Eclairage. Le Parlement doit décider d’une hausse durable des subventions pour le Musée suisse de l’habitat rural. Mais sa directrice a dû quitter son poste. Autogoal?
Cela ne pouvait pas tomber plus mal. Un mois avant que la commission du Conseil national décide si oui ou non le musée en plein air bénéficiera de subventions fédérales plus élevées et durables, l’institution du cœur de l’Oberland bernois s’est donnée en spectacle. Un spectacle amateur.
Il y a un an encore, une brise vivifiante soufflait sur les 66 hectares du musée composé de cent fermes, étables et chalets d’alpage meublés du XIVe au XIXe siècle. Sa directrice depuis 2012, Katrin Rieder, historienne urbaine, rayonnait d’un enthousiasme qu’elle partageait avec le président du conseil de fondation Yves Christen, l’ex-conseiller national radical vaudois. Leur vision: établir l’institution comme un centre de recherches sur l’habitat des campagnes, tirer d’hier des enseignements pour la vie d’aujourd’hui, sur les économies d’énergie, par exemple; et raconter la vie frugale d’antan.
Patriciens contre historienne
Pour permettre cette modernisation comme pour entretenir maisons et collections, il fallait 90 millions sur dix ans. A trouver auprès de la Confédération, des cantons et de sponsors privés. Une stratégie sous le bras, le duo monta à Berne et argumenta tant et si bien que le Conseil des Etats accepta en juin une motion du Bernois Werner Luginbühl, PBD, qui charge le Conseil fédéral «de prévoir, dans le Message culture 2016-2019, un montant sensiblement plus élevé» pour Ballenberg. Quelle surprise quand, fin juillet, la foudre tombe sur Katrin Rieder. Le comité de fondation du Ballenberg ne veut plus d’elle. On convient d’un accord. Et de ne rien commenter.
Seulement voilà, la presse bernoise se déchaîne: ce serait les patriciens contre l’historienne critique, l’UDC contre la gauche, les hommes contre la femme, l’idylle contre la réalité. Et 26 historiens protestent dans une lettre ouverte. Yves Christen, embêté, bat sa coulpe: «Nous n’avons pas bien communiqué. Et nous n’aurions pas dû avancer le chiffre de 90 millions sans préciser les sources de financement que nous envisagions.» Cela n’a pas plu dans l’Oberland bernois, qui s’enorgueillit de ce musée autofinancé à 90%. D’autant moins que, pour justifier le besoin d’argent, Katrin Rieder et Yves Christen ont évoqué le manque d’investissements effectués par le passé. Ce qui a provoqué l’ire des anciens dirigeants de l’institution. Enfin, l’historienne n’aurait pas réussi à s’intégrer dans une région où tout le monde se connaît, elle serait allée trop vite, trop brusquement.
Face à ce divorce fort médiatisé, le Parlement risque de refuser toute hausse de subvention. Ce 28 août, Yves Christen, invité devant la Commission de la science, de l’éducation et de la culture, doit se montrer convaincant. Préciser les besoins financiers, notamment ceux qui incomberaient à la Confédération. On parle de 2 à 3 millions par an. Le président de la commission Matthias Aebischer l’appuiera peut-être, maintenant qu’il s’est calmé. Le socialiste bernois, membre du conseil de fondation, un grand machin sans compétence qui rassemble 70 personnes de toutes provenances et couleurs politiques, de Toni Brunner à Josiane Aubert, a commencé par se mettre en colère quand un journaliste lui a demandé pourquoi il avait chassé Katrin Rieder. «Je ne savais rien. J’ai voulu quitter la fondation.»
Ciment fédéral
Quelques coups de téléphone plus tard, notamment à l’historienne, il change d’avis. Parce que même Katrin Rieder continue de penser que le musée mérite un soutien plus important des pouvoirs publics. Lui qui se contente de 500 000 francs de la Confédération depuis deux ans, et d’une somme à peine plus élevée du canton de Berne.
Sur le fond, la cause Ballenberg reste défendable. Parce que, avec ses 250 000 visiteurs par an alors qu’il n’est ouvert que sept mois, le musée compte parmi les rares institutions culturelles extrêmement populaires. Il n’y a guère que le Musée des transports à Lucerne et le château de Chillon, ouverts toute l’année, à attirer davantage de monde.
«Quand l’exposition sur les enfants placés sort des musées d’histoire pour monter au Ballenberg, comme cette saison, des milliers de gens la voient, toutes couches sociales et tous âges confondus», dit Matthias Aebischer. Si ce n’est pas du ciment fédéral, cela y ressemble. Le Ballenberg a sa place dans le Message culture. D’ailleurs, avant son ouverture en 1978, on parla de créer une filiale du Musée national pour ce projet soutenu alors par le conseiller fédéral Tschudi. Encore une idée d’hier digne de nourrir le débat d’aujourd’hui.