Zoom. La future collection d’Alexander Wang pour H&M suscite l’impatience de ses fans. Ce genre de mariage avantage-t-il les marques haut de gamme?
La rumeur a été confirmée il y a un mois: la prochaine collection capsule de H&M sera signée Alexander Wang. Le 6 novembre prochain, une hystérie collective est donc à prévoir dans les 250 magasins délivrant le saint Graal. Car Alexander est un cool kid. Cool comme la marque portant son nom, mélange de sophistication urbaine et de nonchalance sportive, adulée par les non moins cools Rihanna ou Zoë Kravitz. Cool comme sa dégaine de postado new-yorkais, cheveux mi-longs et pantalon large. Cool comme sa nomination en 2012, à 29 ans, à la direction artistique de la prestigieuse maison Balenciaga.
Après Karl Lagerfeld, Stella McCart-ney ou Lanvin, Wang devient le premier designer américain à s’associer au géant suédois pour une collection masstige, contraction de «mass market» et «prestige». Soit ce mariage entre grande distribution et luxe, qui permet à des milliers de modeuses de s’offrir l’univers d’un grand créateur à bas prix. Problème: ça ne plaît pas toujours aux clientes habituelles des marques invitées. L’an dernier, plusieurs fidèles d’Isabel Marant se sont dites trahies par la collaboration de la reine du chic parisien avec H&M. Car, si le luxe est partout, alors où est le luxe? Et, si une marque perdait sa clientèle de base, sa survie pourrait en être menacée.
En principe, le masstige est une stratégie gagnant-gagnant. Pour les mastodontes comme H&M, il s’agit de faire parler de soi tout en redorant son blason. «La grande distribution veut montrer sa capacité à faire autre chose que des vêtements bon marché», expose Vincent Bastien, ancien directeur général de Louis Vuitton et auteur, avec Jean-Noël Kapferer, de Luxe oblige (Ed. Eyrolles). De leur côté, les marques invitées espèrent conquérir un nouveau public. Autre avantage majeur: la possibilité de tester de nouveaux produits dans un environnement économique peu risqué. Grâce à H&M, le chausseur Jimmy Choo a pu s’essayer aux vêtements et Isabel Marant aux habits pour hommes.
La réalité est plus contrastée. En 2012, 52 des 69 produits dessinés par Marni pour H&M ont été soldés à plus de 50%, à en croire l’entreprise de prédictions de tendances EDITD. En 2011, c’était Versace qui voyait 14 de ses 32 pièces noyées dans les soldes de l’enseigne suédoise. Ce semi-échec est parfois dû à la mauvaise qualité de vêtements vendus plus cher que les produits H&M classiques. Mais sans service clients et avec un site d’e-shopping saturé. De quoi tuer définitivement l’aura de prestige d’une marque de luxe.
Aveu de faiblesse?
Selon Vincent Bastien, les marques qui s’engagent dans une opération de masstige sont déjà sur le déclin ou pas encore viables. «Il s’agit d’un aveu de faiblesse profond. Je ne vois pas une maison dynamique accepter ce genre de collaboration.» Il y a d’ailleurs peu de chances qu’une marque de luxe au sens traditionnel s’engage dans une opération de masstige: exorbitant, le prix des objets de luxe se justifie notamment par un savoir-faire unique, lié à l’histoire ou à un héritage.
La logique est différente pour Isabel Marant ou Alexander Wang, des marques de mode dites premium, sans savoir-faire particulier. Celles-ci peuvent bénéficier au mieux des avantages offerts par les collaborations masstige.
Que va-t-il se passer pour Alexander Wang? En réalité, l’Américain ne prend pas beaucoup de risques, car il ne se positionne pas comme une marque de luxe, ni même premium. En témoigne son site internet qui, contrairement aux grandes maisons, propose presque l’intégralité de ses créations. Un kid vraiment cool, Alexander.