Rencontre. Yoann Provenzano est actif sur le web, Thomas Wiesel préfère quant à lui la scène: les deux amis incarnent le renouveau de l’humour welsch.
En six jours de stage à L’Hebdo, il en aura fait des choses, Yoann Provenzano. Il aura testé la turbosieste et tenté en vain d’organiser un apéro, il aura interviewé un clone trooper et prouvé qu’il était un très mauvais imitateur de Michael Jackson, tout en tentant de boucler en guise de premier article, après des jours de procrastination, une «analyse transfigurative de l’évolution macroéconomique de l’élasticité des perspectives conjoncturelles au sein du ménage suisse».
On vous le donne en mille, le jeune homme de 22 ans n’a jamais effectué de stage au sein de la très sérieuse rédaction de L’Hebdo. Yoann Provenzano a tout simplement pris part à une campagne web décapante mise en place à l’occasion du lancement de la nouvelle formule du magazine, au début du mois de mai. Mission avait été confiée à l’humoriste et à un duo de jeunes vidéastes romands baptisé Pan and Cakes de mettre sur pied une minisérie racontant les aventures fictives d’un apprenti journaliste. Visible sur les réseaux sociaux et sur le site de L’Hebdo, elle a été régulièrement suivie par plusieurs milliers d’internautes. Avec des résultats parfois surprenants. «Plusieurs personnes m’ont demandé comment se passait mon stage. Ils pensaient vraiment que j’avais été engagé!» rigole Yoann Provenzano.
Habitué à enregistrer seul chez lui de courtes vidéos qu’il met en ligne sur son compte Facebook, le Lausannois aura découvert à travers cette expérience qu’il était capable de jouer la comédie. Dans le rôle de son maître de stage, on a pu entrapercevoir un autre jeune humoriste vaudois: Thomas Wiesel, 24 ans, qui a débuté dans L’agence, sur les ondes de La Première, et déride depuis quelques mois les auditeurs matinaux de LFM à travers une revue d’actualité aussi irrévérencieuse qu’hilarante. «Sur la série du stagiaire, j’ai juste donné quelques idées à l’équipe, tout en servant de support moral», explique-t-il.
Yoann Provenzano – que l’on peut également parfois entendre dans les matinales de la radio privée lausannoise – et Thomas Wiesel sont amis, ils ont débuté en même temps, mais ils ont aussi été concurrents. C’était en mars 2012, lorsqu’ils se sont retrouvés en finale du tremplin organisé par le Banane Comedy Club. C’est le second qui va finalement l’emporter, mais le premier ne lui en veut pas. D’autant plus qu’ils ont choisi deux directions différentes.
Thomas Wiesel aime le stand-up à l’américaine. Pour lui, rien ne remplace la scène, la confrontation avec le public. Après quelques expériences live douloureuses, Yoann Provenzano a, quant à lui, décidé de se lancer dans la réalisation de capsules vidéo. Il se crée alors plusieurs personnages, comme le bon Vaudois André Delacrottaz et le rappeur d’origine balkanique MC Terküit, et ouvre sa page Facebook.
Entre août et octobre 2013, quelque 30 000 personnes le suivent. L’effet viral fonctionne à merveille. «Depuis, c’est impossible de se balader avec lui sans que quelqu’un le reconnaisse», souligne Thomas Wiesel. «Il faut dire que je fais du local, que j’utilise les accents d’ici, analyse Yoann Provenzano. Avec mes vidéos, je pénètre chez les gens, qui me prennent du coup pour un pote, ce qui me fait superplaisir. Si j’ai eu des commentaires négatifs? Forcément, c’est normal quand tu t’exposes. Mais la plupart des remarques méchantes concernent ma dentition… C’est surtout de la jalousie, je pense. Lorsque les critiques sont constructives, je les prends en compte.»
Grillé auprès de ses futurs élèves
Le faux stagiaire s’est offert une année sabbatique qui lui aura permis de réunir autour de lui une communauté de fans. Il souhaite se lancer dans la réalisation de vidéos plus longues que le format quinze secondes dans lequel il s’éclate et est récemment remonté sur scène, avec succès, à l’invitation de son ami.
Se professionnaliser? Pour l’heure, il n’y pense pas. Il s’apprête à entreprendre cet automne des études universitaires en français et en anglais, afin de probablement se lancer dans l’enseignement. «Tu sais qu’avec tes vidéos tu t’es définitivement grillé auprès de plusieurs générations d’élèves», s’amuse Thomas Wiesel, qui a de son côté terminé un cursus HEC. Fini la radio, trop stressant de devoir aligner chaque matin une dizaine de gags bien sentis, il a décidé de se concentrer sur la scène. Grand amateur de Desproges, il se dit heureux de constater que de nombreux jeunes tentent de percer dans l’humour et que les scènes ouvertes fonctionnent bien, tout en regrettant que le public de moins de 40 ans ne soit pas facile à attirer dans les salles.
Yoann Provenzano et Thomas Wiesel ne connaissaient pas la structure Pan and Cakes avant de s’investir dans la série commandée par L’Hebdo. Mais l’entente fut parfaite, comme le confirme le vidéaste autodidacte Pierre Ballenegger, 26 ans, issu de la pub et de la communication et qui, jusque-là, s’était illustré avec des réalisations très personnelles, autour de la danse et du tatouage notamment. Il n’exclut d’ailleurs pas de retravailler un jour avec les humoristes. Les deux parties auraient en effet tout à y gagner. Une nouvelle génération est en marche, et c’est franchement une bonne nouvelle.