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L’insouciance ne défilera plus

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Jeudi, 2 Octobre, 2014 - 05:58

Zoom. Avec les adieux de Jean Paul Gaultier au prêt-à-porter et le jeu des chaises musicales des jeunes designers, les impératifs de rentabilité ont rythmé la Fashion Week de Paris.

Séverine Saas Paris

Même sous amphétamines, aucun acheteur ou journaliste de mode n’aurait pu avaler les 97 défilés de la Fashion Week de Paris, qui s’est terminée le 1er octobre. Mais le 27 septembre au soir, il fallait être au cinéma Grand Rex. Jean Paul Gaultier y présentait sa dernière collection de prêt-à-porter, qu’il quitte pour se consacrer à la haute couture et aux parfums. Un grand show émouvant, grotesque, beau, ridicule, qui a fait passer le mariage de George Clooney, le même jour à Venise, pour une kermesse de village. Un spectacle 100% JPG joué devant un parterre de stars dont Catherine Deneuve, Boy George et Pierre Cardin.
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Avec les adieux du trublion de la mode au «PAP», c’est une époque qui s’en va: celle des années 80, où l’hypercréativité de Thierry Mugler, Kenzo Takada ou Claude Montana faisait la nique aux impératifs commerciaux. Une époque révolue: aujourd’hui, les grandes marques s’échangent les jeunes designers dans l’espoir d’augmenter leur rentabilité. Cette saison, le calendrier parisien a été rythmé par le baptême du feu de J.W.Anderson chez Loewe, David Koma chez Mugler et Julie de Libran chez Sonia Rykiel. Et si une page semble s’être définitivement tournée, c’est aussi en raison du décès de Gaby Aghion. Pionnière du prêt-à-porter de luxe, la fondatrice de la marque Chloé s’est éteinte à 93 ans, le jour où Jean Paul Gaultier tirait sa révérence.

Dans une lettre relayée le 15 septembre par le journal spécialisé Women’s Wear Daily (WWD), Gaultier explique sa décision de quitter le prêt-à-porter par le «rythme frénétique des collections» qui «ne laisse aucune liberté, pas plus que le temps nécessaire pour trouver des idées et innover». Avec deux défilés PAP, deux couture et plusieurs pré­collections par an, il y a effectivement de quoi devenir fou. JPG évoque aussi des «contraintes commerciales». Traduction: ses vêtements se vendent mal, 80% des revenus de sa maison étant générés par la vente de parfums.

L’art et les comptes

Contrairement au prodige de 62 ans, les jeunes loups de la mode n’ont aucune peine à allier créativité et comptabilité. Chargé de dépoussiérer la marque espagnole Loewe, le nouveau directeur artistique J.W.Anderson se dit addict aux chiffres. «Je veux savoir ce qui se vend, dans quelle quantité, à qui et pourquoi ils l’ont acheté», se félicitait le créateur nord-irlandais auprès du WWD. Pas étonnant que sa collection printemps-été 2015 ait été adoubée par l’ensemble de la presse mode: alliant artisanat de luxe, avec des robes en cuir rapiécé façon famille Pierrafeu, et modernité, avec des lignes minimales, Anderson a pondu, à 30 ans à peine, des tenues hautement commercialisables.

Chez Mugler, le designer anglais David Koma a relevé un défi similaire à celui de J.W.Anderson. Car, si les parfums de la marque font un carton mondial, le groupe Clarins, propriétaire de Mugler, tient à remettre la mythique maison sur le devant de la scène fashion. Interrogé par le New York Times, Koma a déclaré: «Je veux que les femmes se sentent sauvages, cools et sportives.» De ce point de vue, sa collection printemps-été 2015 est une réussite: ses robes moulantes, minimales et ultrasexy feront un malheur sur les pistes de danse d’Ibiza. Mais est-ce bien ce que les femmes désirent? Voilà une autre question.

La Fashion Week de Paris a aussi eu droit aux annonces surprises. Ainsi, le jour où Guillaume Henry présentait sa collection pour Carven, on apprenait que ce serait la dernière. Selon des sources proches du créateur, Henry aurait été débauché par la maison Nina Ricci après que son directeur artistique, Peter Copping, a lui-même été débauché par l’Américain Oscar de la Renta. Un jeu des chaises musicales auquel ne voulait pas être contraint Jean Paul Gaultier, qui est toujours resté maître de ses créations. Et quittant le prêt-à-porter, il a peut-être été, une fois de plus, visionnaire.

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