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La face cachée de l’or noir

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Jeudi, 21 Août, 2014 - 05:51

Critique. A travers quelques exemples, les réseaux d’influence et de corruption gravitant autour du pétrole sont dévoilés par l’un des journalistes d’investigation les plus tenaces des Etats-Unis.

Il s’appelle Dan. Dan Gertler. Ce citoyen israélien est installé depuis 1997 à Kinshasa, République démocratique du Congo. Il est inconnu du public. Pourtant, dans la constellation des milieux d’affaires en Afrique, il joue un rôle central. Celui de lien entre son ami intime Joseph Kabila, président de la RDC depuis la mort de son père Laurent-Désiré en 2001, et le géant suisse Glencore. Si le numéro un mondial des matières premières a réussi son implantation au cœur de l’Afrique, c’est aux connexions exceptionnelles de l’Israélien qu’il la doit.

Le monde du pétrole en est plein de ces personnages troubles, entremetteurs, intermédiaires incontournables, traders, lobbyistes, universitaires, experts et autres facilitateurs qui ouvrent les portes, tissent les liens entre les compagnies qui exploitent et transportent le brut et les gouvernements, souvent dictatoriaux, chargés de veiller à la «défense» des intérêts de leurs populations. Un écosystème qui a créé ses propres règles, comme en témoigne un acteur suisse à l’auteur: «Vous êtes obligé de traiter avec des gouvernements et des ministres et vous devez rendre service à ces gens. Vous pouvez appeler cela de la corruption. Mais cela fait partie du système.»

Le fils du dictateur

C’est à la découverte de ce monde sans foi ni morale qu’est parti Ken Silverstein, l’un des journalistes d’investigation les plus reconnus aux Etats-Unis pour son expertise en matière de pétrole. Sept portraits caractérisent les acteurs types. On y trouve Teodorin Obiang, fils du dictateur de la Guinée équatoriale, un pays d’Afrique centrale si petit qu’il était méconnu de tous jusqu’à la découverte de très abondantes réserves d’or noir… dont l’exploitation a été attribuée essentiellement à des compagnies américaines. Teodorin Obiang a pu s’aménager pendant plusieurs années une vie d’excès en tout genre dans une villa de luxe des hauteurs de Hollywood, face à celle, non moins fastueuse, de l’actrice Farrah Fawcett.

«Il s’agit certainement de l’une de ces histoires familières où le gouvernement américain n’a aucune intention d’offenser un important partenaire pétrolier», regrette l’auteur, avant de citer le propos désabusé de l’avocat américain d’une victime de ce rejeton de dictateur: «Dans notre politique internationale, il y a beaucoup de léchage de cul (sic), particulièrement si on y trouve du pétrole.»

Faisons l’impasse sur Glencore et son partenariat en République démocratique du Congo avec le diamantaire israélien et grand ami du président Kabila, Dan Gertler. Ce n’est que l’une des relations de ce type entretenues par le géant de Baar, dans le canton de Zoug. Il n’est, finalement, que l’un des mastodontes du trading qui ont choisi de s’installer en Suisse, attirés par «la longue histoire du pays en tant que paradis financier qui offre des règles strictes en matière bancaire et de confidentialité et faibles en ce qui concerne les affaires».

Tony Blair, «la danseuse»

Et sautons au chapitre suivant pour découvrir le profil de Bretton Sciaroni, le meilleur gardien des intérêts pétroliers du Cambodge, un Etat très mal classé en matière de prévention de la corruption. Cet Américain a débarqué à Phnom Penh pour y effectuer une mission temporaire après s’être rendu un peu trop visible à Washington dans un scandale de l’ère Reagan… et s’est définitivement installé à la jointure entre le gouvernement Hun Sen et les majors. «Il est l’un des quelques étrangers arrivés pendant le chaos des années post-Khmers rouges, qui ont accumulé de l’influence et vivent bien grâce à leur dévouement au nouveau régime.» Il est aujourd’hui l’un des hommes les plus riches du pays.

La figure la plus éminente est néanmoins celle de Tony Blair. L’ancien premier ministre britannique (1997-2007) s’est reconverti, sitôt après la fin de son mandat, dans le conseil et les conférences publiques qu’il facture fort cher et lui permettent de s’offrir un train de vie plus que confortable. «Peu ont joué les danseuses avec autant de vigueur ou gagné autant d’argent» que lui, note tristement l’auteur. Or, qui sont les premiers clients de ce conseiller d’exception? «Les    des pays riches en ressources énergétiques et les compagnies pétrolières», poursuit Ken Silverstein.

A travers ces exemples, ce dernier cherche à démontrer que les systèmes d’influence des grands intérêts pétroliers ne se sont pas démontés avec le renforcement de la lutte contre la corruption entamée par les grands pays, à commencer par le gouvernement américain. Ils se sont simplement adaptés, en faisant savoir leurs intérêts tout en brouillant les pistes. Les cas Gertler, Obiang, Sciaroni et Blair ne sont que les représentants d’un univers beaucoup plus vaste. Et inquiétant.

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