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L’enfer de Gaza revu depuis les Alpes

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Jeudi, 18 Septembre, 2014 - 05:52

Reportage. Juifs ou Arabes, hébréophones ou arabophones, tout les sépare. Réunis en Suisse le temps d’un trek, ils se découvrent pourtant des affinités.

Jeudi 4 septembre 2014. Cirque de Salanfe, au pied de la Haute Cime des Dents-du-Midi. Dix-sept heures sonnent. Les uns après les autres, des jeunes arrivent. Cinq filles, six garçons. Tous dotés du passeport israélien. Tous étudiants à l’Université de Haïfa. Un élément les distingue pourtant: certains sont Juifs et d’autres Arabes. Ils se sont rencontrés pour la première fois lors des journées de préparation qui ont précédé leur départ d’Israël et sont arrivés en Suisse il y a une semaine. Pour marcher, camper et, surtout, confronter leurs deux cultures. Une expérience portée par le centre Beit Hagefen à Haïfa, pôle de rencontres entre Juifs et Arabes. Mais aussi par l’association suisse Coexistences, qui se compose de membres de toutes confessions et soutient les Palestiniens et les Israéliens, juifs et arabes, ouverts au dialogue.

Un parcours solidaire

«Le projet Breaking the Ice a vu le jour en 2010, raconte Asaf Ron, cet homme juif directeur de Beit Hagefen. Il réunit chaque année un groupe de jeunes Israéliens juifs et arabes pour une randonnée d’une dizaine de jours.» L’objectif? Tisser des liens entre les participants, notamment par le biais de cette solidarité, incontournable en haute montagne, qui se crée au fil des jours. «L’accent est d’abord porté sur l’effort physique, précise Ulfat Haider, cette femme arabe membre de Beit Hagefen et porteuse de l’aventure depuis ses débuts. Puis ils découvrent qu’ils peuvent dépendre les uns des autres, s’entraider, partager leur équipement, leurs tentes; simplement vivre ensemble.»

Le défi est d’autant plus délicat en cet été 2014, bouleversé par les atrocités et la guerre survenues une nouvelle fois à Gaza. Jusqu’à la dernière minute, l’arrivée du groupe est restée en suspens. Rami a été mobilisé par l’armée israélienne. Longs cheveux et yeux rieurs, le jeune homme ne laisse pourtant rien transparaître. Il ne dira mot de ce qu’il a vu et vécu durant les semaines qui ont précédé son séjour en Suisse. Assise à ses côtés, Mayaan s’avoue plus fragile. C’est pour elle que l’expérience a été la plus intense. A 25 ans, cette étudiante juive, originaire d’une famille pro-israélienne très à droite, n’avait encore jamais partagé du temps avec des Arabes. «C’est la première fois que je réalise que ma liberté dépend de la souffrance d’autres personnes», souffle-t-elle les yeux humides.

Un avenir partagé

Leurs réalités se confrontent. Jamais ils ne partageront le même avis politique. Le ton hausse lorsque au milieu du repas la conversation dévie sur Tsahal (armée israélienne), le Hamas et la situation actuelle. Mais les sourires reviennent toujours. «Nous sommes là pour travailler sur ces malentendus, pour nous mettre à la place les uns des autres. Nous voulons prioriser l’être humain, séparer la vie de la politique et être amis même si nos opinions divergent», conclut Rim, étudiante arabe de 23 ans. Reste qu’une telle discussion ne s’arrête pas si facilement. Noam, étudiant juif en géographie et en histoire, pense que Tsahal est l’armée la plus humanitaire du monde. Raif, étudiant arabe en science politique, lui répond qu’il est surréaliste de considérer comme telle une armée capable de tuer 600 enfants. Les deux jeunes hommes «vivent» le conflit. Engagés politiquement, ils peinent à faire la part des choses de la même manière que leurs camarades. Cela ne les a finalement pas empêchés de partager leur tente. Et de plaisanter à l’heure du dessert: «Et si dorénavant l’armée israélienne bombardait Gaza de chocolat?»

La soirée touche à sa fin. Dans cinq jours, la petite troupe s’envolera. Les uns retrouveront leur pays, les autres leur maison. Se reverront-ils une fois de retour dans leur quotidien? Pour toute réponse, Mayaan sort la lettre qu’elle a écrite à Raif. Trois pages d’une touchante honnêteté. «Un homme. Une femme. Un Arabe à la peau mate. Une Juive à la peau claire. On nous a inculqué deux vérités diamétralement opposées. Mais j’aimerais ne plus avoir à choisir de côté. Promettons-nous simplement de ne jamais oublier ces moments partagés.»

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