Littérature. Colette a séjourné trois fois à Genève. Lors de tournées durant sa carrière de music-hall puis, bien plus tard, afin de suivre un traitement médical. En 1949, elle signe l’un de ses derniers romans, «Le fanal bleu», dans lequel elle emmène le lecteur dans un voyage presque immobile à travers cette ville dont elle appréciait le décor luxueux, calme et propre.
«Chère maman, nous arrivons. Très bon voyage, photographe et répétitions toute la journée, rien de tel pour vous remettre d’une nuit en chemin de fer! La ville est pavoisée d’énormes affiches. Je trouve ta lettre et suis contente.» Nous sommes en août 1908. Sidonie Gabrielle Colette, dite Colette, a 35 ans. Elle a quitté Willy, son premier mari, sous l’instigation duquel elle a écrit ses premiers livres. Colette découvre Genève où elle joue Son premier voyage, comédie de Xanrof et Guérin, au casino du parc des Eaux-Vives. A l’image de cet édifice, démoli en 1936, il ne reste aujourd’hui que peu de traces de la Cité de Calvin telle que Colette l’a connue. Ranimer cette ville d’antan reste toutefois possible pour celui qui se plonge dans Le fanal bleu. Ecrit en 1949, ce roman est l’un des derniers livres de Colette. Elle y égrène, parmi d’autres, les souvenirs de ses moments passés au bord du lac Léman. Ainsi, en cette matinée de juillet, c’est aussi «un Genève tout rayé de pluie» qui nous accueille à la sortie du train. Le fanal bleu en main, nous voilà partis en direction de l’hôtel Richemond, point de chute favori de la romancière française.
Colette y viendra à trois reprises. Déjà en 1908 puis en 1911. Alors que l’établissement érigé au coin de la rue Adhémar-Fabri n’abrite encore qu’une simple pension de famille. A cette époque, Colette mène une carrière de music-hall. France, Belgique, Italie, Tunisie, Suisse… Elle voyage et joue de ville en ville, tout en continuant à écrire. Les années passent puis, à l’aube de l’été 1946, Colette revient. Elle a alors 73 ans. Sa notoriété n’est plus à faire. Membre de l’Académie royale de Belgique et de l’Académie Goncourt, elle signe également de nombreux articles et critiques pour le journal parisien Le Matin. Elle est divorcée de ses deux premiers époux, Henry Gauthier-Villars, dit Willy, et Henry de Jouvenel, et partage désormais ses jours avec Maurice Goudeket.
Rebelle au vent
Six semaines durant, Colette s’installe au sixième étage de l’hôtel Richemond, qui nous ouvre aujourd’hui les portes de la suite qu’elle occupait. Les murs arborent encore son portrait. Colette est fatiguée. Elle souffre d’une arthrose de la hanche et de douleurs terribles qui la clouent à son fauteuil. Chaque matin, elle fait preuve d’une «tenace coquetterie» pour recevoir le médecin qui se présente ponctuellement et lui fait subir deux heures de sévices en «piqûres, pétrissages et profondes délégations électriques».
Le décor a entièrement changé depuis que les lieux ont été repris par le groupe Rocco Forte. Des couleurs sobres et des pièces modernes ont remplacé le mobilier d’époque, beaucoup plus chargé. Le quartier n’est plus aussi calme, mais la vue, elle, n’a pas changé. Derrière le monument Brunswick, le lac, «le mont d’argent», la vieille ville et la cathédrale. Et, depuis le petit balcon fleuri, le jet d’eau que Colette décrit comme un «jouet majestueux, un épi, une semence éployée au vent, rebelle au vent».
C’est vers lui que nous nous dirigeons à présent. Le long des quais, là où Colette a savouré le «printemps hésitant», le luxe et le calme de cette «cité étrangère» épargnée par la guerre. Elle était loin du vacarme incessant que le moteur des voitures produit aujourd’hui sur le pont du Mont-Blanc. Tout au long de son séjour, Colette a écrit, infatigablement. Et, peu à peu, malgré son scepticisme, elle s’est sentie mieux. Maurice l’a rejointe. Ils se sont promenés en voiture, lentement, dans les rues de la ville, de «jardins-restaurants aux rivages-jardins». Au bout du quai Gustave-Ador, c’est aussi un écrin de verdure qui nous accueille. Le casino-théâtre n’existe plus au parc des Eaux- Vives. Mais, lus à l’abri d’un cyprès, les mots du Fanal bleu suffisent à ranimer cette Genève que Colette a tant aimée.
Un dernier roman
«Par temps clair le lac est une Méditerranée, un peu avare en indigo. Un bain de lumière rose prodiguée changeait en viviers frémissants les cases, débordantes et ordonnées, des magasins agencés pour la victuaille, la dentelle, la chaussure et les parfums.» Colette ne cesse de s’étonner. Tout est si propre. Elle admire les «automobiles miroitantes comme des pianos neufs», le «vêtement sans tache» et toutes ces boutiques qui regorgent de denrées rares et fantastiques aux yeux d’une Parisienne recluse six ans «au sein du bleu de cave, du noir de guerre, du rouge de lumignon». Ce qu’elle aime par-dessus tout, ce sont ces gâteaux, ce chocolat et ce lait, si rares à Paris, mais omniprésents ici.
Puis, un jour, le traitement prend fin. Mais Colette souffre toujours «d’espoir» et de sa maladie. Elle sait «qu’après les rosiers en rangs s’apprête le feu symétrique des géraniums, et celui des sauges écarlates, puis viendront les dahlias, puis les chrysanthèmes»… Fin juin 1947, Colette quitte Genève. «Si Dieu me prête vie et santé l’an prochain, écrit-elle à Emilie Armleder, membre de la famille Armleder, alors propriétaire du Richemond, gardez-moi chez vous mon petit balcon ensoleillé couvert d’oiseaux, mon horizon de lac et de verdures – gardez-moi surtout les bienfaits de votre présence – gardez-moi mes vacances au Richemond.»
Mais Colette ne reviendra pas. Elle retrouve Paris. Où elle mène une vie de plus en plus sédentaire et signe ses derniers romans. Le 3 août 1954, Colette s’éteint. Elle avait 81 ans. Elle repose aujourd’hui au cimetière du Père-Lachaise.
Sidonie-Gabrielle Colette
Elle est née le 28 janvier 1873 dans l’Yonne.
Après avoir écrit ses premiers romans sous la houlette de son mari, Willy, elle joue dans de nombreuses pièces et rédige également des articles. Mariée deux fois, elle a eu une fille. Elle meurt en 1954.
A voir
Genève
Cottage Café
Un ravissant petit kiosque en bois. On s’y installe comme chez soi, parmi les livres et les journaux mis à disposition. Des tartines à la féra en passant par les tapas, tout ici est délicieux.
Adhémar-Fabri 7
www.cottagecafe.ch
Genève
Café Art’s
Petit café à l’atmosphère chaleureuse. On y sirote du jus de gingembre maison ou de la bière artisanale, on y admire les expositions temporaires d’artistes locaux.
Rue des Pâquis 17
022 738 07 97
Genève
Bains des Pâquis
Lieu de rendez-vous incontournable des Genevois, ouvert été comme hiver. Une buvette, des massages, un hammam, des cours de waterpolo ou de taï-chi. Voilà quelques-uns des services proposés à des prix tout à fait abordables.
Quai du Mont-Blanc 30
www.bains-des-paquis.ch
Genève
Ile Rousseau
Au centre du Rhône, ce petit îlot de verdure offre un moment de détente et de calme. Idéalement situé, il permet d’admirer la ville des deux rives du lac. Il abrite également un tea-room.
Ile Jean-Jacques-Rousseau 1
www.ville-geneve.ch
Genève
Bateau de Genève
La buvette du bateau, ouverte d’avril à août, propose plats du jour, tapas et soirées à thème. Amarré au quai marchand des Eaux-Vives, il est un navire hors du commun.
Quai Gustave-Ador 7
www.bateaugeneve.ch
Genève
Gelateria Arlecchino
Spécialisée dans les divers parfums de chocolat, cette gelateria est l’une des meilleures de la ville. On s’installe dans son petit tea-room ou on file jusqu’aux quais savourer sa glace face au jet d’eau.
Rue du 31-Décembre 1
www.larlecchino.ch