Blogs» Politique»
Une Suisse en mouvement
Qui sera l’iznogoud du nomes?
Chacun d’entre nous a déjà été confronté au «syndrome d’Iznogoud»: un collaborateur prêt à tout pour prendre la place du calife.
Johan Rochel
Jouer des coudes, frapper dans le dos, ou quand tous les coups sont permis pour accéder au poste tant convoité. Pour le Nouveau mouvement européen suisse (Nomes), les Iznogoud manquent à l’appel. Problématique, car le calife, Christa Markwalder, conseillère nationale PLR du canton de Berne, a récemment annoncé vouloir remettre son poste de présidente. (…) L’assemblée générale du Nomes du 10 mai prochain aura pour délicate mission de trouver un(e) successeur(e) à Christa Markwalder. L’ambiance post-9 février rend le départ de la conseillère nationale particulièrement symbolique. Le poste vacant fait clairement apparaître le manque de remplaçants. D’aucuns diraient sans rougir «l’absence». Pour remplir au mieux les objectifs du Nomes, son président devrait être une personnalité du centre droit alémanique, capable d’assurer le dialogue aussi bien avec une gauche traditionnellement plus ouverte à l’idée européenne qu’avec les milieux économiques. Il devrait savoir faire preuve d’un enthousiasme sans faute pour défendre l’idée européenne et contester la vision des nationalistes romantiques de l’Albisgütli. Mais qui, dans les partis du centre droit et au sein du PLR, souhaiterait se profiler sur l’Europe? Qui a l’ambition et les moyens de proposer une véritable vision de l’avenir de la Suisse avec son partenaire européen? Cédant à la facilité de quelques lieux communs sur la «voie bilatérale» et l’«importance économique de l’Europe», les partis du centre droit ont asséché leur potentiel de réflexions européennes. Toute velléité de s’intéresser à l’Europe autrement que sous la forme d’un «bashing» ou d’une vénération du dieu de la voie bilatérale est punie par le mépris. A ce titre, Christa Markwalder, dans la lignée de son prédécesseur Yves Christen, est l’une des dernières représentantes de la réflexion européenne au centre. A passer en revue les papables, on ne voit vaguement qu’Elisabeth Schneider-Schneiter (PDC, Bâle-Campagne), Tiana Moser (Vert’libéraux, Zurich), Kathy Riklin (PDC, Zurich) ou Pirmin Bischof (PDC, Soleure). Doris Fiala (PLR, Zurich) copréside depuis mars le groupe parlementaire Suisse-UE, groupe dont le secrétariat est assuré par le Nomes. Peut-on prêter une ambition européenne à la Zurichoise, également vice-présidente de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe? Inutile de se faire trop d’illusions, les intérêts européens ne sont qu’à peine mentionnés sur les sites personnels de ces élus… Si Iznogoud veut le califat, il cache bien son jeu. La difficulté de recruter un candidat va de pair avec la difficile mission du Nomes. Sur la page d’accueil du site, Christa Markwalder est citée avec la phrase suivante: «Nous travaillons pour que la Suisse devienne un membre actif de l’Union européenne et pour que les Suissesses et les Suisses obtiennent le droit de vote européen.» Quel politicien suisse (du centre ou de droite) croit pouvoir être élu avec une telle déclaration? Afin de débattre des suites du 9 février, le Nomes appelle ses membres et les intéressés à participer, le 10 mai, aux «états généraux européens». Le mouvement peut-il encore espérer convaincre et faire avancer les choses en fixant comme objectif l’adhésion de la Suisse à l’UE? Doit-on considérer que cette question pourrait rapidement (re) devenir pertinente si la Suisse devait être mise à l’écart du marché européen? Ou doit-on au contraire penser que cette question est farfelue au point de couper le contact avec les décideurs et la population? Autant de questions difficiles pour un(e) président(e) encore aux abonnés absents. A moins que le califat ne bascule à gauche, là où quelques Iznogoud pourraient
se lancer dans la course.
Blogs» Politique»
Blog dans le coin
Le m2 ne connaîtra pas son pendant aérien Taoua
Beaulieu voulait renaître et exister au cœur d’une région en plein boom.
Vincent Pellissier
La région ouest de l’agglomération lausannoise est en mutation, économique, académique mais aussi urbanistique. La construction de tours dans de telles régions recueille régulièrement l’assentiment du public. On pense ici à l’acceptation de la population de Chavannes-près-Renens d’un plan de quartier prévoyant la construction d’une tour de 117 mètres. Et c’est là que survient la votation sur Taoua, la tour au cœur de Lausanne. Requalifier des zones à vocation industrielle ou des anciennes friches à proximité de voies de circulation comme les chemins de fer ou les autoroutes arrive à dégager des majorités. Par contre, transformer en profondeur des quartiers plus proches des centres urbains, occupés depuis des décennies (voire des siècles) par des habitantes et des habitants enracinés dans ces lieux, provoque toujours des réactions vives. Nos villes sont des lieux qui évoluent, qui s’adaptent à leur temps tout en s’ancrant profondément dans leurs pierres, dans leur histoire gravée dans le bâti, dans leurs espaces vides également. La modernité d’un temps est très vite désuète. Les constructions de zones entières de centres commerciaux ou de parcs industriels seront les friches à requalifier dans quelques années. Les tendances lourdes qui se mettent en place, comme la dématérialisation du commerce ou encore la mixité fonctionnelle voulue par le planificateur, auront à ce moment pleinement déployé leurs effets territoriaux. Pour la construction d’ouvrages hauts, il en va de même. Bâtiments emblématiques car marquant des aspérités dans le paysage urbain, les édifices pionniers rencontrent toujours les mêmes écueils. L’approche paysagère n’aime pas les fractures, les pics de contraintes, que ces contraintes soient visuelles ou encore auditives. L’acceptation passe donc souvent par des paliers, en échelonnant, soit dans le temps soit dans l’espace, les tailles croissantes. La difficulté de Taoua était de convaincre malgré tout de la justesse du projet, énergétique, fonctionnelle ou encore esthétique, sans proposer ces étapes de transition douce accompagnant le public. C’était faire le pari de l’audace des Vaudois! Les initiants avaient peut-être raison d’y croire, car cette audace s’était déjà manifestée quand il avait fallu voter sur le crédit du m2, le métro automatique qui a changé Lausanne.
Blogs» Politique»
Politique migratoire
Des quotas «vieux Style»?
Le nouvel article constitutionnel sur l’immigration voté le 9 février 2014 est flou et laisse une marge de manœuvre politique considérable.
Étienne Piguet
Penchons-nous d’abord sur la remise en place de la politique de quotas menée de 1970 à 2002. Comme nous l’avons montré dans un blog précédent, il faut reconnaître que ce système a eu un effet sensible sur les flux d’immigration de travail: le nombre d’entrées en Suisse a décliné et le solde migratoire s’est infléchi. La demande de main-d’œuvre étrangère a dépassé l’offre durant une bonne partie de la période et la répartition à l’intérieur du pays ne s’est donc pas faite par le marché. Les contingents ont par contre eu peu d’effet sur la population étrangère qui a continué de croître. (…) Dès 1990, les contingents ont cependant été accrus sous la pression des milieux économiques dans une proportion telle qu’ils n’ont plus été entièrement utilisés et sont devenus largement inopérants. (…) La mobilité des étrangers devait être restreinte puisque les contingents étaient octroyés par canton. (…) Tous les acteurs n’étaient pas placés sur un pied d’égalité dans le processus de préparation des contingents. (…) Le souhait de s’approprier des quotas conduisait les branches et régions à consacrer des ressources au lobbying et à faire pression sur l’administration aux dépens de la collaboration interrégionale et entre branches. Les cantons périphériques étaient en outre mécontents de voir «leurs étrangers» les quitter vers des régions plus attractives et exigeaient un flux continu de nouveaux immigrants. (…) Même si, durant les trente années considérées, les employeurs suisses ont toujours trouvé des candidats à l’immigration, la fragilité des droits de séjour accordés a parfois dissuadé les gouvernements des pays d’origine et certains travailleurs eux-mêmes d’envisager un départ vers la Suisse. (…) Les contraintes extérieures ont joué un rôle important durant la période et la politique migratoire de la Suisse n’a jamais été autonome. Ainsi, en 1965, les besoins de main-d’œuvre obligent déjà la Suisse à concéder à l’Italie la transformation automatique du permis de saisonnier en permis annuel après cinq saisons. Cette concession sera ultérieurement accordée aux autres pays d’émigration, ce qui constituera une brèche majeure mais inévitable dans le système de contingentement. En conclusion, on peut citer le chef du Service des migrations internationales du BIT, M. Abella: «Un modèle de quotas d’immigration totalement flexible, tel que celui adopté par la Suisse dans les années 70, permet incontestablement à l’Etat d’accueil de disposer d’un instrument supplémentaire de politique conjoncturelle, tout en gardant le contrôle sur l’effectif total de la population étrangère. L’expérience suisse montre cependant que le contexte international, les relations avec les pays d’origine ainsi que la politique intérieure permettent rarement d’atteindre pleinement ces objectifs à long terme.» A la lumière de l’expérience historique que nous venons de relater, la réintroduction d’un système de quotas sur le modèle historique pour remplacer la libre circulation avec l’Union européenne semble une fausse piste. Elle rappelle l’incantation pathétique de Winnie dans Oh les beaux jours: «Le vieux style!
Le vieux style…»