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Taoua, la tour qui fera de l’ombre

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Jeudi, 3 Avril, 2014 - 05:57

Votation.Le socialiste Grégoire Junod défend le projet Taoua. Au risque de déplaire aux Lausannois dont il devrait être le prochain syndic.

A Lausanne, la campagne pour ou contre Taoua, la tour de 87 mètres que la Municipalité entend construire sur le site de Beaulieu, entre dans la dernière ligne droite. Le référendum se tient le 13 avril.

Beaulieu: le nom paraît prédestiné pour offrir une vue incroyable sur le bassin lémanique, c’est là qu’on fêta en 1903, en très grande pompe, le centenaire de la naissance du canton. Mais Beaulieu fut surtout longtemps synonyme de Comptoir suisse, la foire nationale de septembre accueillant dans ses vastes halles deux mondes, celui des citadins consommateurs de nouveautés et celui des producteurs de la terre, dans une convivialité bonhomme et politiquement très marquée par le radicalisme triomphant.

De fierté, le site est pourtant devenu un problème: comment assurer la viabilité d’un centre de congrès soumis à une concurrence désormais plus rude? Comment refaire de bâtiments gris trop souvent vides l’emblème du dynamisme de la capitale?

La nature a horreur du vide, le pouvoir radical sur Lausanne ayant beaucoup régressé ces dernières décennies, c’est désormais le Parti socialiste qui se retrouve en première ligne pour vendre Taoua à la population.

Dans le camp de ceux qui défendent la construction multifonctionnelle, on trouve ainsi deux wonder boys de la politique locale: Grégoire Junod, 39 ans, conseiller municipal élu en 2011, responsable du Logement mais aussi de la Sécurité publique, et Benoît Gaillard, 29 ans, président du PSL depuis l’an dernier.

Un échec le 13 avril ferait indubitablement tache sur leurs CV impeccables. Non pas qu’ils ignorent la défaite: en bons militants socialistes, ils y sont habitués lors des scrutins nationaux, où les mots d’ordre du parti sont rarement suivis. Mais à Lausanne, depuis vingt-cinq ans, depuis que la gauche a ravi à la droite la majorité à l’exécutif avec ses alliés verts et rouges, les roses enchaînent les succès électoraux comme d’autres les perles, alors que leurs consignes de vote sont religieusement suivies par la population, grâce à un militantisme de terrain sans faille.

Arrogance. Avec le temps, murmurent sotto voce certains anciens élus de gauche, l’expérience de la défaite manque aux générations qui se succèdent.

Au risque de les rendre trop sûres d’elles, arrogantes, comme jadis les radicaux.

Surtout, une grande échéance attend Grégoire Junod: c’est lui qui est pressenti pour devenir syndic, lorsque le vert Daniel Brélaz laissera, enfin, la place, au plus tard en 2016. A mi-législature, le vote sur Taoua permettra de juger l’ampleur de son aura, et de la cote du PSL, auquel les Lausannois sont certes attachés, par conviction, souvent, mais aussi, parfois, par défaut, tant une alternative de droite peine à percer et à s’imposer. Si Grégoire Junod perd sur ce projet dans la conception et la défense duquel il s’est beaucoup investi, sûr qu’on le lui reprochera.

Benoît Gaillard ne minimise pas le risque mais le recadre: la typologie de la votation n’est pas très politique, ce n’est pas un enjeu gauche-droite, le comité de soutien regroupe des partisans de tous les partis.

De fait, tous les gens brillants qui ont géré la ville ont connu un déboire urbanistique. Les Lausannois restent traumatisés par quelques ratages architecturaux, ils peinent à entériner les grands desseins. Dès lors, c’est presque un rituel: ils tancent leur chouchou pour le réélire triomphalement ensuite.

Sur dix votations concernant des plans d’aménagement depuis 1983, seuls deux objets ont reçu l’intransigeant assentiment populaire. Pierre-Yves Maillard était ainsi président du PSL en 1996 lors du refus d’un projet d’école sur la parcelle de l’Hermitage. Qui se souvient de ce léger accro dans la marche triomphale de celui qui est devenu le président du Conseil d’Etat?
Un non à Taoua ne projetterait qu’une petite ombre sur des carrières politiques bien lancées, preuve que le Parti socialiste lausannois ne redoute pas les épines.

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Dominic Favre / Keystone
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