Zoom. Aujourd’hui, en ville, tous les jeunes ou presque ont leur balluchon, ce sac de gym de notre enfance, devenu accessoire de mode. Si sa renaissance s’est faite dans les boutiques de Tokyo, comme «shopping bag», il devrait bientôt être décliné en versions haut de gamme.
Léna Würgler
Depuis quelques mois, Ivan Bolbas passe beaucoup de temps à flâner dans les friperies, les marchés aux puces, les tapissiers ou les cordonneries. Il est à la recherche de tissus particulièrement originaux pour réaliser ses propres balluchons. Le jeune homme de 23 ans lancera bientôt sa propre marque: Armor. «Je veux faire primer la qualité. Mes sacs ne sont pas conçus comme des produits de consommation mais sont faits pour durer.» Car le temps où seuls les enfants portaient des balluchons simples et fragiles, composés d’une mince toile en nylon et de fines cordelettes, est révolu; l’accessoire est devenu un véritable objet de mode. «En Suisse, un pic a été atteint ce printemps, estime Jeff Gaudinet, designer indépendant et intervenant à la Haute école d’art et de design de Genève (HEAD). Le balluchon n’a jamais été aussi visible que depuis lors.»
Ceux d’Ivan Bolbas sont en coton, doublés, et contiennent une pochette intérieure. Comme lui, beaucoup de marques, créateurs ou collectifs tentent aujourd’hui de se démarquer en proposant des balluchons sans cesse plus travaillés, dans des matériaux, des couleurs et des motifs de plus en plus variés. De Thanks Skateboard à 22DSGN, en passant par Balthazar Chapon et thSTNDRT (The Standart), la plupart sont basés à Genève. «Nous avions envie de créer un accessoire spécifique pour nos clients, à savoir des jeunes qui se déplacent
à vélo ou à skate ou qui vont à la plage», précise Miguel Santiago, fondateur de thSTNDRT.
De la rue au haut de gamme
Moins encombrant qu’un sac à dos, plus spacieux que des poches de vêtement et plus pratique qu’un sac à main, le balluchon est apprécié autant des hommes que des femmes. «Il n’existait pas vraiment de sacs à main pour homme avant», s’enthousiasme Ivan Bolbas, tombé sous le charme du concept durant l’Electron de Genève, en avril 2013. A cette occasion, des balluchons en coton recyclé, griffés thSTNDRT, étaient vendus 10 francs à l’entrée du festival. «Nous avons vendu plus de 400 pièces, raconte Miguel Santiago. Ensuite, pendant trois mois, nos sacs n’étaient plus accessibles nulle part, mais nous continuions à voir des gens en porter dans la rue.» Le tout jeune collectif, fondé fin 2012, réalise alors qu’il détient un bon filon et fait du balluchon la pièce maîtresse de sa collection.
C’est un phénomène semblable, mais à plus grande échelle, qui explique la renaissance du balluchon au niveau mondial. «Cette mode est apparue lorsque, à Tokyo, les boutiques les ont utilisés comme des shopping bags un peu plus élaborés que les traditionnels sacs plastique», retrace Jeff Gaudinet. Apple fera de même dans ses Apple Stores. Profitant d’une grande surface unie pour apposer leur logo, les marques y trouvent un excellent outil marketing. Petit à petit, surtout depuis deux à trois ans, les gens se réapproprient ces shopping bags améliorés pour leur propre usage. «Le balluchon suit le cycle classique de la mode, commente Jeff Gaudinet. D’une utilisation d’abord fonctionnelle et peu réfléchie dans la rue, il est ensuite développé et décliné par quelques marques.»
Si, pour l’instant, la plupart d’entre elles s’adressent aux jeunes, le public cible devrait s’élargir dans les années à venir. Le designer genevois envisage des versions haut de gamme, ultratechniques pour le sport et, surtout, dans des versions homme et femme, car «la tendance n’est pas androgyne, au niveau des silhouettes». L’accessoire devrait donc abandonner son caractère unisexe, lequel a pourtant joué un rôle essentiel dans son succès. Dans tous les cas, pour le monde de la mode, le succès du balluchon est extrêmement intéressant. «C’est un produit peu réfléchi, sans grande ambition mais extrêmement efficace, décrit Jeff Gaudinet. J’ai tendance à croire que cela deviendra un classique.» Pour l’instant, en tout cas, il s’est trouvé une place de choix sur le dos des jeunes et ne semble pas près de les quitter.