Chanson. Pas un habitant de la capitale qui ne connaisse au moins un de ses titres. Quarante ans après sa mort, Mani Matter est plus populaire que jamais.
A Berne, Mani Matter n’a pas de place ni de rue à son nom. Juste une rampe qui conduit du bâtiment du Grand Conseil à un parking souterrain. Une cinquantaine de mètres en pente raide où personne n’habite. Mais les gens ne s’en offusquent pas. «Le plus important est qu’il soit resté dans nos cœurs», assure une vieille dame qui l’a encore vu sur scène. Pour sa part, un trentenaire n’a pas eu ce privilège, mais cite spontanément une dizaine de ses titres, découverts à travers un hommage que lui ont rendu de nombreux artistes de toute la génération des années 80-90 qu'il a influencée d’une manière ou d’une autre.
Ce chansonnier inspiré par Georges Brassens – on parlait français dans sa famille dont le père était Suisse et la mère Néerlandaise – a vraiment marqué les esprits dans la capitale fédérale. Impossible d’emprunter «l’allée Monbijou» sans imaginer ce tram 9 qui un soir quitte ses rails pour s’envoler dans le ciel dans la nuit noire. Impossible encore de passer devant le Palais fédéral sans penser à Dynamit, l’histoire d’un bourgeois fier d’avoir dissuadé un type louche de faire sauter le bâtiment en lui vantant les valeurs suisses. Mani Matter est même là où on l’attend le moins: au stade de Suisse, où les supporters des Young Boys encouragent leur équipe sur l’une de ses mélodies! Et, justement, après l’une des nombreuses défaites du club local, on repense à lui, lorsqu’il interrogeait ses concitoyens: «Pourquoi êtes-vous si tristes?»
Mani Matter a fait exploser tous les clichés sur les Bernois. En les voyant déambuler à une allure d’escargot sous les arcades un jour de marché, vous croyez qu’ils sont lourds et patauds, à l’image de leur patois guttural. C’est tout le contraire avec lui. Mani Matter a extirpé ce dialecte de son cocon folklorique. En ciselant des rimes riches, drôles et décoiffantes, il lui a conféré ses lettres de noblesse, celles d’une vraie langue aux yeux des Bernois.
Avec ses histoires toutes simples, Mani Matter émeut toutes les générations. En fait, il est plus qu’un chansonnier, il est un penseur. Mais un penseur qui renonce à toute provocation, en maître de la litote qu’il est. Il ne se prend surtout pas au sérieux: il a d’ailleurs toujours conservé son poste de juriste au service de la ville. Il pose les grandes questions sans avoir l’air d’y toucher. Dans sa chanson culte Hemmige, il dit ne croire en l’homme que parce qu’il a des scrupules, contrairement au chimpanzé.
Même Stefan Eicher, qui avait adapté ce texte dans son répertoire, n’en est pas revenu alors qu’il se produisait à l’Olympia à Paris. Lorsqu’il l’entonne dans le plus pur dialecte bernois, ses 2500 fans français en scandent les paroles qu’ils connaissent eux aussi par cœur, ignorant probablement leur auteur, tragiquement décédé dans un accident de voiture en 1972. «Je crois que là-haut sur son nuage, Mani Matter a dû esquisser un sourire», suppose Stefan Eicher dans le documentaire que Friedrich Kappeler a consacré au chansonnier bernois. Parce que ses textes ne sont pas que locaux, mais aussi universels. MG
Mani Matter
Chansonnier bernois né en 1936. Bien que révélant très vite un talent de poète et de musicien, il travaillera toujours comme juriste. Parallèlement, il enchante un public averti guitare sur
le ventre. Peu avant sa mort tragique en 1972, il donne près de 100 concerts par an.
A voir
Berne
Le Gurten
Mani Matter a grandi au pied de cette colline qui accueille plusieurs événements culturels très courus en été. Un funiculaire permet d’accéder facilement au sommet, avec en prime la vue sur le majestueux triptyque des Alpes bernoises: Eiger, Mönch et Jungfrau.
www.gurtenpark.ch
Berne
Les bains de Marzili
En été, c’est le rendez-vous incontournable des Bernois, que ce soit à la pause de midi ou le soir après le travail. L’occasion d’aller piquer une tête dans l’Aar en sautant depuis la passerelle de Schönegg.
www.badi-info.ch
Berne
Le zoo
Les Bernois adorent les animaux et les chansons de Mani Matter en sont pleines. En dehors du parc des ours, qui a coûté 24 millions, ils chérissent le zoo qui jouxte la forêt du Dählhölzli.
www.tierpark-bern.ch
Sommaire:
Ce monde de Meret qui fascine les Bernois
Et si Lénine revenait à Zimmerwald?
Mani Matter, le penseur culte de Berne
La revanche de l’enfant maudit