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La Suisse à 10 millions d’habitants
Lausanne: Taou(a) la ville?
Le 13 avril prochain, les Lausannoises et Lausannois votent sur leur tour. Et sur beaucoup plus que ça.
Pierre Dessemontet
La campagne de votation sur le référendum contre la tour Taoua sur le site de Beaulieu bat son plein à Lausanne et, comme toujours s’agissant d’un débat d’urbanisme, partisans et opposants s’étripent. (…) Vu de l’extérieur toutefois, le débat est resté largement local: les Lausannoises et les Lausannois s’écharpent sur un projet, un quartier (…) sans vraiment réfléchir à la place de leur cité dans l’agglomération, le canton, la métropole lémanique en constitution. Or, c’est aussi de cela qu’il s’agit. Les projets de tours comportent une forte composante symbolique. Les seules construites récemment en Suisse l’ont été dans des villes mondiales, qui s’assument comme telles, de vraies métropoles: Zurich et Bâle. A l’inverse, là où la mentalité de village persiste, les projets échouent: comme récemment à Bussigny (…). D’une certaine manière, en Suisse les tours sont un marqueur d’urbanité: elles ne sont possibles qu’en ville. Et donc, ce débat resterait aimablement théorique si nous n’étions pas à Lausanne. Mais voilà, nous y sommes et, dans le domaine de l’urbanité, Lausanne a désormais une formidable concurrence: l’ouest lausannois. Le 9 février dernier, Chavannes-près-Renens a largement accepté sa propre tour. (…) Pendant que Lausanne doute du bien-fondé d’une implantation à forte valeur symbolique urbaine, son ancienne banlieue industrielle s’urbanise à marche forcée et signale à qui veut bien l’entendre qu’elle est prête, le cas échéant, à prendre le relais – voire qu’elle n’attend que ça. Et c’est à cette lumière aussi qu’il faudra lire le choix des Lausannoises et des Lausannois. (…) A travers Taoua, c’est bien la place de leur ville, dans l’ensemble qu’elle constitue avec ses banlieues, son canton, et au sein de la métropole lémanique, qui est en jeu. Les édiles et les deux partis historiquement au pouvoir à Lausanne ne s’y sont pas trompés, qui défendent le projet avec une rare unité. En face d’eux, à confondre ville avec zone résidentielle, à vouloir accorder plus d’importance à la vue et à la sacralisation d’un patrimoine urbain dont on oublie qu’il doit être dynamique, plutôt qu’à l’expression même de ce dynamisme, les opposants à la tour prennent le risque de fossiliser la ville-centre au moment même où ses marches occidentales s’affirment comme jamais en tant qu’alternative. En oubliant qu’en ville, il n’y a de tranquillité que dans les musées et les cimetières.
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Le futur, c’est tout de suite
Qui a perdu la crimée?
Les républicains, John McCain au Sénat et la chaîne d’informations Fox News ne manquent pas de tenir Obama pour responsable de l’annexion de la Crimée par Vladimir Poutine.
Guy Sorman
Selon leur argumentaire, la passivité internationale d’Obama, le retrait des troupes américaines d’Irak et d’Afghanistan, la volonté de négocier à tout prix avec l’Iran, la réduction des dépenses militaires, le pacifisme affiché du président américain – tout cela accumulé – auraient été vécus comme une invitation faite aux Russes de violer sans risques le droit international. (…) Alors, Obama a-t-il vraiment perdu la Crimée? Il est certain que son choix du pacifisme et de la négociation avec l’ennemi a pu l’aveugler sur la nature de cet ennemi. Le poutinisme a également échappé aux experts américains: il n’y a pratiquement plus aucun spécialiste de la Russie au Département d’Etat où tous les analystes se sont reconvertis dans la sinologie qui paraît plus prometteuse. Les Européens sont-ils mieux lotis? La Russie poutinienne rapporte gros aux entreprises allemandes, françaises et britanniques: les états d’âme passent au second rang. Seuls les Polonais et les Baltes nous mettaient en garde contre le revanchisme militaire russe; mais qui les écoutait? L’annexion de la Crimée aura donc pris par surprise les autorités françaises autant qu’américaines: elles ont perdu la Crimée, mais ensemble. On se réconfortera en imaginant que, à terme, la Russie restera une puissance faible sans les ressources économiques nécessaires à son ambition impériale. Mais l’URSS n’avait pas non plus les moyens de ses ambitions: elle a tout de même terrorisé le monde pendant soixante-dix ans.
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Kenel de Requin
9 février: une chance pour l’europe?
L’Union européenne, malgré ses défauts, est l’une des plus belles réalisations politiques du XXe siècle.
Philippe Kenel
Pour éviter tout malentendu sur la portée de mes propos, je tiens à préciser que j’étais fermement opposé à l’initiative «Contre l’immigration de masse» acceptée par le peuple suisse le 9 février 2014. Cela dit, ce serait se voiler la face de ne pas vouloir voir que les rapports entre les citoyens, suisses et européens, avec la notion de nation, sont en train d’évoluer. Alors que, durant de nombreuses années, la nation et le nationalisme étaient plutôt synonymes de guerre et de conflit, il apparaît clairement qu’aujourd’hui un certain nombre de citoyens se sentant perdus dans un monde globalisé tendent à se raccrocher à des entités, telle la nation, qui lui sont plus proches. La pire des attitudes que pourrait adopter la Commission serait d’ignorer ce mouvement et de s’entêter dans une application sans nuance des principes fondateurs de l’UE. A moyen, ou à long terme, cela débouchera sur une explosion de l’UE. Dans ce cadre, le cas helvétique, bien géré, est une aubaine pour l’UE. En effet, il peut permettre à la Commission de trouver une solution qui respecte l’esprit de la libre circulation des personnes tout en tenant compte du besoin de sécurité émis par la majorité du peuple suisse. Cette solution négociée avec le Conseil fédéral pourrait être testée par la Commission dans le petit laboratoire qu’est la Suisse et, si les résultats de l’expérience s’avèrent positifs, proposée comme une solution aux citoyens européens inquiets et aux Etats membres qui hésitent à quitter l’UE.
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Le scalpel de l’histoire
L’europe trébuchera-t-elle sur l’histoire?
L’Union européenne se retrouve paralysée dans son hétéroclite gigantisme et par des ambitions nationales antagoniques.
Olivier Meuwly
Les diverses raisons susceptibles d’expliquer les difficultés que connaît l’Union européenne constituent autant d’obstacles qui pourraient, combinés les uns avec les autres, s’avérer fatals à terme. Elles me semblent toutefois négliger un problème plus fondamental: le rapport qu’entretient l’Union européenne avec l’histoire. (…) L’Union européenne a bâti son projet sur un discours très en vogue dans les années 70 et 80 et qui se félicitait de la fin inexorable des nations, des frontières. Cette ambition puisait évidemment dans le vœu salutaire d’épargner aux Européens les horreurs passées du nationalisme. La chute du rideau de fer a fortement ébranlé cet espoir. Non en signifiant aux Européens qu’il seraient voués par je ne sais quelle puissance divine à vivre perpétuellement dans la guerre, mais en leur disant que les valeurs universelles, qu’elle a véhiculées avec succès de par le monde, ne pouvaient faire l’impasse sur l’histoire, même désagréable, de ses peuples. La reconfiguration du continent européen qui s’est emmanchée à partir de 1989 a sans doute réveillé les nations. Mais le réveil des nationalismes, lui, se nourrit autant des nations que de leur déni. (…) L’histoire n’est pas synonyme de nationalisme. Elle permet seulement d’expliquer des réactions auxquelles nous ne sommes plus habitués. Elle ne nous apprend pas à les déjouer d’un coup, mais rappelle que leur négation n’engendrera que leur pérennisation. L’universel n’est pas incompatible avec le national, à condition qu’un dialogue puisse s’installer entre ces deux univers conceptuels.
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Le blog de Jacques Neirynck
L’optimisation de la recherche, façon Schneider-Ammann
On commence à mesurer exactement quelques conséquences de la votation du 9 février.
Jacques Neirynck
Si l’échange d’étudiants dans le cadre d’Erasmus+ pourra se poursuivre, il n’en sera pas de même de la collaboration avec l’Europe dans le programme Horizon 2020. (…) Si la Suisse ne peut plus être subsidiée par l’UE comme elle le fut, il faudra qu’elle puise dans ses propres ressources. Mais le Conseil fédéral a pris une décision: «il n’est pas prévu d’augmenter le budget FRI (formation, recherche et innovation)». En clair, il y aura désormais 300 millions de moins pour la recherche chaque année. (…) cela signifie moins d’équipements certes, mais aussi moins de personnel. Combien de centaines de chercheurs faudra-t-il licencier ou ne pas engager? Personne ne le sait. Ce que l’on peut imaginer par contre, c’est qu’ils iront travailler à l’étranger où leur apport sera apprécié. Car les scientifiques se déplacent en fonction des opportunités de travailler sérieusement. Ils n’ont que faire des aléas de la politique régionale. (…) Mais le Conseil fédéral ne s’en soucie guère: «il faudra établir des priorités». Lesquelles, on ne le dit pas. (…) cela veut dire en clair que des programmes seront sacrifiés, selon des critères dont on ne sait rien. Cela veut dire que le Conseil fédéral est intimement persuadé que certaines recherches n’ont aucune importance, entendons n’ont pas de retombées économiques. (…) Tout cela, le conseiller fédéral Johann Niklaus Schneider-Ammann l’a annoncé avec le bon sourire d’un grand-papa annonçant aux enfants qu’ils seront privés de dessert pour ne pas s’habituer à une vide de luxe.