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La révolution à reculons

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Jeudi, 22 Mai, 2014 - 05:54

Décodage. Virage maîtrisé ou dérapage incontrôlé? La sortie du nucléaire suscite un vif débat qui ne fait que commencer.

Depuis que le Conseil fédéral a décidé de s’affranchir du nucléaire après l’accident de Fukushima au Japon, un très long marathon a commencé: celui d’une toute nouvelle stratégie à l’horizon 2050. Un immense chantier que ce virage énergétique qui est en fait une véritable révolution impliquant la révision d’une dizaine de lois.

Le dossier enflamme les esprits, surtout dans le monde économique qui redoute que cette stratégie ne constitue un frein à la croissance. C’est précisément l’un des thèmes phares du prochain Forum européen de Lucerne*, dont L’Hebdo est partenaire, qui se tiendra le 26 mai.

Sur un point au moins, tout le monde est d’accord. Les énergies renouvelables créent des emplois: 6,5 millions dans le monde entier, selon l’Agence internationale pour les énergies renouvelables (Irena). En Suisse, une étude mandatée par l’Office fédéral de l’énergie (OFEN) datant de 2012 cite le chiffre de 22 800 emplois. Selon cette source, les sociétés travaillant dans les énergies renouvelables ont exporté pour 3,2 milliards de francs de biens et services en 2010. Un résultat encore modeste, mais qui pourrait doubler à l’horizon 2020.

Nouvelles technologies

«Le virage énergétique est une chance sur deux plans», relève le directeur de l’OFEN, Walter Steinmann, l’un des invités du débat à Lucerne. D’une part parce qu’il lance un vaste programme d’assainissement des immeubles, permettant ainsi de notoires économies d’énergie. Et d’autre part parce qu’il dope le développement de nouvelles technologies.

Malgré toutes les tergiversations du monde politique pour accoucher de cette réforme historique, les chercheurs travaillent d’arrache-pied en aval. C’est ainsi que l’EPFL vient d’annoncer une percée encourageante relative au stockage du solaire et de l’éolien en planchant sur un piston hydraulique. Le système est prêt à être industrialisé et sera testé à la centrale photovoltaïque de Mont-Soleil, dans le Jura bernois.

Sur le plan des coûts des mesures prévues, deux bureaux d’experts (Prognos et Consentec) les ont estimés à 39 milliards de francs, soit une baisse de 0,2% du PIB. «C’est supportable pour l’économie», tranche le département de la ministre de l’Energie, Doris Leuthard.

Ces chiffres sont pourtant controversés. Les électriciens les jugent sensiblement plus élevés, tout comme le délégué à la surveillance des prix, Stefan Meierhans. L’une des mesures concerne la rétribution au prix coûtant (RPC), une taxe verte qui renchérit le kWh de 0,6 centime actuellement, mais qui pourrait passer à 1,1 centime en 2015 si le Conseil fédéral en décide ainsi, voire à 1,5 centime plus tard. «Le virage énergétique risque de coûter plus cher que nécessaire, cela au détriment des consommateurs», s’est alarmé Monsieur Prix.

Autre orateur de Lucerne, l’ancien responsable de l’Energy Center de l’EPFL, Hans Björn Püttgen, s’avoue lui aussi très sceptique quant au chemin emprunté pour s’affranchir du nucléaire par le biais de la RPC notamment. «C’est une erreur de subventionner de nouvelles centrales éoliennes et solaires sans se soucier du problème du stockage. Il faudrait plutôt encourager les investissements dans la production et le stockage, notamment pour l’énergie hydraulique», déclare le professeur honoraire de l’EPFL.

Pour le reste, il suggère de mettre l’accent sur le solaire thermique pour l’eau chaude sanitaire et le chauffage des bâtiments, ce qui réduira la consommation d’énergies fossiles. Pour lui, la stratégie de Doris Leuthard se focalise beaucoup trop sur l’électricité, qui ne représente que 25% de la consommation finale d’énergie en Suisse.

Les affaires reprennent

Qu’en pense un homme du front invité à Lucerne, qui, lui, doit se battre au quotidien sur un marché de plus de plus globalisé et volatil dont les acteurs doivent sans cesse s’adapter aux nouvelles conditions-cadres? CEO de l’entreprise biennoise Sputnik Engineering, Christoph von Bergen se dit confiant, mais reste prudent. «Les affaires reprennent sur nos principaux marchés», note-t-il avec satisfaction. En raison de la chute des prix mondiaux et de chantiers interrompus, l’année 2013 déficitaire a été marquée par une impérieuse restructuration pour cette société qui reste l’un des leaders mondiaux dans les onduleurs photovoltaïques avec ses 300 collaborateurs.

Christoph von Bergen est persuadé que l’avenir appartient aux énergies renouvelables, et au solaire notamment, dont le prix ne cesse de baisser: «Il oscillera entre 10 et 15 centimes par kWh dans dix ans», pronostique-t-il. Soit plus très loin du nucléaire, dont le vrai prix reste l’objet d’interminables controverses.

michel.guillaume@hebdo.ch
* www.europa-forum-luzern.ch

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