vécu ou s’ils étaient inconscients.
A quoi ressemblerait son crash?
A un vol d’approche trop pentu et trop rapide pour un amerrissage en douceur.
Votre théorie peut-elle être établie?
Uniquement si l’on retrouve l’appareil et ses boîtes noires. Sinon, le MH370 restera le plus grand mystère de toute l’histoire de l’aviation.
© Der Spiegel Traduction et adaptation Gian Pozzy