Essai. Les déboires de l’encaveur valaisan sont pour le canton l’occasion rêvée de revisiter sa manière de faire de la vraie politique.
Et si Dominique Giroud, l’encaveur sous les verrous par qui le scandale est arrivé, était finalement du pain bénit pour le Valais? Et si toutes les casseroles trouées et cabossées de fraude fiscale, de fausses factures, de faux Saint-Saphorin, de vins coupés illégalement et de piratage informatique (le pompon!) qu’il traîne derrière lui allaient contraindre les Valaisans à mettre de l’ordre, enfin, dans leur pitoyable cuisine politique? Bon. Ce n’est pas gagné. De sa forteresse octodurienne, Pascal Couchepin ne se fait pas trop d’illusions. «Il faudra encore du temps pour que le Valais se rende compte que l’Etat n’appartient pas à un parti.»
Un abcès crevé avec Giroud? On disait la même chose dans les années 70 avec l’affaire Favro, une sombre histoire de malversations qui a mis le canton sens dessus dessous. Et l’ancien conseiller fédéral de se souvenir de l’axiome définitivement posé par le vieux politicien montheysan Charles Boissard, dit Carlo, ainsi résumé: le Valais est divisé en trois. En haut, les personnes se combattent mais tout est porté sur la place publique. En bas, libéraux et conservateurs (les PDC!) s’affrontent classiquement. Au centre, c’est la guerre des clans et des coups bas. «C’est toujours au centre que le Valais connaît tous ses problèmes de gouvernance.» Alors quoi, rien ne bougera jamais? Ce canton serait-il l’illustration parfaite du proverbe bulgare: «Il est né veau, il est mort bœuf»?
Mouton noir, moutons blancs
Faire de Dominique Giroud l’unique mouton noir à abattre, ce serait finalement assez pratique. Ce proche d’Ecône, qui s’est acoquiné avec un agent du Service de renseignement de la Confédération trempé dans le même bénitier et dans une nullissime activité d’espionnage, cristallise toutes les dérives du canton. Lesquelles sont notamment dénoncées depuis mai 2011, avec plus ou moins de rigueur, par le redresseur de torts Stéphane Riand dans son association L’1dex pour un Valais critique et libertaire. Le mouton noir mis hors d’état de nuire, son comportement un tantinet paranoïaque mis en lumière, tous les autres moutons évidemment blancs pourraient paisiblement bêler d’effroi contre une telle infamie.
Que la justice valaisanne laisse s’évanouir des affaires en prescription, qu’elle laisse à la justice vaudoise et genevoise, avec un certain soulagement, le soin de gérer les épisodes toujours plus rocambolesques du dossier Giroud, que les services fiscaux du canton soient malmenés, que d’étranges ententes semblent avoir été tissées entre le monde de la viticulture et celui de l’exécutif valaisan comme le révèle la presse dominicale, tout cela ne serait que des détails dans l’histoire du canton?
Pourtant, il suffit de naviguer sur les réseaux sociaux pour y déceler une volonté toujours plus affichée de ne plus se contenter de faire glisser la poussière sous le tapis. Même les Jeunes démocrates-chrétiens du Valais romand y vont de leur analyse pertinente. A propos du Parlement valaisan, ils écrivent sur leur site: «Force est de constater que l’image actuelle est plutôt celle de députés qui discutent des heures et tournent en rond, qui désirent, avant tout, descendre l’autre pour mieux s’élever, qui s’attardent plus sur des attaques de bas étage au nom d’une pseudo-transparence, qui cherchent à se montrer pour attirer les médias; tout cela au lieu de mettre en avant de vraies idées qui feraient avancer notre canton.» Cette analyse qui n’a rien de la langue de bois a été reprise par la (encore) très discrète page Facebook du Rassemblement valaisan. Celui-ci semble vouloir se profiler en dehors des partis dans la perspective des élections de 2017. On y trouve notamment la signature de Jean-Marie Bornet, chef information et prévention de la police cantonale.
Vers des états généraux?
Animateur d’un autre site encore en gestation, intitulé Valais 2020, l’ancien cadre de Caterpillar Philip Koenig plaide en faveur du rassemblement (encore un autre!) d’acteurs de l’économie et du secteur privé, autour d’une thématique précise, comme par exemple la vini-viticulture, pour définir une solide stratégie à long terme au profit de l’ensemble de la collectivité.
Le réchauffement climatique aux conséquences majeures pour le Valais, notamment pour sa production hydraulique, le retour des concessions, la prévention du risque sismique, l’avenir du tourisme, l’état des finances cantonales sont autant de thèmes qui pourraient être traités lors d’états généraux auxquels participeraient des représentants de la société civile, en collaboration avec des élus.
Encore dans les limbes, l’idée pourrait faire son chemin. La tenue d’une constituante, qui devrait faire l’objet d’une prochaine initiative populaire lancée par les Verts, s’inscrit dans cette dynamique. Celle d’un autre Valais qui, tirant tous les enseignements du pire, peut désormais s’offrir le meilleur.