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L’enseignement précoce du français tourne au psychodrame en Thurgovie

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Jeudi, 21 Août, 2014 - 05:54

Décodage. Après la suppression du français par le législatif thurgovien, Nicoletta Mariolini, déléguée fédérale au plurilinguisme, s’exprime sur l’apprentissage des langues en primaire. Une première.

Ce que craignait L’Hebdo lors de son enquête sur la guerre des langues en mai dernier se confirme. Mercredi 13 août, le Grand Conseil thurgovien a approuvé une motion exigeant la suppression du français à l’école primaire. «C’est un signal d’alarme», réagit la déléguée fédérale au plurilinguisme, Nicoletta Mariolini, qui s’exprime pour la première fois sur ce sujet.

Nommée voici un an, la Tessinoise doit désormais veiller au respect de la loi sur les langues, notamment au sein de l’administration fédérale. «Je respecte tout à fait la souveraineté des cantons en matière d’instruction publique», précise d’emblée Nicoletta Mariolini. Mais, même en tant qu’observatrice, elle ne peut rester indifférente à ce débat: «L’enseignement des langues nationales à l’école est la clef de voûte d’un plurilinguisme fort et effectif», note-t-elle.

Un débat émotionnel

En Suisse alémanique, le débat prend une forte tournure émotionnelle. A l’origine du malaise, l’accouchement dans la douleur du Lehrplan 21, le plan d’harmonisation scolaire et l’introduction de deux langues «étrangères» en primaire – issue d’un compromis bâti en 2004. Sans que la moindre étude scientifique vienne étayer cette thèse, plusieurs sociétés cantonales d’enseignants ont décrété que leurs élèves étaient «dépassés» par des objectifs trop ambitieux.

Le malaise, exploité en premier lieu par l’UDC, traverse tous les partis. «Alors que l’enseignement précoce de l’anglais dès la troisième année porte ses fruits, ce n’est pas le cas pour le français, où les élèves ne sont pas motivés et ne font quasiment pas de progrès», déplore le député socialiste Peter Gubser dans l’hebdomadaire Ostschweiz am Sonntag.

Des propos pas vraiment rassurants pour Nicoletta Mariolini: «Le plurilinguisme, qui ne saurait se résumer à l’anglais, est un atout majeur dans la carrière professionnelle», souligne-t-elle. Elle espère désormais que les cantons, au sein de la Conférence suisse des directeurs cantonaux de l’instruction publique (CDIP), parviendront à un compromis satisfaisant, respectant à la fois l’harmonisation des programmes, les objectifs pédagogiques et la cohésion nationale. Car l’enjeu dépasse la question linguistique, il est culturel. «Apprendre des langues, c’est aussi se plonger dans la culture des autres pour mieux les comprendre et mieux être compris par eux.»

En Suisse latine, on s’inquiète de l’éventuelle relégation du français à l’échelon du secondaire. «La Suisse romande s’est ouverte à la deuxième langue nationale en primaire alors que la Suisse alémanique tire le frein à main», déplore Jacques-André Maire (PS/NE). Ce conseiller national, vice-président d’Helvetia Latina et spécialiste des questions pédagogiques, dénonce le climat «antilatin» qu’il ressent dans certains milieux outre-Sarine, certains politiciens se moquant bien d’être incapables de communiquer en français. «Si la CDIP ne parvient pas à faire respecter sa décision de 2004, nous devrons réagir au niveau national. Soit en révisant la loi sur les langues, soit en actionnant l’article de la Constitution sur l’harmonisation des études», déclare Jacques-André Maire, qui ajoute: «Et si on ne veut plus qu’une seule langue en primaire, alors tranchons en faveur d’une langue nationale plutôt que de l’anglais au nom de la volonté d’être un pays, fier de sa diversité culturelle.»

Une demande pléthorique

Quel contraste! Outre-Sarine, de plus en plus nombreux sont ceux qui, à l’instar de Peter Gubser, estiment que «cela ne serait pas un grand malheur si les Suisses devaient communiquer entre eux en anglais à l’avenir». Dans le canton de Neuchâtel, pour ne citer qu’un exemple, 540 enfants fréquentent une école bilingue, certaines branches comme les maths ou la gym étant enseignées en allemand. «Et l’école ne parvient pas à suivre la demande des parents, notamment», raconte Jacques-André Maire. Décidément, les Confédérés modèles ne sont pas ceux qui pensent l’être.

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