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Le phénix Omega

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Jeudi, 27 Mars, 2014 - 05:56

Saga.Menacée de disparaître il y a trente ans, la marque Omega, exposée à Baselworld qui ouvre ses portes le 27 mars, n’a jamais été aussi florissante. Sa formule: une production de luxe à l’échelle industrielle et un marketing qui se nourrit de légende.

Ce 21 juillet 1969, le tout jeune Stephen Urquhart, de langue maternelle anglaise, a une tâche précise à accomplir au sein de la société Omega qui l’a engagé une année auparavant. Un casque sur les oreilles, celui qui deviendra président de la société biennoise trente ans plus tard, après un passage chez Audemars Piguet, doit compter combien de fois et dans quel contexte le nom de la marque horlogère est prononcé par Neil Armstrong et Buzz Aldrin. Qui sont les premiers hommes à marcher sur la Lune lors de la mission Apollo 11. Trente-six heures d’écoute s’écoulent, sans que les Omega Speedmaster portées par les astronautes américains ne suscitent le moindre commentaire. C’est sans doute mieux ainsi. Entendre une phrase du genre «Omega, we have a problem!» ne serait pas un bon signal.

L’aventure de ce qui deviendra la Moonwatch commence au début des années 60, lorsque deux employés de la NASA achètent cinq chronographes de marques différentes auprès de plusieurs détaillants horlogers de Houston, dont l’Omega Speedmaster acquise chez Corrigan’s. Après avoir passé avec succès une série de tests rigoureux, cette dernière est finalement considérée par l’agence spatiale américaine comme la plus adaptée aux conditions de l’espace.

En 1969, époque florissante des trente glorieuses, Stephen Urquhart et ses collègues d’Omega sont loin de se douter que, quelques années plus tard, leur entreprise va avoir un sérieux problème. Et manquer tout simplement de disparaître dans la tourmente de la crise horlogère des années 70-80.

Avec 730 000 montres vendues annuellement dans le monde, un chiffre d’affaires estimé à 2,5 milliards de francs, une forte présence sur les marchés de Chine, de Hong Kong et des Etats-Unis, par ordre décroissant, la société Omega, aujour-d’hui en pleine santé, a pourtant connu des heures sombres dont elle a heureusement tiré les leçons. Et qui font aujourd’hui son épanouissement. La ligne d’assemblage ultramoderne, sur 1000 mètres carrés, entièrement dédiée au calibre maison 9300/9301 qui incorpore les fonctions de chronographe, est le témoin des mésaventures vécues par l’entreprise depuis ses origines en 1848.

Installée dans les locaux de la société ETA, à Granges (SO), qui fabrique l’essentiel des mouvements mécaniques et à quartz de Swatch Group, cette ligne illustre à la fois le passé et l’avenir: ce qui, au fil des ans, a échappé à Omega comme manufacture proprement dite et ce qui lui revient désormais en force.

Le luxe devient industriel

Surévaluation du franc, chocs pétroliers, révolution du quartz avec l’assaut dévastateur des producteurs nord-américains et asiatiques, ce cocktail fait exploser l’horlogerie suisse dès 1975. Au secours de l’ASUAG, qui regroupe les fabricants d’ébauches et de composants des montres, et de la SSIH, qui réunit les marques Omega et Tissot (lire «Au fil du temps»), les banques UBS et SBS font le grand ménage. Elles fusionnent ces deux entités horlogères à l’agonie et intègrent leurs départements techniques de fabrication et de recherche sous un même toit. C’est la montée en puissance d’ETA à Granges, sous la houlette d’Ernst Thomke, qui dès lors fabrique les ébauches, notamment celles des montres Omega.

«Cette magistrale épuration fait perdre à Omega son statut de manufacture et ramène ses effectifs à 155 personnes à la fin de 1985», relève Marco Richon, créateur du musée de la marque et auteur d’ouvrages très documentés sur l’horlogerie. Un siècle plus tôt, les collaborateurs étaient trois fois plus nombreux!

En 1985, les financiers se retirent de l’avant-scène pour faire place à l’instigateur de ces grandes manœuvres, Nicolas G. Hayek. A la tête d’un nouveau mammouth horloger – la SMH qui deviendra Swatch Group en 1998 –, «il prend le risque d’investir et de troquer son rôle de conseiller d’entreprise pour celui de grand capitaine de l’industrie». C’est aussi lui qui exigera le maintien de la société Nivarox-FAR, devenue leader quasi incontournable dans la production du balancier-spiral et de l’échappement, le cœur de la montre. Si Ernst Thomke, l’un des promoteurs de la célèbre Swatch, estime alors que l’horloger classique est en voie de disparition, Nicolas G. Hayek croit, lui, à l’avenir de la montre mécanique. Sans les entreprises ETA et Nivarox-FAR, Omega aurait sans aucun doute fait long feu, rachetée par les Japonais ou jetée aux oubliettes.

Clin d’œil de l’histoire, d’ici à 2016 certaines opérations de fabrication jusqu’ici réalisées dans les locaux d’ETA à Granges (SO) et à Saint-Imier (BE) seront regroupées dans un nouveau bâtiment à Bienne, tout près du siège d’Omega. La marque se réapproprie en partie son statut de manufacture tout en continuant à se fournir en composants auprès des sociétés de Swatch Group.

Quant à la fabrication des montres à l’échelle industrielle, entamée en 1880 avec Louis-Paul et César Brandt, les deux fils du fondateur, elle semble un leitmotiv de la société tout au long de son évolution. Produire, c’est bien. Vendre, c’est encore mieux. Et, là aussi, il y a eu – et il y a toujours – fort à faire.

La distribution devient gérable

«En Chine, notre premier marché, nous avons réduit de moitié le nombre de nos points de vente, qui se chiffrent désormais à 180, dont 120 sont des boutiques monomarques. Ainsi, nous contrôlons mieux notre distribution», souligne Stephen Urquhart. La maîtrise de cette dernière, c’est un vieux serpent de mer. Adolphe Vallat, chef de la publicité, des ventes puis charismatique directeur commercial de l’entreprise en 1946, a déjà tenté de dompter l’animal, avec un certain succès. Selon lui, moins il y a de détaillants, plus ces derniers font du chiffre d’affaires. Des paroles aux actes: de 100 000 en 1930, les points de vente fondent à environ 10 000 en 1960, pour atteindre 3000 aujourd’hui.

Cette politique sélective fondée sur la qualité des distributeurs a dû être menée tambour battant, notamment aux Etats-Unis, où l’agent général de la marque n’en faisait qu’à sa tête jusqu’à son rachat par le groupe en 1979. Contrairement au marché chinois, où tout était à cons-truire, le marché nord-américain souffrait d’un historique défaillant à dépoussiérer. Les résultats sont là. En 2014, Omega possède 38 boutiques aux Etats-Unis, employant près de 2300 collaborateurs, sous la responsabilité d’une seule personne.

«Pour être bien, mieux vaut être autonome», observe son président, avec un flegme naturellement britannique. Au Brésil, eu égard à des droits de douane exorbitants, «la seule manière d’être présent sur ce marché, c’est d’ouvrir ses propres boutiques». D’ici aux Jeux olympiques de Rio de Janeiro en 2016, Omega, qui assure leur chronométrage officiel, compte inaugurer de «six à sept» magasins propres dans le pays, en plus des quatre déjà en service à Rio de Janeiro, São Paulo et Brasilia. Dans le monde, la société compte 322 boutiques dont 123 en exclusivité.

Le marketing devient séduisant

L’horlogerie sans marketing ni publicité serait comme un baba sans rhum. Elle n’aurait plus aucun goût. En organisant en 1948 la première campagne publicitaire internationale jamais réalisée par une grande marque, Adolphe Vallat donne le ton. Les années suivantes, Omega multiplie les ambassadeurs publicitaires, artistes et sportifs de premier plan.

Avec l’arrivée de Jean-Claude Biver à la tête du marketing en 1993, que Nicolas G. Hayek a recruté après avoir racheté sa marque Blancpain, les parrains ou marraines ne se contentent plus de figurer sur le papier glacé des magazines. Ils sont aussi payés pour faire la promotion vivante et active d’Omega. Parmi eux, le mannequin Cindy Crawford qui, à 30 ans en 1996, pourrait logiquement voir son étoile pâlir, reprend du poil de la bête comme ambassadrice. Plaisant aux hommes, bien sûr, mais aussi aux femmes sans les rendre jalouses, elle colle à l’image d’une montre qui doit séduire à tous les âges.

Quant à James Bond, incarné en 1995 par Pierce Brosnan dans Golden Eye, il porte la Seamaster qu’il convient d’arborer si l’on est un 007 qui se respecte. Quelques semaines avant la sortie des James Bond, Omega invite les futurs spectateurs à observer attentivement le poignet de leur héros.

Associer l’exploit à la marque, la tentative ne réussit que si le produit est techniquement à la hauteur. C’est le cas avec la Speedmaster Professional (la Moonwatch), la seule montre autorisée par la NASA à faire des sorties extravéhiculaires dans l’espace. Depuis quarante-cinq ans, ce chronographe mécanique à remontage manuel a dû conserver les mêmes références et standards de production. Ainsi, la montre n’est toujours pas équipée d’un verre saphir qui, en se brisant dans l’espace, se décomposerait en une multitude de particules redoutables.

La haute technologie du chronométrage par Omega s’invite également aux Jeux olympiques, dont ceux de Sotchi en février dernier, où 260 techniciens ont œuvré pour la marque.

L’innovation devient légendaire

L’échappement Co-Axial: cette technologie révolutionnaire réduit sensiblement les frottements en regard de l’échappement traditionnel à ancre suisse, augmentant ainsi l’efficacité et la performance de la montre mécanique. Son auteur, George Daniels, autodidacte britannique de génie, l’un des rares horlogers capables de fabriquer de A à Z une montre à grande complication, va s’y prendre à plusieurs reprises dès 1974 pour convaincre les horlogers suisses des vertus de sa trouvaille. A la fin des années 80, il finit par emporter l’adhésion du directeur général  d’Omega, Hans Kurt, et surtout de l’intuitif Nicolas G. Hayek, patron de Swatch Group. C’est le début d’un saut technologique majeur.

Autour de l’échappement Co-Axial réalisé en 1999, l’entreprise développe un calibre spécifique et exclusif en 2007. Aujourd’hui, la quasi-totalité de la production des montres mécaniques de la maison a adopté cette technologie, devenue une légende vivante par une mise en valeur judicieusement ciblée. Dernière réali-sation, la marque a sorti un mouvement résistant aux champs magnétiques supé-rieurs à 15 000 gauss. Un record mondial.

Face à Rolex et à Cartier, ses principales concurrentes, Omega, qui a marché sur la Lune, garde les pieds sur Terre. Pour perdurer, elle s’impose de per-pétuelles innovations. Et sait fort bien les communiquer.


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