Zoom. La piscine de Pully (VD) s’est transformée en discothèque le temps d’une «silent party», concept qui enthousiasme les noctambules. Retour sur une nouvelle façon de danser et de draguer.
Fatima Sator et Julien Burri
Quand on a égaré l’adresse de sa soirée, on peut généralement compter sur le bruit pour la retrouver. Sauf lorsqu’on se rend à une silent party. Comme son nom l’indique, le but est de faire la fête «en silence». Les participants se munissent d’un casque, fourni à l’entrée. Ils peuvent changer de piste musicale quand ils le souhaitent, pour écouter l’un des trois DJ venus mixer en même temps. La couleur du casque varie. Bleu pour le hip-hop, vert pour l’électro, rouge pour les tubes tutti frutti, d’Edith Piaf à Madonna… Dans le noir, dans le cadre incongru de la piscine en plein air de Pully, les casques s’allument et changent de couleur au fil de la soirée…
Le zapping est roi
Huit cents personnes s’agitent sur ce dancefloor improvisé. Sans casque, on devine qu’une chanson des Black Eyed Peas est en train de passer, grâce aux cris du public. Visiblement, c’est le DJ «vert» qui l’emporte. «Le but en tant que DJ est d’arriver à attirer le plus de participants possible sur sa fréquence; il y a un petit côté compétitif», explique Olivier Meylan, organisateur de la soirée, fondateur et directeur du Pully for Noise Festival.
La Suisse romande n’en est pas à sa première expérience de fête silencieuse. Venues des Pays-Bas, les silent discos, comme on les appelle aussi, se multiplient. On en a vu notamment au Festi’neuch à Neuchâtel, au Chant du Gros au Noirmont ou encore à L’Amalgame d’Yverdon (qui en prépare une pour ses 20 ans)… Au Nouveau Monde, à Fribourg, Sylvain Maradan en a organisé trois. «Les gens adorent, je crois que cela correspond à notre société de zapping. Nous en avons testé une sous la neige, avec vin chaud, cervelas et jacuzzis. Plus de 700 personnes ont dansé à – 5°C!» se réjouit le programmateur. En Suisse, l’importateur du concept s’appelle Nicolas Maye. Dès 2009, le Valaisan, patron de Studio NM à Sion, est devenu le leader des discos silencieuses. «Au début, mes partenaires étaient dubitatifs, ils pensaient que c’était autiste, mais c’est très festif! On ne se prend pas la tête, on peut se lâcher sur des tubes ringards. Les jeunes hipsters connaissent par cœur Les lacs du Connemara de Sardou! Ça marche souvent bien mieux dans les petites villes, là où le public se prend moins au sérieux.» Résultat: la concurrence s’intensifie. «Quand j’ai commencé, se souvient Nicolas Maye, il y avait seulement deux sociétés en Europe. Aujourd’hui, il y en a quatre rien qu’en Suisse. C’est dommage, cela pourrait lasser le public.» Pour créer la surprise, Studio NM organise cet hiver une série de silent parties dans les patinoires. Et projette de le faire sur les pistes de ski. «Nous diffuserons les fréquences sur plusieurs kilomètres, ce sera terrible!»
La bonne longueur d’onde
Tout l’avantage est là: pouvoir investir des lieux inhabituels, en plein air, sans occasionner trop de gêne. Et même le bassin vide d’une piscine de taille olympique.
A Pully, il est minuit et l’événement affiche «sold out». Le public est varié. Alain a 47 ans et trouve les silent «géniales et audacieuses». Le plus amusant? Se tenir à l’écart et simplement observer. «Les gens ne se rendent pas compte à quel point ils chantent faux!» Greg, lui, rigole moins: «Cela donne un aspect individualiste à la soirée.» Pourtant, beaucoup apprécient de pouvoir ôter leur casque pour discuter. A côté de nous, deux jeunes danseurs viennent de se rencontrer. Avant d’échanger un baiser, ils règlent leur casque sur la couleur rouge. Pour mettre leur cœur sur la même «longueur d’onde»?