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L’UDC après Blocher: voici la génération 2015

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Jeudi, 31 Juillet, 2014 - 05:55

Décodage. Plus urbaine et bardée de diplômes, la relève de l’UDC est prête à assumer la succession du patriarche. Outre-Sarine surtout.

Christoph Blocher peut dormir tranquille. Ces dernières années ont vu émerger une relève qui assumera son héritage politique sans même réclamer de droit d’inventaire. Elle arrive, la génération 2015 de l’UDC, celle qui pèsera de plus en plus sur la ligne du parti lors de la prochaine législature, d’autant que Blocher a délaissé l’arène parlementaire. Bien qu’encore totalement inconnus en Suisse romande, les Gregor Rutz, Thomas Aeschi, Thomas Matter ou encore Peter Keller sortent lentement de l’ombre du «lider máximo».

Tout auréolé de sa victoire sur l’immigration de masse le 9 février, le milliardaire de Herrliberg reste dans l’immédiat bien en place, entouré de ses deux bras droits, Toni Brunner et Adrian Amstutz, présidents respectivement du parti et du groupe parlementaire. Mais dans le sillage des chefs, les jeunes pousses ne manquent pas, qui ne demandent qu’à éclore. «La relève existe depuis longtemps», affirme même le vice-président de l’UDC, Claude-Alain Voiblet. Le problème, c’est que le patriarche est toujours là, lui qui a toujours assisté – et qui le fera aussi à l’avenir – à toutes les séances du groupe. «La force stratégique de Christoph Blocher profite bien sûr à tout le monde. Mais sa présence a tendance à rendre les autres invisibles», note-t-il.

C’est dire que la passation des pouvoirs s’opère tout doucement à la tête de l’UDC. Peu à peu, la génération des années 90 se retire sur la pointe des pieds, parfois sur fond de scandale. C’est celle qui, après la prise de pouvoir des Zurichois sur les Bernois dans le parti, avait enclenché la dynamique de forte croissance du parti pour atteindre un sommet historique de 28,8% des suffrages en 2007. De son côté, la nouvelle génération trépigne d’impatience, avide de faire ses preuves. Les plus jeunes sont tous des trentenaires déjà très médiatisés, dont on ne connaît pourtant pas encore le réel potentiel. Ils et elles s’appellent Natalie Rickli (ZH), Céline Amaudruz (GE), Lukas Reimann (SG) ou encore Nadja Pieren (BE).

Foin des Racines agrariennes

Quel stupéfiant contraste entre ces deux générations! Derrière l’entrepreneur à succès Christoph Blocher, le gros de la troupe avait gardé des racines très agrariennes et artisanales avec pour nom Max Binder et Toni Bortoluzzi à Zurich, André Bugnon et Guy Parmelin en pays vaudois. La nouvelle vague n’a plus du tout les pieds ancrés dans la terre. Ce sont des enfants de la classe moyenne, peu fortunés, ayant grandi en ville ou dans une agglomération, qui ont souvent suivi une formation universitaire. Cela ne surprend pas le secrétaire général du parti, Martin Baltisser: «L’UDC a investi les agglomérations à l’image d’une Suisse qui est elle aussi devenue plus urbaine.»

Sauf que la vieille garde s’en irrite, elle qui a souvent mythifié les vertus de l’apprentissage au détriment de la filière académique. En témoigne la polémique qui a éclaté récemment à Zurich, où le «dinosaure» Toni Bortoluzzi (67 ans) a refusé de céder sa place au Conseil national à Barbara Steinemann (38 ans), une juriste compétente, mais pas vraiment «la femme idéale pour l’UDC» aux yeux du menuisier à la retraite. L’un des futurs leaders de l’UDC s’appelle Thomas Aeschi (ZG), un nom encore inconnu en Suisse romande. Sa carte de visite résume tout: «lic.oec.HSG/Harvard MPA, National­rat/Swiss Member of Parliament». Ce vibrionnant conseiller en entreprise de 35 ans n’a pas seulement passé par Saint-Gall, mais aussi par Harvard, dont il est ressorti avec un master en administration publique. Il travaille pour Strategy&, une entreprise américaine de consulting active à travers 60 bureaux dans le monde, dont un à Zurich. Auparavant, il avait passé deux ans dans une banque, «globale, bien sûr».

Réseaux sociaux

Gregor Rutz, autre futur homme fort du parti, est un peu moins mondialisé, mais tout aussi urbain. Fils d’un menuisier certes, mais «complètement nul dans toute activité manuelle», il a fait des études de droit et possède aujourd’hui son propre bureau de consulting à Zollikon, tout en habitant Zurich. Thomas Matter, quant à lui, a fait pleurer sa maman en renonçant à suivre une filière universitaire. Cet entrepreneur-né, au parcours atypique, a préféré fonder deux banques. Il a décidé de s’engager en politique pour sauver ce qu’il reste du secret bancaire, du moins en Suisse. A peine débarqué sous la Coupole, il s’est déjà forgé la réputation «d’ennemi numéro un d’Eveline Widmer-Schlumpf», la ministre des Finances.

«Christoph Blocher a su faire évoluer l’UDC d’un parti paysan conservateur à un parti libéral sur le plan économique, mais soucieux de préserver ses valeurs politiques», souligne le Nidwaldien Peter Keller. «Mais notre ADN, à savoir la souveraineté, le fédéralisme et la neutralité, est toujours resté le même», ajoute-t-il.

La nouvelle génération a aussi investi les médias sociaux, à l’image d’une Natalie Rickli que les médias alémaniques ont sacrée «reine de la génération Facebook». Il est vrai qu’elle y est omniprésente, et très suivie par ailleurs. On la voit plusieurs fois encourager l’équipe suisse de foot (1342 likes le 15 juin dernier avec la simple photo d’un gril!), visiter le tunnel du Gothard «où le réseau wifi fonctionne déjà», faire campagne contre la pornographie enfantine et pour l’expulsion des étrangers criminels. «Je suis sur Facebook depuis la nuit des temps, 2008 je pense. C’est un vecteur de communication dont on ne peut plus se passer pour s’adresser aux jeunes», constate-t-elle.

Si Lukas Reimann et Gregor Rutz actualisent régulièrement leur journal sur Facebook, d’autres sont beaucoup plus discrets, comme Thomas Aeschi ou Thomas Matter, qui ont juste ouvert un profil pour occuper le terrain, sans plus. «Il ne faut pas surestimer les réseaux sociaux», avertit Gregor Rutz, qui boude ainsi Twitter, «un vecteur inadapté pour la politique». «Le contact avec la population reste la chose la plus importante à soigner», ajoute-t-il.

Globalisé et conservateur

En fait, cette relève existe partout à l’UDC, sauf en Suisse romande, où Céline Amaudruz est bien seule à la représenter. Claude-Alain Voiblet plaide la patience. «L’UDC a une génération de retard dans son essor de ce côté-ci de la Sarine. Mais elle occupe aujourd’hui 600 sièges dans les parlements des villes de plus de 10 000 habitants, alors qu’elle est quasiment partie de zéro voici quinze ans. Dans les Grands Conseils des cantons romands, la députation de l’UDC est souvent la plus jeune avec celle du PS.» Ainsi, plusieurs trentenaires ont des chances réelles de débarquer sous la Coupole en 2015: Michaël Buffat dans le canton de Vaud, Jérôme Desmeules ou Grégory Logean en Valais pour succéder au conseiller d’Etat Oskar Freysinger, ainsi que Manfred Bühler voire Anne-Caroline Graber dans le Jura bernois.

Les futurs leaders de l’UDC ont élargi leurs horizons, voyagent plus et maîtrisent mieux les langues, l’anglais à défaut du français. On pourrait donc s’attendre à une attitude plus souple, notamment dans le dossier européen, tant cette faculté à se frotter à une économie globalisée et le repli politique identitaire paraissent schizophréniques. Il n’en sera rien. «Je ne vois pas la moindre contradiction ici, assure Thomas Aeschi. Plus je vais à l’étranger, plus je me conforte dans l’idée qu’il vaut la peine de se battre pour conserver le système suisse, axé sur la méritocratie.» Les «enfants» de Christoph Blocher sont différents, mais ils assumeront son héritage sans grande remise en question. Autant par conviction que par respect filial. La plupart d’entre eux ont adhéré au parti après avoir été séduits par son message identitaire et son charisme.

Restent deux questions: ces nouvelles figures seront-elles d’aussi bons bailleurs de fonds pour le parti et ses campagnes que Blocher lui-même et ses compagnons de route historiques comme Walter Frey? Aucun n’a accumulé à ce stade une fortune personnelle. De même, cette génération se dévouera-t-elle pour briguer des mandats dans un exécutif, au niveau cantonal ou fédéral, et gagner en influence dans les pouvoirs exécutifs? Si l’on excepte une Céline Amaudruz qui a terminé neuvième dans la course au Conseil d’Etat genevois en 2013, les futurs leaders de l’UDC ne se bousculent pas au portillon. Gregor Rutz et Thomas Matter, très heureux dans leurs rôles d’«entrepreneur» et d’«indépendant», disent exclure cette éventualité. Thomas Aeschi est plus hésitant. Mais il ne faut pas se fier à ces déclarations. A l’UDC, il n’est pas de bon ton d’afficher des ambitions pour un poste dont l’essence consiste à défendre l’Etat, celui-là même qu’on n’hésite pas à honnir dans la propagande électorale.


Le joker Magdalena

Quel rôle politique entend jouer la fille de Christoph Blocher?

Succession. Des quatre enfants du tribun, c’est elle, Magdalena Martullo-Blocher, l’aînée, qui fut chargée au 1er janvier 2004 de reprendre EMS-Chemie, l’entreprise en mains familiales, quand son père fut élu au Conseil fédéral. Régulièrement interpellée par les médias, cette femme d’affaires, qui va fêter en août ses 45 ans, dément vouloir entrer en politique. Reste qu’elle ne se prive pas de prendre position, tel un décalque de son père (lire en page 51 la réaction de Jacques Neirynck à ses propos sur le financement de la recherche). Qu’elle brigue un mandat ou pas, l’autre question qui demeure sans réponse jusqu’ici est aussi de savoir si la famille Blocher, multimilliardaire, continuera à faire profiter l’UDC de ses dons pour mener campagne. CT


Thomas Aeschi

ZG, 35 ans, depuis 2011 au Conseil national

Certains de ses collègues l’ont surnommé TTA – qu’il faut prononcer à l’anglaise – pour «Thomas Turbo Aeschi». Plus globalisé, tu meurs! A 16 ans déjà, il fait une année de lycée dans la banlieue de Chicago, étudie l’économie à Saint-Gall non sans passer un semestre en Malaisie et en Israël, avant de décrocher un master en administration publique à Harvard. Déjà, il se profile sur les questions financières et étrangères. «J’ai été politisé à l’âge de 14 ans par la votation sur l’EEE en 1992, c’est l’origine de mon engagement à l’UDC», confie-t-il. Prône-t-il l’Alleingang ou la voie bilatérale pour la Suisse? «Il faut trouver un chemin intelligent qui permette d’éviter l’adhésion rampante à l’UE tout en maintenant les contacts avec notre principal partenaire économique», répond-il. Thomas Aeschi a déjà une bonne maîtrise de la langue de bois.


Gregor Rutz

ZH, 42 ans, depuis 2012 au Conseil national
Il dit qu’il ne briguera «jamais » le Conseil fédéral, qui compte d’ailleurs déjà un ancien pianiste de bar (Alain Berset) dans ses rangs. Ne le croyez pas trop vite! D’autres que lui l’y voient tout à fait, à commencer par Christoph Blocher. Celui qui a commencé par être un jeune PLR avant de se convertir à l’UDC est un stratège parfaitement réseauté. Avant de se mettre à son compte, il a été secrétaire général de l’UDC lors de la période de tous les triomphes électoraux, de 2001 à 2008. Tenant de la ligne dure sur le contenu, il a cependant le contact facile avec tous les partis. Il se profile beaucoup dans les questions d’immigration et de la défense des libertés individuelles.
 


Peter Keller

NW, 43 ans, depuis 2011 au Conseil national

«Suaviter in modo, fortiter in re» («modéré dans la forme, mais ferme sur le contenu»). Historien de formation, ex-enseignant et auteur à la Weltwoche, Peter Keller annonce en latin l’UDC de demain, qui se cherche des candidats plus consensuels pour réinvestir le Conseil des Etats en 2015. Mais sur la politique européenne, l’UDC ne cédera rien. Le 11 juin dernier, lors de l’excursion de son groupe, Peter Keller a raconté la victoire des Confédérés sur les Habsbourg en 1315 à Morgarten. Avant d’ajouter que l’ennemi de la Suisse, c’est désormais l’UE. Le ton est donné.
 


Céline Amaudruz

GE, 35 ans, depuis 2011 au Conseil national

Son profil Facebook se résume à une photo, celle de la rade qu’elle traverse à la nage, en attendant le pont, ce serpent de mer genevois. La présidente de l’UDC cantonale est une fonceuse. Levée à 4 h 30 du matin, elle fait du sport, travaille à 60% pour l’UBS, gère sa section tout en siégeant à Berne. «Ma priorité restera ma carrière professionnelle, même si je décide de fonder une famille», assure cette juriste de formation, à laquelle sa maman a toujours conseillé de «rester indépendante». Sous la Coupole, elle intervient beaucoup sur les thèmes sécuritaires et migratoires en tant que membre de la Commission des institutions politiques (CIP).
 


Natalie Rickli

ZH, 37 ans, depuis 2007 au Conseil national

C’est l’ange blond de l’UDC, très active sur les médias sociaux avant d’y réduire un peu sa présence après un burn-out. Ses détracteurs lui reprochent sa vision manichéenne de la politique, mais ça paie. Elle a été la parlementaire la mieux élue de Suisse en 2011, devant Christoph Blocher. Cette résidente de Winterthour, qui indique «part­ner relation manager» comme profession sur sa carte de visite, s’est spécialisée dans la politique de la sécurité et des médias. Elle est une des plus féroces pourfendeuses de la SSR.
 


Thomas Matter

ZH, 48 ans, depuis 2014 au Conseil national

Il vient d’arriver au Conseil national, c’est lui qui a succédé à Christoph Blocher, qui s’y ennuyait ferme. Mais il est déjà connu comme le loup blanc. Ce banquier, propriétaire de la Neue Helvetische Bank qu’il a fondée en 2011, est l’un des membres du comité d’initiative pour le maintien du secret bancaire en Suisse qu’il veut ancrer dans la Constitution. Une initiative qui, soutenue aussi par des personnalités du PLR et du PDC, pourrait mettre des bâtons dans les roues de la ministre des Finances, Eveline Widmer-Schlumpf. «Nous ne voulons pas d’un échange automatique des données en Suisse ni d’un Etat trop puissant du genre RDA faisant du contribuable un citoyen transparent.»
 


Lukas Reimann

SG, 32 ans, depuis 2007 au Conseil national

Encore un juriste à l’UDC, qui devrait terminer ses études en 2015. En reprenant, au pied levé, des mains d’un Pirmin Schwander malade, la présidence de l’Action pour une Suisse indépendante et neutre (ASIN), il est désormais le porte-drapeau de cette jeunesse helvétique rejetant tout rapprochement avec l’UE. Ouvert au monde – il a passé un an à Boston dans une école internationale à l’âge de 16 ans et a sillonné l’Ukraine en voiture avec des copains l’an passé – mais fermé à l’Europe politique. Plus radicale que l’UDC, l’ASIN prône même ouvertement la dénonciation des accords bilatéraux.

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Michel Guillaume
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