Portrait. Personnalité chaleureuse et conviviale, le PLR Laurent Favre devra apprendre à déplaire. S’il est élu au gouvernement neuchâtelois, il n’évitera pas les décisions difficiles qu’exige le fragile état de santé du canton.
Il n’a plus que deux mots à la bouche, Laurent Favre, le candidat PLR au Conseil d’Etat neuchâtelois: «rassembler» et «bâtir». Dans un canton qui cautérise ses plaies dues aux trop nombreuses affaires, cet ingénieur agronome sonne l’heure de l’union sacrée au-delà des clivages partisans et régionaux. Il joue sur du velours face à une UDC déchirée autant que décimée après le burn-out d’Yvan Perrin. Mais, au soir du 28 septembre, il devra risquer ce qu’il craint par-dessus tout: l’impopularité.
Cet homme n’a pas besoin de carte de visite, il a la poignée de main franche des gens de la terre et le sourire conquérant de ceux qui savent où ils vont. Le Château de Neuchâtel lui tend les bras. Pour ce fils d’agriculteur qui n’a que 42 ans, ce serait la consécration d’une carrière forgée en toute discrétion. Sous la Coupole fédérale, Laurent Favre n’a pas la verve oratoire d’un Jean Cavadini, ni les coups de gueule d’un Claude Frey, ni même l’aura médiatique d’un Fernand Cuche, mais ceux qui le relèguent au rang de second couteau se trompent aussi. Il s’est fendu de 56 interventions dans la Chambre basse, le plus souvent avec succès. Il s’est battu comme un lion pour défendre les intérêts de l’industrie du tabac de son canton et pour la sortie du nucléaire en misant sur les énergies renouvelables.
«Ce n’est pas un doctrinaire, mais quelqu’un qui cherche d’emblée les solutions concrètes. Dommage qu’il n’y ait pas davantage de PLR comme lui en Suisse alémanique», note le conseiller national Jacques-André Maire. Pour sa part, le président de la Chambre d’agriculture, Marc Frutschi, relève ses qualités de leader: «C’est un chef efficace, sans être directif. Un gros bosseur, toujours accessible.»
Ces qualités, Laurent Favre dit les avoir intégrées très jeune sur le domaine familial. «J’ai très vite appris le sens des responsabilités et de l’engagement. J’ai été éduqué par le travail. Nous ne sommes jamais partis en vacances en famille, mais j’ai eu une enfance heureuse, porteuse de valeurs saines.»
Reste à savoir si celui qui se pose sans cesse en rassembleur saura aussi prendre les nombreuses décisions impopulaires qu’exige l’état de santé fragile du canton. «Il a de la peine à décider et reste toujours très prudent, ne voulant rien dire ni rien faire de faux», regrette le député UDC Walter Willener.
Des défis d’ampleur
«Ces critiques tiennent du mythe», rétorque un Laurent Favre un brin agacé. Son action l’atteste. Il a réformé la Chambre d’agriculture et développé ses mandats de prestations. «Et, quand il l’a fallu, j’ai toujours soutenu les paysans. Quand les prix de la viande ont chuté à la suite de la crise de la vache folle, je n’ai pas hésité à stopper sur place la tenue du marché de bétail, un boycott qui était un signal important pour les grands distributeurs.» Même bilan à la tête de la Fédération suisse des vignerons, qui était au bord de l’implosion lorsqu’il en a repris la présidence en 2009. «Il a mis sur pied de nouvelles structures vitivinicoles en Suisse qui aujourd’hui fonctionnent», atteste Thierry Valls, vice-président de l’interprofession de la vigne et des vins suisses.
Au gouvernement, les défis qui l’attendent sont d’une autre ampleur. Ce canton crée certes beaucoup d’emplois (7000 en sept ans), mais sans parvenir à réduire son taux de chômage (5,1%) ni son taux d’ass istance sociale. «Il faut serrer la vis pour éviter le tourisme social, mais sans agir à l’aveugle, soit en prenant des mesures de réinsertion professionnelle», souligne Laurent Favre, qui devra aussi s’atteler à relancer le projet de RER après l’échec du TransRUN. Ici, il se dit favorable, pour le moins, à la variante du grand contournement de Chambrelien qui mettrait La Chaux-de-Fonds à vingt minutes de Neuchâtel. «Il faudra surtout négocier fermement à Berne pour que notre participation financière soit acceptable pour la population.» Un objectif ambitieux, mais impératif. «Je suis persuadé que c’est aussi en améliorant les infrastructures qu’on renforcera l’identité cantonale.»