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Comité «EU-no»: quand Blocher fait du neuf avec du vieux

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Mercredi, 28 Mai, 2014 - 05:58

Zoom. Le mouvement antieuropéen «EU-no» de Christoph Blocher se veut «interpartis». Mais le recrutement de membres du centre droit se révèle pour le moins ardu.

Vorderthal, vous connaissez? C’est au cœur de la Suisse primitive, en terre schwyzoise et tout près de la mythique prairie du Grütli, que se déroulera, le 20 juin prochain, la première grand-messe du mouvement «EU-no» de Christoph Blocher. Ce «comité interpartis contre une adhésion rampante de la Suisse à l’UE» est la nouvelle machine de guerre inventée pour gagner la mère de toutes les batailles: la prochaine votation sur le dossier européen, annoncée pour 2016 par le ministre des Affaires étrangères, Didier Burkhalter.

Pour l’instant, force est de constater que ce comité porte mal son nom. Il ne déborde pas des cercles antieuropéens traditionnels de l’UDC et de l’Action pour une Suisse indépendante et neutre (ASIN). Le bureau exécutif du comité, présidé par Christoph Blocher et administré par Ulrich Schlüer, rédacteur en chef de la revue de droite Schweizerzeit, compte aussi parmi ses membres l’actuel directeur de l’ASIN, Werner Gartenmann, et le conseiller national Thomas Aeschi (UDC/ZG). Mais on y cherche en vain la moindre personnalité euro-sceptique provenant des rangs du centre droit, que ce soit du PLR ou du PDC, voire du PBD d’Eveline Widmer-Schlumpf ou des Vert’libéraux.

Loin du compte

Le comité naît officiellement le 23 octobre 2013, soit à l’époque où un document officieux rédigé communément par la Suisse et l’UE à travers leurs négociateurs en chef – soit le secrétaire d’Etat Yves Rossier et l’Irlandais David O’Sullivan – pour régler la question institutionnelle. Ce texte, qui ne fait qu’explorer des pistes de travail, envisage la reprise dynamique du droit européen par la Suisse et l’éventuel recours à la Cour européenne de justice en cas de différend entre les deux parties. Ces propositions, qui doivent surtout rénover la voie bilatérale et la sortie de l’impasse actuelle, font bondir le stratège en chef de l’UDC, qui n’y voit rien d’autre qu’une «adhésion rampante de la Suisse à l’UE».

Christoph Blocher rameute ses plus fidèles lieutenants et crée dans la foulée une nouvelle association visant les 30 000 membres. On est encore loin du compte. «Nous comptons 1800 adhérents individuels et 74 associations, des chiffres qui croissent rapidement», révèle Ulrich Schlüer. Quant à la campagne de fonds, elle a rapporté «plus de 100 000 francs» jusqu’à présent. Un montant non négligeable, mais modeste en fonction de l’ampleur du combat à mener, dans lequel Christoph Blocher veut investir quelque 5 millions de francs.

Bien que personne ne connaisse encore la teneur de l’hypothétique votation de 2016, celui-ci a donc déjà placé ses troupes en ordre de bataille. Plutôt que de s’appuyer sur une ASIN qu’il juge émoussée, il mise sur un nouveau comité. «Christoph Blocher descend déjà dans les tranchées pour distribuer casques et hallebardes alors qu’on est loin de distinguer le moindre ennemi à l’horizon», note le secrétaire général du PLR Stefan Brupbacher, non sans une pointe d’ironie.

Tout de même: «EU-no» fait peur à ses adversaires et, selon les informations de L’Hebdo, le PLR a fait passer à ses membres la consigne d’en rester à l’écart. «A ma connaissance, aucune personnalité de notre parti n’y a adhéré», déclare Stefan Brupbacher, qui précise encore: «En prétendant combattre l’adhésion de la Suisse à l’UE, ce comité est une vaste tromperie, car il vise en fait à saboter la voie bilatérale, qui a fait le succès du modèle helvétique ces dernières années.»
un cordon sanitaire
Vice-président de l’UDC, Claude-Alain Voiblet ne le cache pas: pour élargir la base du comité, il a contacté plusieurs politiciens et industriels d’autres partis qu’il savait clairement eurosceptiques en Suisse romande. Un recrutement «difficile», de son propre aveu. Les gens se sont d’abord montrés «très réceptifs» au message, puis, dans un deuxième temps, ils ont décliné l’invitation d’adhérer. «J’ai eu l’impression que les politiciens contactés avaient peur d’être sanctionnés par leur parti et que les industriels craignaient de voir leur entreprise cataloguée UDC», raconte-t-il.

Au PDC, le président Christophe Darbellay aimerait lui aussi ériger un cordon sanitaire entre le centre droit et ce comité. Le parti n’en a pas encore discuté, ni au sein de sa présidence ni au groupe. «Nous ne pouvons pas mettre nos gens sous tutelle, mais je vais émettre le souhait qu’aucun de nos parlementaires ne s’engage en faveur de ce comité.» Il ne sous-estime pas le danger qu’il représente pour la voie bilatérale en raison de ses moyens financiers illimités, mais reste plutôt serein. «Je ne pense pas que Blocher parviendra à faire croire à la population que le Conseil fédéral veut adhérer à l’UE.»

Alors qu’il plaidait pour que les séances du Conseil fédéral soient publiques quand il était ministre, le tribun de l’UDC joue aujourd’hui la carte de l’opacité en refusant de publier la liste de ses membres. L’incohérence est criante, mais dessert surtout le nouveau mouvement. Si «EU-no» ne parvient pas à prouver qu’il rassemble des eurosceptiques de l’entier du camp bourgeois, il n’aura guère plus de punch qu’une ASIN déjà sur le déclin.

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