Coupe du monde. Il n’y a eu depuis 1930 que huit vainqueurs de la Coupe du monde de football. Et si cette fois un petit l’emportait? L’Algérie? La Belgique? La Suisse?
Le sport aime les surprises, dit-on. Il sécréterait comme un parfum de glorieuse incertitude. Pourtant, s’il existe une compétition où les invités sur la plus haute marche du podium sont toujours un peu les mêmes, c’est bien la Coupe du monde de football. En dix-neuf éditions depuis 1930, il n’y a eu que huit vainqueurs différents. Et encore, lors de leur première victoire, seules trois nations n’étaient pas le pays hôte (l’Allemagne en 1954 en Suisse, le Brésil en Suède en 58 et l’Espagne en Afrique du Sud il y a quatre ans). Dans le sens inverse, certains pays n’ont été fichus de gagner que sur leur terrain: l’Angleterre en 1966 et la France en 1998.
A force, il s’est dégagé une aristocratie du football. Le Brésil cinq fois victorieux et qui espère l’être encore. Les Italiens quadruples champions, toujours dangereux. Les Allemands triples vainqueurs et demeurant une équipe à battre. Les Argentins, les Uruguayens, l’Espagne qui domine la planète foot depuis quelques années. Même les Français, qui croient encore être des favoris systématiques, alors que la victoire de 1998 est déjà loin.
Une génétique de gagnant
Parce qu’un pays qui a goûté au titre de champion du monde en garde une force, au moins dans sa tête. Se transmet ainsi aux générations de joueurs qui suivent une génétique de gagnant: ce qui a été accompli peut se reproduire. Les joueurs italiens, les Brésiliens entrent ainsi sur le terrain avec une sorte d’expérience cumulée, celle du club chic des vainqueurs de la Coupe, même si c’est la première fois qu’ils y participent. Cet état d’esprit est un avantage décisif. Avoir joué des finales ne suffit pas. C’est même plutôt une affaire à générer des malédictions vous renvoyant dans le mou troupeau des nations «normales»: la Hongrie en 38, puis celle de Puskás en 54, et puis plus rien. Les Tchèques, deux fois deuxièmes, les Pays-Bas, trois fois, et qui donnent le sentiment qu’ils n’y arriveront jamais. Au niveau européen, il y a bien quelques surprises. Le coup du Danemark en 1992. Le hold-up grec de 2004. Peut-être la Russie en 1960 ou la Tchécoslovaquie de 1976. Autrement, on retrouve les mêmes.
A ce compte-là, il faut être culotté pour imaginer un autre champion que le Brésil, le 13 juillet prochain. Le pays le plus titré, et qui joue chez lui, belote et rebelote programmée. Et pourtant, un jour, il se passera bien quelque chose de complètement inattendu, de fou, avec par exemple l’un des 24 pays présents au Brésil et qui n’ont jamais gagné. Un champion révolutionnaire, qui casserait toutes ces statistiques et l’inertie des certitudes. Qui sont les mieux placés pour ça, en 2014? Regardons le fameux «classement FIFA». Il est terriblement sujet à caution, il a ses détracteurs: son système fonctionne un peu comme au tennis, avec des points accumulés sur une période donnée, davantage de points s’il s’agit d’un match officiel, moins si c’est de l’amical, etc.
l’insolence heureuse
Quand on regarde ce classement, le premier pays apparaissant et qui n’a encore jamais été champion, c’est le Portugal emmené par Cristiano Ronaldo, le meilleur joueur du monde. Des Brésiliens d’Europe, les anciens colons: ils sont là-bas un tout petit peu chez eux. Et puis Cristiano peut tout: cette équipe a sa chance. Le deuxième onze à n’avoir jamais gagné, c’est… la Suisse. Et si c’était nous? La Nati est classée 6e nation mondiale, cette semaine. C’est aussitôt l’exemple que vous sortent les autres pays, à commencer par la prétentieuse France ou l’Italie, pour vous démontrer que le classement FIFA est archi-foireux. Pourtant les Suisses ont leur mini-Ronaldo aussi, il s’appelle Shaqiri. Ils ont un grand coach, Hitzfeld. Ils ont battu l’Allemagne et le Brésil (en amical, c’est vrai…). Les équipes de moins de 17 et de moins de 21 ans ont fait des résultats incroyables ces dernières années. Mais c’est comme ça: personne n’y croit une seconde. La génétique des gagnants, c’est dans la tête, on vous dit. Et dans celle des Suisses, il n’y a pas cet historique d’une victoire qui vous fait grands à jamais. Besogneux, ennuyeux, solides, bien en place, oui, huitième de finale, peut-être, guère plus. Aux joueurs de démontrer le contraire: certains n’ont peur de rien, portés par l’insolence heureuse de la jeunesse.
L’équipe la plus citée en possible outsider, c’en est une autre: la Belgique, emmenée par le formidable attaquant Eden Hazard. Une génération dorée, vitesse, confiance. Après, il reste tous les autres, notamment les Africains, Algérie, Côte d’Ivoire, etc. Ils ont une magie, ils sont toujours espérés et ne dépassent en principe pas les quarts de finale. Mais toutes les aristocraties ont une fin: le château fort du football finira par tomber, lui aussi.