Zoom. Se pointer à la télé avec une lanière en tricot, ce n’est pas sérieux pour un premier ministre. Pourtant l’analyse des tendances chic prouve le contraire.
«L’homme moderne ne possède qu’un accessoire qui lui permette de révéler sa propre vision du monde, de signaler sa propre présence: la cravate.» Mardi 26 août à 20 heures, le premier ministre de la France fait l’ouverture du TJ de France 2, tout sec, tendu, colère à peine contenue, pour justifier le dynamitage de son gouvernement. Il les a fait sauter, il vient s’expliquer devant les Français, lui, la caution dure de François Hollande.
Comme dans cette citation signée d’Alberto Moravia, l’auteur du Mépris, ce soir-là Manuel Valls porte une cravate qui, mieux que «révéler sa présence», lui vole l’écoute et brouille son message. Un ratage?
Une cravate en tricot, nouée de guingois, quand on joue les hommes à poigne, les mâchoires grinçantes, quand on vient valider un «coup», un serrage à droite, cela ne fait pas sérieux. La cravate dit le rang, le pouvoir, l’autorité de celui qui la porte. On raille, peut-être, les Berluti et les Rolex, mais le message est clair. Il sera donc clarifié par l’élégance de pur banquier privé de son nouveau ministre de l’Economie.
Alors, Manuel Carlos Valls Galfetti, réputé mal fringué, a-t-il voulu envoyer un message subliminal au PS, aux RMIstes, aux 6 millions de chômeurs? «Je ne vous trahis pas, regardez, ma cravate reste de gauche.»
De gauche oui, mais de gauche ultracaviar. Mal portée à la télé, sur un vêtement trop brillant, trop serré, la cravate en tricot de soie se révèle être un appendice du grand chic, de l’élite. Une coquetterie d’hommes soignés, friqués, mais qui veulent s’afficher décontractés. La cravate de papy, du métallo du dimanche, a percé dans la mode récente, de Hermès à Paul Smith. Le Musée national suisse, à Zurich*, lui consacre d’ailleurs une expo dès le 19 septembre: La cravate – Hommes, mode, pouvoir. Finalement, Valls avait tout juste. Caramba!