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Un vent de renouveau souffle sur Ballenberg

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Jeudi, 18 Juillet, 2013 - 05:57

INSTITUTION. Un Romand à la présidence, une historienne pétillante aux commandes, le Musée suisse de l’habitat rural se réinvente. Même si haute fréquentation et ambition ne riment pas encore avec subventions.

Poussiéreux, le Musée suisse de l’habitat rural? Vous voulez rire. Cet employé du Ballenberg passe le plumeau avec une telle virtuosité entre verres et couverts dressés sur la table de la cuisine. Là, une odeur nous titille encore: le feu qu’il vient de lancer? «Les saucisses plutôt», se marre l’homme, et il montre le plafond du menton. Des centaines de saucisses sèches y sont suspendues, un parfum de fumé chatouille les narines. Nous sommes à l’ouest du vaste terrain du musée, juste en dessous du restaurant, l’Alter Bären, tout près des fermes au toit de chaume.

A l’autre extrémité du terrain, tout à l’est, Ursula Zumstein envoie avec élan sa navette d’un côté à l’autre du métier à tisser. Ce qui ne l’empêche en aucune façon de papoter et de raconter la petite maison valaisanne du Lötschental dans laquelle elle se trouve: «En hiver, toute une famille vivait, dormait et mangeait dans cette seule pièce chauffée, basse et sombre. A l’origine, en 1568, il n’y avait même pas de fenêtres. Juste des fentes pour laisser passer l’air!»

Ursula Zumstein vient de la région, comme la plupart des quelque 120 personnes qui assurent la saison d’avril à octobre. Sans compter les 40 employés occupés à l’année à l’administration, l’entretien ou aux travaux agricoles. Quand elle ne tisse pas, elle prépare le risotto dans l’osteria tessinoise. Vous la trouverez tout au sud, comme il se doit, après avoir longé un verger de châtaigniers et quelques ceps de merlot.

D’hier… Sur les vertes prairies du Ballenberg, depuis 1978, on montre la vie d’antan, bien sûr, puisqu’on y conserve une centaine de fermes allant du XIVe au XIXe, étables, greniers à grain ou chalets d’alpage sur 66 hectares, puisque y paissent vaches, veaux, cochons tandis que picorent ici et là des poules et des coqs de toute beauté et de toutes les variétés.

Et pour y arriver, le voyageur a l’impression de traverser un paysage peint par Hodler quand il glisse le long du lac de Thoune puis de celui, émeraude, de Brienz. Pourtant, là-haut sur la colline, on ne veut plus de l’étiquette conservatrice qui colle à l’institution: aux commandes du Ballenberg, deux personnes se démènent et font souffler un vent nouveau, rafraîchissant, deux personnes passionnées, culottées aussi, qui revendiquent «une nouvelle ère».

«Notre musée a un potentiel énorme», se réjouit la directrice, Katrin Rieder, 44 ans, une urbaine, féministe, qui vit sa deuxième saison au-dessus du lac de Brienz, dans l’Oberland bernois. L’historienne, connue dans la capitale pour un travail de doctorat critique envers les vieilles familles patriciennes de la ville de Berne, s’est déjà occupée de culture populaire au sein de la fondation Pro Helvetia. Vive comme une balle magique, elle bondit de sa table signée USM Haller à son ordinateur pour nous sortir chiffres et informations, l’enthousiasme et le sourire contagieux.

… à demain Si l’histoire passionne la directrice, c’est pour comprendre le présent et, surtout, construire l’avenir. Alors au Ballenberg, désormais, Katrin Rieder veut qu’on parle de demain. Une stratégie qu’elle partage avec le Vaudois Yves Christen, l’ancien président du Conseil national devenu président de la Fondation du musée il y a trois ans. Présent ce jour-là pour une série de séances, il déclare: «Le Ballenberg ne se résume pas au folklore, loin de là.» L’ex-président de Swissolar est, comme la directrice, intimement convaincu que la Suisse moderne peut y apprendre beaucoup. Des exemples?

«Les fermiers des siècles passés utilisaient l’énergie avec grande parcimonie, comme toutes les autres ressources naturelles d’ailleurs. On ne jetait rien, on utilisait chaque os, chaque peau d’animal, on réparait les objets ou on en récupérait les pièces», rappelle Katrin Rieder.

Dans cette logique, la directrice et le président se montrent particulièrement fiers de la maison de Matten et de sa reconstruction réalisée en 2007. Le magazine d’architecture Hochparterre a d’ailleurs consacré un supplément à cette maison rurale de l’Oberland bernois datant du XVIe siècle. Et on le comprend. Le seuil franchi, le visiteur pénètre subitement dans un puits de lumière, un autre monde, contemporain et qui tranche avec les intérieurs d’époque des autres maisons. Un bloc cuisine trône au centre, design épuré, fabriqué avec des matériaux autochtones: bois d’arolle et ardoise. Dans cette demeure confortable, bien chauffée et dotée d’une vaste salle de bain, les nouvelles parois et les plafonds se mêlent aux anciens, tous taillés dans le sapin blanc. Le four à bois en molasse de 1845 se réclame désormais chauffage central. Mariant les techniques d’hier et d’aujourd’hui, la maison de Matten consomme moins d’énergie de chauffage par mètre carré qu’une construction au standard Minergie.

Yves Christen se félicite de cet exemple, qui démontre qu’il est possible de rénover intelligemment de très anciens bâtiments tout en respectant les règles sévères de la protection du patrimoine.

Le savoir d’aujourd’hui. Les thèmes des expositions temporaires marient également le savoir du passé à celui du présent. Cette année, le musée a opté pour l’artisanat traditionnel. En 2014, on découvrira les artisans d’aujourd’hui dans une présentation réalisée avec le concours d’associations professionnelles. Si les visiteurs admirent la dextérité des potiers, forgerons ou autres fabricants de cordes, ils peuvent aussi s’y essayer eux-mêmes désormais. Enfin, pour ceux qui souhaitent approfondir leurs connaissances, qu’il s’agisse de plantes médicinales ou de production de chaux – le Ballenberg dispose d’un savoir pour lequel on vient de l’Europe entière –, le centre de formation attenant à l’entrée ouest du musée propose une multitude de cours qui durent souvent plusieurs jours et des adresses pour loger dans les villages des environs.

Mais, au-delà des métiers et de la technologie, Katrin Rieder souhaite que son musée raconte des histoires, celles des hommes et des femmes qui ont vécu et travaillé dans les fermes exposées. «Nous voulons de plus en plus mettre les êtres humains au centre de notre intérêt. Je veux voir ce que les gens mettaient sur la table du petit-déjeuner, suivre le destin particulier d’un enfant, d’une famille, apprendre à quoi ressemblait leur vie.» Précarité, maux de dents ou bonheur simple?

Contrairement à la plupart des musées qui usent intensément de l’audiovisuel, le Ballenberg se veut expérience sensuelle où les gens arpentent les chemins et les forêts plutôt que de consulter des écrans, où ils touchent ce qui reste du passé, escaladent les escaliers qui craquent sous leur poids, caressent les chevaux, respirent le crottin, goûtent le fromage.

Nécessités pécuniaires. Malgré l’apparence cossue du site et le dynamisme de ses dirigeants, tout ne va pas pour le mieux dans le meilleur des mondes. La directrice nourrit quelques soucis pour l’avenir. Parce que, même si le public afflue, individuellement ou en groupes, en famille ou en course d’école, le musée a besoin d’argent. Il dispose d’une modeste subvention d’un peu plus d’un demi-million du canton de Berne, du soutien de quelques autres cantons pour les maisons qui viennent de chez eux et a reçu, exceptionnellement, en 2013 une contribution de l’Office fédéral de la culture pour l’exposition thématique sur l’artisanat. Ballenberg, qui survit grâce à ses sponsors, ses donateurs et ses collaborations, doit alors trouver les moyens de rénover ses maisons et de développer une médiation culturelle qui intéressera le public de demain.

Pour Yves Christen, il est l’heure de motiver les pouvoirs publics. D’autant plus que le musée est l’une des rares institutions culturelles vraiment populaires, à mille lieues des maisons d’opéra, hautement subventionnées alors qu’elles sont réservées, de facto, aux élites.

Des différences criantes. Katrin Rieder illustre cette différence de traitement par quelques chiffres: au Ballenberg, qui enregistrait 240 000 visiteurs l’an dernier en sept mois, le billet d’entrée (qui coûte 22 francs pour un adulte) est subventionné à hauteur de 3 francs. «A titre de comparaison, dans le même canton, le Musée d’histoire de la capitale a reçu 77 francs par visiteur.»

L’institution attire en effet nettement moins de monde, 87 400 personnes en 2012, et a reçu 6,7 millions de subventions. Les différences sont bien plus criantes encore avec l’Orchestre symphonique ou le Théâtre municipal.

Bref, la directrice sait s’enthousiasmer, elle sait aussi compter. Un autre souci ternit quelque peu l’humeur de Katrin Rieder et d’Yves Christen: le bruit des avions. Si, lors de notre visite, le calme régnait sur les collines verdoyantes, il arrive fréquemment que les F/A-18 des forces aériennes suisses vrombrissent au-dessus des marcheurs, dérangeant ainsi autant les touristes que les habitants. Un sujet délicat, car l’aéroport militaire offre aussi des emplois. S’attaquer à l’armée? On hésite au Ballenberg. Même si une brise nouvelle s’est levée.

Musée suisse de l’habitat rural Ballenberg. Maisons ouvertes tous les jours de 10 h à 17 h (caisses dès 9 h). Restaurants de 9 h à 18 h. Jusqu’au 31 octobre 2013. Tél. 033 952 10 30. www.ballenberg.ch

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Marcus Gyger, Switzerland tourism
Musée suisse de l’habitat rural Ballenberg
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Karl-Heinz Hug
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