Enquête. Le projet ferroviaire devant succéder à celui du RER-Transrun enterré par le peuple en 2012 prend du retard.
«Non, nous ne laissons pas tomber notre conseiller d’Etat, assure le président de l’UDC neuchâteloise, Hugues Chantraine. Nous espérons qu’il pourra repartir d’un bon pied à la rentrée prochaine, si possible avec un nouveau secrétaire général à ses côtés.» Cette déclaration tient de la méthode Coué. Quinze mois après sa brillante élection au Conseil d’Etat, Yvan Perrin vacille. Epuisé physiquement et psychiquement, le chef du Département du développement territorial et de l’environnement s’enferme dans un inquiétant déni de réalité. Il n’est visiblement plus à même de tenir son poste. Il doit désormais trouver une sortie honorable. Pour lui d’abord, mais aussi pour le canton de Neuchâtel.
Les enjeux sont loin d’être négligeables. Yvan Perrin dirige le département responsable des dossiers relatifs à la mobilité, tous dramatiquement bloqués. En septembre 2012, le peuple a rejeté le RER-Transrun. Puis ce sont les déboires de la vignette à 100 francs qui ont relégué aux calendes grecques le projet de route d’évitement de La Chaux-de-Fonds et du Locle.
Si l’on ne peut pas reprocher au conseiller d’Etat UDC de ne pas s’être battu pour la hausse de la vignette, en revanche il s’est jusqu’ici révélé incapable de relancer un projet ferroviaire reliant les Montagnes au Littoral, une ligne du XIXe siècle dont les tunnels nécessitent un assainissement urgent. L’homme qui a férocement combattu le Transrun – rebaptisé par lui Trans-ruine – n’a pas développé la moindre vision pour trouver une solution de rechange. Or, le temps presse. L’Office fédéral des transports (OFT) a fixé à novembre 2014 le délai pour déposer les projets financés lors de la deuxième étape du fonds ferroviaire (FAIF).
«Dans tous les cas, nous déposerons un projet dont la nature sera déterminée par le Conseil d’Etat», assure le nouveau chef du Service cantonal des transports, Olivier Baud. Cette déclaration de principe ne rassure pourtant personne. Selon la petite dizaine de bons connaisseurs du dossier que L’Hebdo a contactés, Yvan Perrin est loin d’être l’homme censé «tracer le bon sillon», comme le promettait sa campagne: «Restant souvent dans l’ombre de ses chefs de service, il manque de leadership», regrette un député.
En témoigne une séance tenue le 23 mai au Château de Neuchâtel, réunissant des représentants de tous les bords, du Conseil d’Etat aux référendaires du Transrun en passant par les villes et les élus aux Chambres fédérales. «Le dossier n’a quasiment pas progressé depuis l’échec de 2012», s’alarme un participant. Olivier Baud a présenté l’état des travaux, à commencer par ce qui est désormais la variante principale: une simple modernisation de la ligne actuelle La Chaux-de-Fonds – Neuchâtel pour un prix évalué à 720 millions de francs, dont quelque 300 millions pour la suppression du rebroussement de Chambrelien, raccourcissant le trajet à vingt-quatre minutes.
«Investir 720 millions pour gagner quatre minutes entre le Haut et le Bas du canton, même avec une cadence au quart d’heure, cela en vaut-il la peine?» s’interroge un élu déçu. Le RER-Transrun offrait une ligne directe de quatorze minutes entre les deux capitales, coûtait 920 millions, dont 560 millions à la charge du canton et des communes. Deux ans plus tard, la seule modernisation du tronçon coûte presque aussi cher, mais sans ligne directe ni effet réseau. Pis, à quatre mois du dépôt du dossier à Berne, personne n’est capable d’articuler le moindre chiffre sur la contribution des CFF et le montant du crédit FAIF. «Quel gâchis!» résume un témoin de cette séance.
Le rêve d’une ligne directe entre le Haut et le Bas, que réclame une nouvelle initiative, ne s’est pas estompé. «A court et moyen termes, c’est une illusion. Un tel projet ne se réaliserait pas avant 2035, voire 2040», avertit un acteur du dossier. Le canton n’est pas près de rattraper un siècle de retard en matière ferroviaire.