Le Landeron. Pour l’écrivaine, Bel-Air fut une résidence de vacances sur les terres d’origine de son père. Sarah Quiquerez, arrière-petite-fille de son oncle, y a créé un parc animalier.
«Les étés infinis: Bel-Air – le cri des corbeaux – le cabinet sur un arbre – l’aristoloche de l’atelier – un petit temple grec à fronton blanc dans les arbres…»* Corinna Bille, écrivaine enchantée, disait de son enfance qu’elle fut «une succession d’enchantements», ponctuée de voyages et de «maisons extraordinaires».** La plus célèbre de ces maisons est le Paradou, l’extravagant château construit en 1905 à Sierre par son père, le peintre Edmond Bille, figure immense et adorée.
Mais il y a aussi Bel-Air, vaste domaine agricole surplombant Le Landeron. Edmond Bille, qui est né à Valangin, se rapproche, l’été, de sa famille neuchâteloise: il a acheté Bel-Air avec son frère René, qui est agriculteur. Il y a là de quoi loger largement deux familles. Et puis il y a le «petit temple grec», en lisière du parc, avec vue sur le lac de Bienne: un atelier construit par le propriétaire précédent, le peintre Maximilien de Meuron.
Le bonheur de Sarah
Le domaine de Bel-Air est toujours là. On y brunche à la ferme, on y fête des anniversaires d’enfants avant de visiter son parc animalier. Sarah Quiquerez, maîtresse des lieux et arrière-petite-fille de René, est fière de n’avoir rien raboté des quelque 30 hectares d’origine: «Bel-Air sans les terres, ce n’est plus Bel-Air», dit-elle de sa voix entière. Sur la table de la cuisine, le livre autobiographique de son aïeule*, emprunté à sa mère pour l’occasion, mais pas encore lu: «Trop de travail. Cet endroit est mon paradis, mais c’est lourd et ça ne s’arrête jamais.»
Pour reprendre le domaine, Sarah, qui a été mécanicienne sur motos puis gardienne d’animaux, a fait un CFC d’agricultrice à 40 ans tout en élevant trois enfants. Son mari, ferblantier, ne rentre que le soir: elle a su dès le départ qu’elle allait porter la maison sur ses épaules. Elle a commencé par produire du fromage de chèvre, avant de développer le parc animalier qui fait sa fierté et le bonheur des petits visiteurs: des yacks, des chinchillas, des kangourous et des alpagas, 25 espèces en tout. Depuis la passerelle qui surplombe les enclos, elle les interpelle tendrement: «Ça a toujours été mon rêve, un endroit à moi avec des animaux.»
Et l’atelier du peintre, le petit temple grec? «Il n’est pas en très bon état…» Le voilà, à l’entrée du domaine, mais il faut savoir que c’est lui: les colonnes ont disparu, le toit a fait l’objet d’un rafistolage expéditif, juste de quoi garantir un abri au sec pour moutons et alpagas. Il faudrait le restaurer, bien sûr. «Mais le service des monuments et sites ne finance que la moitié des travaux et, jusqu’ici, je n’ai fait que parer au plus pressé.»
Le fait est que Sarah a hérité d’un domaine en très mauvais état, que les descendants de René ont occupé sans l’entretenir. Edmond, lui, avait déjà revendu sa part à son frère en 1921, lorsque Corinna Bille avait 8 ans: le krach de Nestlé lui avait fait perdre quelques millions. Même le paradis a un prix.
* «Le vrai conte de ma vie». De Corinna Bille. Empreintes, 1992.
** «Corinna Bille. Le vrai conte de sa vie».
De Gilberte Favre. Collection L’Aire bleue, 2012.
Corinna Bille
Née en 1912, du remariage du peintre Edmond Bille avec Catherine Tapparel. Son œuvre âpre et sensuelle porte la marque du Valais où elle grandit et vit avec Maurice Chappaz. Parmi ses chefs-d’œuvre: Théoda. Elle meurt en 1979.
A voir
Bel-Air
La Case africaine
Après les brunchs à la ferme et le parc animalier, c’est la dernière invention de Sarah Quiquerez sur le domaine: cuisine africaine maison dans case en bois faite main. L’épisode du Dîner à la ferme diffusé le 14 novembre sur RTS Un a été tourné ici.
Sur réservation 032 751 68 31/076 419 15 30
www.brebis.ch
Le Landeron
L’Escarbot
De la cuisine au décor, tout est créatif, original et délicat dans ce café-restaurant situé au cœur du vieux bourg du Landeron. Avec une mention spéciale à l’éclairage.
032 751 72 83
www.escarbot.ch
Le Landeron
Les Médiévales du vieux bourg
C’est une des plus belles bourgades médiévales de Suisse. Elle méritait sa fête ad hoc, voilà qui est fait, et Sarah Quiquerez est de la partie: théâtre, musique, artisanat et ripaille d’époque pour clore l’été en beauté.
Les 29, 30 et 31 août.
www.medievalesdulanderon.ch
Sommaire:
Cézanne, un séjour neuchâtelois par temps de cochon
Corinna Bille, enfance d’été sur lac de Bienne
Artaud apprend à dessiner à Neuchâtel
infatigable Andersen sur le chemin des Brenets