Delémont. Au cœur de la ville jurassienne, les rues sont encore imprégnées de la lutte séparatiste que Roland Béguelin a menée.
Delémont, quartier dit de la Turquie. Nous cherchons la rue Franche, plus précisément le numéro 16, cette petite maison qui affiche l’écriteau «Ici a habité Roland Béguelin». Juste cinq mots. Comme si cinq mots pouvaient résumer l’histoire du père fondateur du canton du Jura.
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Pour combler ce vide, il faut remonter le temps jusqu’en 1947, quand éclate l’affaire Moeckli. Le Parlement bernois refuse de confier le Département cantonal des travaux publics à Georges Moeckli, sous prétexte qu’il est de langue française. «C’était la goutte d’eau qui a fait déborder le vase», se souvient l’historien François Kohler. Les événements se sont ensuite enchaîné pour prendre toujours plus d’ampleur. Et, lors d’une manifestation proséparatiste, le Jura commence à s’embraser.
Toujours à la «rencontre» de Roland Béguelin, nos pas nous guident à la ruelle de l’Ecluse, non loin de la gare, en face de cette imprimerie où naguère travaillait ce fils d’ouvrier comme administrateur, et où était tiré l’hebdomadaire Jura libre.
Notre cheminement passe ensuite par la cour du château. Un lieu symbolique. C’est là que Roland Béguelin a pris pour la première fois la parole à la Fête du peuple jurassien. C’était en 1957. Très vite, la cour devient trop petite pour accueillir tous les séparatistes, de plus en plus nombreux. Ils se déplacent alors vers l’hôtel de ville, place de la Liberté, occupent la rue qui deviendra plus tard celle du 23-Juin. Aujourd’hui, les propos convaincus et convaincants du militant ont été remplacés par des rires ou des cris d’écoliers.
«Roland Béguelin était très tenace, solitaire, voire un peu froid par moments», le décrit François Kohler. Ses confrères historiens le qualifient d’ambitieux, rigoureux, perfectionniste, un brin narcissique. Des traits de caractère qui lui ont insufflé la combativité pour ne jamais abandonner son projet pour le Jura. D’autant que la première initiative cantonale visant à consulter les Jurassiens sur l’opportunité d’un vote au sujet de la séparation est rejetée. La victoire arrive le 23 juin 1974. Le Jura se sépare enfin du canton de Berne. L’auteur jurassien Vincent Philippe écrit: «Roland venait de gagner une des plus longues, difficiles et brillantes entreprises politiques de la Suisse. (…) Dans son cœur, on devinait un Everest de joie.» Ce soir-là, les séparatistes occupent toute la place en face de la gare pour y faire la fête.
Des années plus tard, des habitants ont voulu que l’avenue de la Gare devienne la rue Roland-Béguelin. «Mais c’était trop compliqué à cause des nombreux commerces qui auraient dû changer leur adresse», se souvient François Kohler. Le libérateur n’a ainsi pas de rue, mais une place au centre-ville. Comme Roger Schaffter, celui avec qui il a formé un des tandems les plus efficaces pour l’indépendance du Jura.
Quand Béguelin apprend qu’il est atteint d’un lymphome, il n’en informe personne, se souciant jusqu’à la fin des autres plus que de lui-même. Sur sa tombe, au cimetière Saint-Michel, se trouve cette inscription: «Il a redonné au Jura sa fierté et sa liberté». FS
Roland Béguelin
Né en novembre 1921, le membre fondateur du Mouvement séparatiste était l’âme du rassemblement jurassien et le premier président du Parlement du Jura. Décédé en 1993, il est enterré à Delémont.
A voir
Delémont
Musée jurassien
Au cœur de la localité, pas loin de la cour du château, ce musée est la porte d’entrée sur l’histoire jurassienne.
032 422 80 77
www.mjah.ch
Develier
Musée Chappuis-Fähndrich
Créé en 1956, il a recueilli toutes sortes d’objets abandonnés du Jura. Cette collection présente un aspect de la culture régionale et bien plus.
079 462 66 33
www.lemusee.ch
Delémont
La Gioconda
Situé en pleine place Roland-Béguelin, le bar-cafétéria propose de très bonnes glaces. A faire suivre d’un excellent sirop sur la terrasse ombragée.
032 422 04 26
Sommaire:
L’enfance de Louis Chevrolet, entre pêche à la carpe et bénédiction de biquette
Irène Joliot-Curie, réfugiée chez le préfet
Béguelin, l’incarnation d’une liberté
La petite Gilberte, grande égérie de Courgenay