Analyse.Même si les trains ne sont de loin pas aussi bondés qu’ils l’imaginent, les Romands disent souffrir du stress dans les gares.
Notre enquête le démontre clairement: les trains bondés ne sont pas une réalité tangible, tout au plus un sentiment diffus. En deuxième classe, en queue comme en tête des trains, il reste presque toujours au minimum 10% de sièges libres. Un formidable démenti à l’un des arguments massue de l’UDC lors de sa campagne contre l’immigration de masse, selon lequel les trains seraient archicombles.
Dans les faits, c’est le contraire qui est vrai. Depuis que les CFF ont offert 30% de plus de places assises en Suisse romande, en décembre 2012, la situation s’est nettement détendue sur l’arc lémanique.
«Les trains bondés ne sont qu’un cliché instrumentalisé par l’UDC. C’est de la pure propagande. Même entre Zurich et Berne, j’ai toujours pu trouver une place assise», s’insurge l’ancien vice-chancelier de la Confédération Oswald Sigg. Le conseiller national Guy Parmelin (UDC/VD) n’est bien sûr pas d’accord. «C’est un fait que le nombre de passagers des CFF a fortement augmenté. Les trains sont pleins aux heures de pointe», rétorque-t-il. C’est largement inexact! Même à ces heures-là, les trains ne sont remplis qu’à 65% de leur capacité en Suisse romande.
En revanche, impossible de nier ce stress dont parlent de nombreux usagers du rail. Une notion qui est ressentie très différemment des deux côtés de la Sarine. Les Alémaniques parlent beaucoup du «stress de la densification». Ils font allusion ici au phénomène de la métropolisation, très médiatisé depuis que la Suisse a dépassé le cap des 8 millions d’habitants.
«Une partie des Alémaniques, très attachée à une vision Heidiland du pays, a voté oui à l’initiative de l’UDC dans l’espoir de préserver cette Suisse mythologique. En revanche, cette notion de stress de la densification est quasiment inconnue en Suisse romande, où la métropolisation de l’arc lémanique a été liée à une sortie de la crise économique des années 90», relève le géographe Pierre Dessemontet.
Le stress des Romands n’est donc pas dû à cette peur de l’urbanisation de la Suisse. S’il existe aussi, il est plus concret. Il résulte davantage des flux chaotiques de passagers dans les gares et de la perception d’un effet de masse sur les quais. «Les gens ne se doutent pas qu’un train de 400 mètres de long peut absorber tout ce monde», note l’agent de train Aloys Rambosson.
Dès qu’un train affiche un taux d’occupation oscillant entre 50 et 75%, les Romands ont déjà le sentiment qu’il est plein. C’est dire s’ils sont exigeants en matière de confort dans les trains, beaucoup plus que lorsqu’ils prennent l’avion, où ils doivent se plier sans broncher à une discipline stricte.
Confort personnel. «Nous vivons dans un pays où les gens réclament non seulement une prestation, mais aussi un confort personnel. Et, lorsqu’ils parcourent deux ou trois wagons sans trouver la place qui leur convient, ils perçoivent immédiatement un début de saturation dans le train», résume Olivier Français, conseiller municipal lausannois et conseiller national PLR spécialiste des transports.
Interrogés sur les conclusions de l’enquête de L’Hebdo, les CFF se disent contents de constater que leur clientèle a remarqué l’amélioration de l’offre en décembre 2012. Ils vont bien sûr poursuivre cet effort, puisqu’ils s’attendent à un doublement de la demande d’ici à quinze ans en mettant en service de nouveaux trains à deux étages. «Dans le cadre du projet Léman 2030, nous prévoyons d’élargir et d’allonger les quais, en plus du triplement de la largeur des passages sous-voie, de manière à améliorer le flux des voyageurs», promet le directeur général Andreas Meyer. Pour faciliter une meilleure répartition des voyageurs sur les quais, les CFF procèdent actuellement à des essais dans la région de Bâle. Ils testent par exemple une signalétique jouant sur des projections de lumière sur le sol.
Et les incivilités? Les CFF ont engagé des équipes mobiles chargées de nettoyer les trains en route. «Et, lorsqu’un agent de train constate que des voyageurs sont debout, il peut faire une annonce par haut-parleur pour demander aux gens de déplacer leurs sacs», relève encore Andreas Meyer.
Les CFF feraient bien de généraliser ces annonces. Car très nombreux sont les passagers qui ont confié leur gêne d’adopter un comportement intrusif à l’égard d’autrui. En Valais, les seuls usagers qui mettaient systématiquement leurs valises et autres bagages au-dessus des sièges étaient les touristes étrangers!
Tiercé gagnant
Les rares trains bondés
Les CFF sont plutôt avares dans la communication de leurs chiffres. Ils craignent de donner des armes à une éventuelle future concurrence dans la perspective de l’ouverture du marché européen du rail. Ils ont tout de même consenti à publier le tiercé des trains les plus fréquentés de Suisse romande, sur lesquels surviennent parfois des insuffisances de capacité. Demi-surprise aux deux premières places: ce sont des trains partant de Lausanne en direction du Valais et du Jura, et non vers Genève, qui sont les plus chargés. Quant au train Genève-Lausanne, il est surtout bondé sur son premier tronçon jusqu’à Nyon. Une chose est sûre: mieux vaut éviter l’heure rouge de 17 à 18 heures. KLOOS