Décodage. Au Mondial de l’auto à Paris, les marques françaises visent la frugalité extrême.
En manque de ventes et d’idées, l’industrie française de l’automobile se cherche un avenir. Comme les motorisations électriques ne rencontrent pas encore leur public, les efforts s’orientent vers la voiture frugale. Parce qu’elle s’inscrit dans une ancienne tradition d’auto légère, ingénieuse, dotée de petites motorisations et bon marché. A part entre-deux-guerres, la France n’a jamais pu disputer à l’Allemagne la catégorie de la voiture de luxe. Autant, cette partie perdue, se concentrer sur l’autre pôle automobile, plus en phase avec les exigences de réduction du CO2.
Renault et PSA Peugeot-Citroën n’ont pas décidé eux-mêmes de viser l’ultrabasse consommation d’essence. En 2012, au plus fort de la crise, le gouvernement de Jean-Marc Ayrault a fixé un objectif aux constructeurs français: proposer dès 2020 des véhicules qui affichent une consommation moyenne de 2 litres aux 100 km, au prix moyen de 15 000 euros.
Le Mondial de l’automobile à Paris, qui se déroule actuellement, dévoile deux prototypes prometteurs, l’un de Renault, l’autre de Citroën. Ils arrivent à leurs fins économes avec la même combinaison d’allègement des matériaux, d’aérodynamique poussée et de motorisation hybride. Dans les faits, ils ne partagent que les mêmes pneumatiques étroits et à faible résistance mis au point par Michelin, ainsi que de longs béquets à la poupe.
Sobriété élégante
L’Eolab de Renault se contente d’un litre d’essence aux 100 km. Cette frugalité n’est pour l’heure atteinte que par des véhicules de record économique en forme de suppositoires. Ainsi que la XL1 de VW, commercialisée au compte-goutte, propulsée par un moteur hybride diesel et vendue 111 000 euros.
Joliment dessiné, l’Eolab montre qu’une voiture sobre peut être élégante, ce qui est plutôt nouveau dans l’automobile, toujours enferrée dans ses codes visuels de puissance et de vitesse. Le «démonstrateur» de Renault, développé sur une base de Clio, respire la légèreté et la faible pénétration dans l’air. Il est pourvu à l’avant d’un spoiler actif (il s’abaisse en fonction de la vitesse) et à l’arrière d’ailerons latéraux tout aussi mobiles. La cure d’amaigrissement a permis de gagner 400 kg par rapport à une Clio, même si le véhicule se charge au passage de 150 kg de batterie: sa motorisation est du type hybride rechargeable. L’alliance d’acier, d’aluminium et de matériaux composites est complétée par un toit en magnésium d’à peine 4 kg, au lieu de 10 kg. Pas de carbone ici, car il est jugé trop onéreux. La technologie hybride permet à l’Eolab de rouler jusqu’à 60 km en mode 100% électrique et d’émettre seulement 23 g/km de CO2, quatre fois moins qu’une Clio.
Air comprimé
Le concept Airflow 2L de Citroën part, lui, de la récente C4 Cactus, déjà de 200 kg plus légère qu’une C4 traditionnelle. Cent kilos supplémentaires sont gagnés grâce à l’emploi d’aluminium et de matériaux composites. La silhouette du véhicule est mieux carénée, pourvue d’appendices mobiles et d’une absence remarquable de rétroviseurs, remplacés par de petites rétrocaméras. Le système hybride audacieux de la C4 Cactus Airflow est encore incertain: il ne deviendra réalité que si PSA s’allie avec un autre constructeur pour diminuer les énormes frais de développement. La technologie Hybrid Air associe un petit moteur à essence avec des pompes hydrauliques alimentées par de l’air comprimé. Ainsi tracté, le véhicule léger peut parcourir quelques kilomètres à l’air comprimé, sans aucune émission. Sa consommation moyenne ne dépasse pas les 2 litres aux 100 km, avec des émissions de 50 g/km de CO2.
D’ici à l’échéance de 2020, les deux constructeurs français veulent introduire peu à peu les innovations d’Eolab et d’Airflow dans leurs modèles commerciaux. Ce qui, dans leur jargon, se traduit par des «briques technologiques» à «intégration progressive».
Mondial de l’Automobile, Paris, jusqu’au 19 octobre.