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La colocation Alzheimer, une première en Suisse

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Jeudi, 25 Septembre, 2014 - 05:52

Reportage. Chaque année en Suisse, quelque 27 000 nouvelles personnes sont atteintes de démence. Qu’ils soient autonomes ou pas, la cohabitation offre une solution adaptée aux aînés concernés. Visite à Orbe, où l’on mène un projet pilote nommé Topaze.

Mme Dumont* est rayonnante, ce mardi après-midi d’août. Légère, souriante, elle nous salue puis file s’installer sur la terrasse. Cette insouciance, elle la doit sans doute à son nouveau logis. Un lieu de vie installé sur les rives de l’Orbe, au pied de la ville du même nom. A droite, un immeuble de locataires. A gauche, des propriétaires. Et, au sommet du bâtiment central, deux appartements spécialement conçus pour accueillir six personnes âgées atteintes de la maladie d’Alzheimer. Un projet pilote qui porte le nom de colocation Topaze. Ouvert en avril dernier, il vient compléter l’offre de cohabitation pour les aînés, notamment les appartements Domino, cette colocation qui, depuis 1998, abrite à Sierre des personnes âgées sans trouble cognitif majeur.

Dans le cas de Topaze comme dans celui des Domino, l’objectif reste le même: prolonger l’autonomie des anciens tout en préservant leur bien-être et leur sécurité. Au chemin des Rigoles 14B, à Orbe, les troisième et quatrième étages ont ainsi été conçus de manière adaptée aux aînés. Aucun seuil entre les pièces, un frigo et un four à hauteur de taille et une rambarde vitrée sur le balcon. Chaque colocataire dispose de sa chambre, meublée à sa guise. Salon et cuisine se partagent. De même que les tâches quotidiennes, réalisées avec l’aide d’accompagnants externes.

Une nouvelle option

«Ce lieu n’entre pas en concurrence avec les offres déjà existantes, mais il représente un palier supplémentaire qui peut s’insérer entre la vie à domicile et l’entrée en établissement médico-social (EMS)», précise André Allmendinger, directeur de la Fondation Saphir. «Il nous importe que les colocataires disposent d’un mode de vie le plus autonome et normal possible, qu’ils se sentent chez eux.» Inspiré de structures existantes dans les pays scandinaves et en Allemagne, ce domicile est ainsi celui de personnes âgées atteintes de démence, trop vulnérables pour gérer leur quotidien seules. Un concept inédit en Suisse, né d’une collaboration étroite entre l’Association Alzheimer Suisse, instigatrice de l’idée, Patrice Lévy, chef du projet et directeur de la société Apress et, enfin, la Fondation Saphir, porteuse de l’expérience.

Une palette de points positifs

«La Fondation Saphir est très active dans le domaine de la psychogériatrie. Elle dispose des structures adéquates et d’une expérience importante. En cas de besoin, elle peut assurer le suivi clinique, mobiliser les acteurs nécessaires ou encore proposer à sa clientèle d’autres lieux de vie plus adaptés, explique Patrice Lévy. C’est un travail de réseau, tout se gère et se décide en équipe.» Un mode de fonctionnement collectif qui marque d’ailleurs l’un des principaux avantages de cette nouvelle pratique. Autre qualité de cet espace de cohabitation, il permet de réduire l’isolement social et relationnel de chacun des colocataires. Et ils ne sont pas les seuls à bénéficier de ce système. La famille, «qui endure une grande partie de la souffrance du parent atteint de démence, ressent un réel soulagement à l’idée que son proche puisse habiter dans un lieu comme celui-ci et éviter une entrée trop précoce en EMS», estime André Allmendinger.

Au-delà du cercle familial, les colocataires bénéficient de la présence permanente d’une petite équipe, nettement inférieure en nombre à la dotation d’un EMS. On compte ainsi deux accompagnants pour six habitants au sein de la colocation Topaze, contre un plein temps par résident en EMS. Quant aux soins, ils sont assurés par le centre médicosocial. «Les personnes qui travaillent ici ne sont pas des soignants. C’est un choix justifié par notre envie d’offrir un cadre de vie «comme à la maison», souligne Annelise Givel, responsable de la structure à Orbe. Les accompagnants travaillent donc en binôme et en relais, de 7 à 22 heures. La nuit, une veille dormante est assurée par un responsable. «Mais également par un système de sécurité domotique qui se veut le moins intrusif possible, complète Patrice Lévy. Lorsqu’une personne quitte son lit, un détecteur de mouvements s’enclenche. Si, au bout de quinze minutes il ne perçoit plus aucune activité dans l’appartement, une alarme réveille le veilleur.» Des solutions efficaces qui ne font pourtant pas exploser les tarifs.

Entre les aides étatiques et les frais pris en charge par le porteur de projet, la colocation garde un net avantage sur la pension en EMS. Ainsi, au 14B, chemin des Rigoles à Orbe, le séjour mensuel d’une personne revient à 6000 francs, contre 9000 en EMS. «Nous voulons être ouverts à tous, quelle que soit la capacité financière de chacun», confirme Patrice Lévy.

Un Pari réussi

«Nous sommes aussi là pour pallier les angoisses et apporter une présence rassurante et aidante», note Annelise Givel. Courses, balades, cuisine. Les activités se font au maximum en commun. «Nous aimerions également organiser trois après-midi par semaine avec des bénévoles, qui pourraient apporter d’autres activités», ajoute Klara Fantys, membre du comité de direction de la Fondation Saphir. Reste que la cohabitation n’est pas toujours aisée. «En ce moment, elles sont quatre femmes à partager les lieux», poursuit Annelise Givel. Les tensions peuvent être de mise et, «comme les colocataires se contiennent énormément, le risque existe qu’elles décompensent». Mais pour l’heure rien à signaler. Au contraire, la difficulté principale réside dans le fait de convaincre une personne allant mieux de rester en colocation, l’amélioration de son état étant justement dû à cet environnement. Le bilan intermédiaire de ce projet est donc positif. Tant mieux. Car l’évolution démographique de la Suisse le confirme: la démence sera le défi principal de notre société de demain. D’ici à 2050, le pays pourrait ainsi compter plus de 300 000 personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer ou de pathologies apparentées. Aujourd’hui, on estime qu’elles sont 113 000, dont quelque 20 000 vivent seules. Des chiffres inquiétants qui pourraient toutefois être revus à la baisse si la création future de structures similaires au projet Topaze est acceptée.

«Une deuxième colocation devrait ouvrir ses portes en janvier 2015 à Sierre», annonce Patrice Lévy. Voisine des appartements Domino, elle sera gérée par le Centre médicosocial de Sierre. «La clientèle est la même qu’à Orbe et la stratégie est commune. Mais les conditions-cadres dépendent de chaque canton», nuance Patrice Lévy. Qu’elle soit vaudoise ou valaisanne, la colocation Alzheimer devrait parfaitement s’inscrire dans le programme politique de santé sociale des cantons. Et pourrait être en passe de devenir l’un des modèles types du logement pour personnes âgées souffrant de démence. Ce d’autant que la colocation leur offre un chez-soi et la possibilité d’y rester le plus longtemps possible. Ce qui bouleverserait les statistiques. Dans le canton de Vaud, une personne reste en moyenne deux ans en EMS avant de mourir. Cette moyenne pourrait diminuer avec l’émergence des structures de cohabitation.

Seize heures sonnent: confortablement installées sur le canapé rouge du salon, les colocataires savourent leur goûter. Et, l’air de rien, semblent se réjouir de nous voir partir pour enfin retrouver le calme de leur logis.
* Nom d’emprunt
www.alz.ch


Un projet emblématique

Le temps des établissements médicosociaux ordinaires est révolu. Place aux structures de demain. Des espaces qui, à l’image de la future construction Bellevue, à Yverdon, réunissent générations et prestations diverses.

Centre d’accueil temporaire, soins à domicile ou, plus récemment, colocation pour les aînés atteints de la maladie d’Alzheimer ou d’autres formes de démence. Le canton de Vaud est particulièrement actif dans le maintien des personnes âgées à domicile. Acteur central dans la région du Nord vaudois, la Fondation Saphir se montre également très entreprenante en la matière. Elle travaille en ce moment sur un nouveau concept, emblématique de cette politique de santé sociale: le projet Bellevue. Une construction gigantesque qui réunira sur son site, à Yverdon-les-Bains, une palette d’hébergements allant du centre d’accueil temporaire pour les personnes âgées à un établissement médicosocial, en passant par une colocation alzheimer ou encore des logements pour étudiants, afin de favoriser les liens intergénérationnels, mais aussi de dédramatiser le vieillissement et ses aléas.

«Ce sont les fondations du futur, relève André Allmendinger, directeur de la Fondation Saphir. Nous souhaitons tout réunir afin de créer un pôle de prestations et d’obtenir une synergie des compétences. Pour les personnes âgées, cela nous permettra notamment de faciliter les transferts et de les accompagner au fil du temps.» Prévu en partie pour le mois de juillet 2015, ce projet s’inscrit dans une dynamique nouvelle, qui vise tant le social que le médicosocial.

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