Zoom. A quelques semaines d’élections cruciales en Tunisie, le partenariat économique avec la Suisse porte ses premiers fruits.
Mehdi Whala, 27 ans, est ingénieur en génie civil. Il fait partie des quelque 53 000 jeunes chômeurs tunisiens détenteurs d’un diplôme de l’enseignement supérieur, dans un pays où le taux de sans-emplois atteint globalement 15,7%. En Tunisie, paradoxalement, plus vous êtes diplômé, plus vous prenez le risque d’être sans travail. Mais Mehdi cultive la confiance. Il ne désespère pas de se faire un jour embaucher, par exemple dans le secteur du câblage, chez un sous-traitant d’Airbus Group ou l’allemand Leoni. Pour se donner les meilleures chances, il vient d’accomplir une formation de dix jours sur l’efficacité énergétique et les énergies renouvelables. Le Secrétariat d’Etat à l’économie (SECO) finance cette initiative, notamment mise en œuvre par Sofies, entreprise genevoise de conseil en durabilité, et le Centre international des technologies de l’environnement de Tunis (CITET). Quelque 350 ingénieurs bénéficient de cette formation professionnelle complémentaire.
«Notre objectif est de soutenir le processus de transition démocratique en cours depuis la chute de l’ex-président Ben Ali en janvier 2011», relève Rita Adam, nouvel ambassadeur de Suisse en Tunisie depuis début septembre 2014. A quelques semaines des élections législatives (26 octobre) et présidentielles (23 novembre), dans un environnement international très tendu par le terrorisme islamique, le soutien de la Suisse à la Tunisie prend une dimension particulière.
Intérêts réciproques
Plus de 70% des 25 millions de francs alloués chaque année par Berne concernent le développement économique et la création d’emplois dans le pays. Qui plus est, souligne Rita Adam, la moitié de ces fonds sont destinés aux régions les plus défavorisées. «La Suisse souhaite être proche des plus démunis.» Une transition économique réussie contribuera à renforcer la stabilité des institutions tunisiennes, ce qui sert aussi naturellement les intérêts de la Suisse. «Pensons notamment aux domaines sécuritaire et migratoire de la région.» Gagnant-gagnant.
Entamé il y a quatre ans sous l’égide de l’Organisation des Nations Unies pour le développement industriel (ONUDI), le Projet de production propre tunisien qui se poursuit sous cette forme jusqu’au début de 2015 constitue l’une des réalisations les plus avancées (lire L’Hebdo du 14 juin 2012, page 32). Pas d’économie prospère sans écologie maîtrisée (et vice versa), cela pourrait être le slogan de la soixantaine d’entreprises suivies de près sur le terrain par Sofies, que dirige Laurent Cuénoud, et le CITET.
Ainsi, la société VACPA, à Béni Khalled, qui conditionne et exporte des dattes, a réalisé qu’elle pouvait économiser 74 000 euros par an en installant des rideaux et des portes supplémentaires, un économiseur pour la chaudière, un système photovoltaïque et solaire thermique et en valorisant ses déchets. Dans l’hôtellerie, l’hôtel Mövenpick, à Sousse, épargne quant à lui 75 000 euros par an après avoir mis en place un système de suivi des consommations, amélioré le fonctionnement de la climatisation, mis en place un ozoneur dans la piscine et mieux géré les déchets. La valorisation de ces derniers demeure l’un des grands atouts de l’écologie industrielle pratiquée en Tunisie. A l’exemple de la briqueterie de Bir M’cherga dont les déchets constituent la matière première de la société Les ciments de Djebel Oust.
Guide financier
Ces programmes ne pourront perdurer que si les industriels tunisiens restent convaincus de leur intérêt économique à long terme. Pas de profit, plus de motivation. Et, comme l’argent reste le nerf de la guerre (pacifique, celle-là!), Sofies a aussi élaboré un guide destiné à aider les toutes jeunes entreprises à trouver des crédits pour le financement de la production propre en Tunisie, dans la tranche la plus délicate: de 50 000 à 1 million d’euros. Un travail pédagogique réalisé en collaboration avec des experts de la Banque mondiale. Par la formation et de telles initiatives économiques et écologiques, la Tunisie entre bel et bien dans le XXIe siècle.