Inauguration.Le SwissTech Convention Center, qui a ouvert ses portes début avril, bousculera le secteur et les acteurs locaux en accueillant des manifestations d’importance.
William Türler
Après deux ans de travaux, le SwissTech Convention Center – qui a donné lieu à l’un des plus importants chantiers de Suisse romande ces derniers mois – ouvre enfin ses portes sur le campus de l’EPFL en ce début d’avril. Conçu par le bureau lausannois Richter-Dahl Rocha & Associés, il est le fruit d’un partenariat public-privé comme les affectionne l’école polytechnique. En l’occurrence, le bâtiment construit par la société HRS Real Estate a été financé par deux fonds immobiliers de Credit Suisse à hauteur de 225 millions de francs, et il se situe sur un terrain mis à disposition par la Confédération.
Avec ce nouvel élément, l’EPFL renforce son statut de «petite ville dans la ville». Plus précisément, le complexe vient compléter le quartier nord du campus. Il abrite un amphithéâtre de 3000 places entièrement modulable pouvant en quelques minutes se transformer en une zone d’exposition ou de banquet, ce qui en fait l’un des plus grands centres multifonctions au monde. Seules une dizaine de salles peuvent revendiquer de s’appuyer sur cette technologie d’origine canadienne baptisée Gala System: il est possible de faire passer les sièges sous le plancher grâce à des pivots motorisés. Ce système permet, par exemple, de mettre à disposition des auditoires de 330, 1670, 2135 ou 3000 places.
Le complexe comprend en plus des logements pour étudiants d’une capacité de 516 lits, un centre commercial, un hôtel, des restaurants, une pharmacie, une clinique dentaire, un centre médical, ainsi que des espaces administratifs et un parking de 275 places. Ce n’est pas tout: près de 300 m2 de cellules photovoltaïques ont été intégrés à l’une des façades du centre. Enfin, en raison de la nature instable du terrain, le bâtiment repose sur 200 pieux, dont cinq piliers thermiques expérimentaux. Coulés dans du béton à une profondeur de 20 mètres, ils soutiennent la structure et servent d’échangeurs de chaleur.
Le nouveau centre de l’EPFL sera amené à accueillir différents congrès scientifiques, salons, assemblées générales, ainsi que des manifestations diverses. Il ambitionne d’occuper une place de choix dans le paysage suisse et européen de la branche. Pour Stefan Fraenkel, directeur des événements et conférences à l’Ecole hôtelière de Lausanne, «cette nouvelle arrivée va bousculer les choses» pour les entreprises du secteur. «Chacun devra adapter son offre vers le qualitatif, explique-t-il. Bien sûr, il est difficile de concurrencer un investissement physique. Il s’agit plutôt de miser sur une offre globale, vendre l’Arc lémanique comme une destination d’ensemble.»
De son côté, l’EPFL, dont la capacité hôtelière n’est pas comparable à celle de Montreux et du centre-ville de Lausanne, «devra trouver des solutions en matière de transport afin d’éviter les goulets d’étranglement du m2». «Il faut garder à l’esprit que, pour la plupart des visiteurs étrangers, l’Arc lémanique est comme une grosse ville, poursuit Stefan Fraenkel. Ils ne souhaitent pas forcément rester dans leur bulle et apprécient, lors d’un congrès, de faire du tourisme urbain.»
Une chance pour la région. Pour sa part, Barbra Steuri-Albrecht, responsable du Switzerland Convention & Incentive Bureau de Suisse Tourisme, estime que le nouvel acteur va surtout attirer des nouveaux congrès qui ne seraient pas venus en Suisse autrement. En outre, il offrira, selon elle, une option complémentaire, notamment à l’attention des nombreux congrès médicaux de la région et lors des périodes de pointe pour le secteur. Des pointes qui se situent entre mars et fin juin, puis entre septembre et mi-novembre.
Du côté de Beaulieu, qui occupait jusque-là seul le marché de l’organisation de congrès d’envergure à Lausanne, on estime que l’expansion de la région est suffisamment importante pour que chacun trouve sa place. «Notre offre va rester très diversifiée», note le porte-parole Lysander Jessenberger. Cela dit, à l’avenir, «l’accent ne sera pas mis sur des expositions à caractère typiquement académique ou scientifique.»
En ce qui concerne les atouts du centre de congrès de Beaulieu, il souligne sa position au centre-ville, son parking, ainsi que sa structure pouvant proposer jusqu’à 42 salles, en plus des halles existantes.
A Montreux, le directeur général du centre de congrès, Rémy Crégut, voit cette arrivée comme une occasion mettant «un coup de projecteur bienvenu aux niveaux national et international sur la région», et notamment sur la Riviera. Selon lui, cela devrait renforcer le positionnement de chaque acteur. En l’occurrence celui de Montreux, qui «jouit d’une unité de lieu, tant en termes de transports que d’offre hôtelière», se répartit à parts égales entre la culture et la musique d’un côté et les lucratifs événements d’entreprises et congrès de l’autre. «L’un des challenges du SwissTech Convention Center consistera donc à rentabiliser son site en le remplissant sur toute l’année et dans la durée», dit-il.
Synergies à renforcer. Pour que chacun trouve sa place, une option pourrait donc consister, selon Rémy Crégut, à renforcer les synergies entre les différentes plateformes d’accueil en Suisse romande afin de proposer les meilleures offres possibles à l’international. Le marché helvétique «n’étant pas extensible à l’infini».
A Genève, enfin, Claude Membrez, directeur général de Palexpo, souligne un point important concernant l’industrie internationale de l’organisation de meetings: «Tous les bâtiments qui accueillent des congrès à travers le monde sont publics ou parapublics. Ce qui compte n’est donc pas tant de réaliser du bénéfice, mais plutôt le rayonnement et les retombées pour l’économie régionale.»
Et c’est précisément au niveau local en Suisse romande que la concurrence sera, d‘après lui, la plus marquée. «Sur le marché international des événements de grande envergure, l’apparition de ce nouvel acteur ne devrait pas se faire sentir. Nous continuerons à nous répartir la demande avec le Centre de congrès de Genève (CICG), Beaulieu et Montreux, comme auparavant. En revanche, sur le marché régional, la concurrence sera plus marquée, puisque les clients auront potentiellement le choix entre plus de prestataires.»
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Le secteur des congrès en chiffres
Selon l’International Congress and Convention Association (ICCA), la Suisse a organisé 240 meetings d’importance en 2011, ce qui la place au 12e rang mondial et au 8e européen. D’autre part, Suisse Tourisme relève, toujours pour 2011, que le secteur des congrès a généré 6,6 millions de nuitées, soit prèS de 20% de leur nombre total. Et la branche a encore engendré un chiffre d’affaires de 2,2 milliards de francs.
De plus, au cours des trois dernières années, le nombre et la taille des congrès internationaux organisés en Suisse ont augmenté.
Pour la plupart, il s’agit de manifestations de courte durée, comprises entre un et deux jours.
A noter, enfin, que la Suisse compte actuellement environ 12 centres de congrès pouvant accueillir plus de 1000 personnes.