Les nouvelles constructions ne comblent toujours pas le manque d’appartements. La faute à un marché aux règlements très stricts? Les prix des appartements en PPE et des maisons ont baissé. La tendance devrait se poursuivre ces prochains mois.
Patricia Meunier
Le canton de Genève subit encore et toujours une pénurie. La lecture des dernières statistiques de l’Office fédéral du logement démontre une nouvelle fois que le taux de vacance peine à évoluer: en 2012, il était de 0,33%, puis 0,36% en 2013 pour atteindre cette année un petit 0,39%. Avec cette infime croissance, la recherche d’une maison ou d’un appartement reste compliquée. «Pour avoir un marché en équilibre, le taux de logements disponibles devrait idéalement se situer à 1%», explique Etienne Nagy, directeur général du groupe Naef Immobilier à Genève.
Cette forte disparité entre l’offre et la demande résulte notamment du «réel boom économique que Genève a connu ces dernières années», analyse l’étude de Credit Suisse Marché immobilier 2014: durant la seule période de 2005 à 2011, 38 165 nouveaux emplois ont été créés pour répondre aux besoins en main-d’œuvre. Et sur une période presque comparable (2001-2011), la grande banque a chiffré une demande de 36 700 logements alors que le parc immobilier ne s’est élargi que d’environ 21 800 habitations. Soit un manque annuel évalué à 1490 logements.
L’établissement bancaire constate également que le parc immobilier du canton a enregistré une progression de 4% entre 2005 et 2011, alors que celui d’autres centres en expansion comme Zoug (10,6%) et comme celui de Zurich et sa région (6,1%) ont connu une croissance beaucoup plus dynamique.
La pression sur le marché ne va en rien diminuer de par la hausse du nombre de frontaliers, qu’ils soient Suisses ou Français, explique Philippe Kaufmann, responsable de la recherche dans le secteur immobilier à Credit Suisse. Exemple: 90 000 pendulaires se rendent chaque jour à Genève depuis la zone française voisine faute de pouvoir se loger dans le canton.
Les nouvelles constructions venues alimenter le marché n’ont pas encore provoqué un fléchissement du manque d’appartements. «Pour le segment des locations en particulier, l’offre reste trop restreinte en regard de la demande. Et un soulagement immédiat par de nouveaux projets n’est pas visible à l’horizon», précise encore Philippe Kaufmann. En revanche, les spécialistes notent que la disponibilité de logements haut de gamme a augmenté. Une hausse qui s’explique par une demande en contraction alors que l’offre s’est étoffée.
En comparaison avec la pénurie sur le marché des locations, la situation est quelque peu différente dans le segment de la propriété. L’offre s’est élargie et l’ardeur des acheteurs s’est calmée depuis l’introduction des nouvelles mesures sur l’obtention de prêts hypothécaires. Les prévisions sur la conjoncture économique moins bonnes, les incertitudes liées au marché de l’emploi dans tous les secteurs d’activité ont eu également de l’influence.
«Si la demande reste quantitativement très forte, les moyens financiers à disposition des ménages se sont cependant quelque peu réduits par rapport à 2012. Une réalité qui ne s’explique pas seulement par les nouvelles réglementations en matière de crédits hypothécaires mais aussi par le ralentissement économique dans les activités à hauts salaires, comme la finance et le négoce», confirme Hervé Froidevaux, associé chez Wüest & Partner.
Un retour au calme
Les prix des appartements en PPE et des maisons ont alors baissé. Une tendance qui devrait d’ailleurs se maintenir ces prochains mois. Même phénomène pour les logements de classe moyenne. «Depuis un an environ, les prix de vente dans le segment standard ont légèrement fléchi dans le canton. On note une perte de 2,4% au deuxième trimestre par rapport à l’année passée», détaille Philippe Kaufmann. A cette période, le prix de vente médian d’un appartement vendu était ainsi de 883 000 francs, selon l’Office cantonal de la statistique à Genève. Pour les maisons individuelles, le prix médian a quant à lui atteint près de 1,6 million de francs.
Le marché des PPE a enregistré une baisse modérée, soit de 2% à 5% annuels selon les segments. Les prix moyens par m2 varient de 6000 à 7000 francs dans la zone de développement où l’Etat décide notamment les prix des terrains, alors qu’il s’élève à 13 000 francs sur le marché dit «libre». Cet écart devrait néanmoins se rétracter dans le futur.
Contrairement aux potentiels acquéreurs d’un bien, les locataires devront se contenter d’une stagnation des prix. Une stagnation bienvenue. La pénurie de logements a provoqué une explosion des prix des loyers qui dépassent aujourd’hui de plus de 120% leur niveau de l’an 2000 sur l’ensemble de l’Arc lémanique, relève le rapport de Credit Suisse. A titre de comparaison: durant la même période, les loyers au niveau national n’ont augmenté que de 50%, et aucune autre région suisse n’a connu de hausse de plus de 61%.
Un marché particulier
Les actuelles conditions du marché genevois découlent également de la particularité de son territoire. Selon la statistique cantonale de 2012, Genève dispose de surfaces agricoles qui représentent un peu plus de la moitié de la superficie utile totale. Ce qui limite les espaces dévolus à la construction.
A cette contrainte s’ajoute celle de l’organisation des zones à bâtir. D’un côté, les superficies ordinaires. De l’autre, les superficies de développement, contrôlées par l’Etat afin de pouvoir offrir notamment des logements sociaux (lire ci-contre). Les autorités cantonales ont ainsi la possibilité de décider des prix des terrains et des loyers, ainsi que du taux de rendement des immeubles. Des règles strictes qui peuvent décourager les investisseurs et qui accentuent la pénurie d’habitations.
Les gros chantiers
Près de 50 000 nouveaux logements devraient être construits d’ici à 2030. Pour atteindre cet objectif, le canton prévoit de déclasser des zones agricoles.
Le plan directeur cantonal prévoit la construction de près de 50 000 nouveaux logements pour 2030, notamment en reclassant des zones agricoles. Pour y parvenir, les autorités ont prévu d’accélérer la cadence des chantiers. «Genève a beaucoup trop peu bâti ces dernières années. Une situation qui pourrait enfin changer avec ces constructions en zone de développement», explique Hervé Froidevaux, associé chez Wüest & Partner.
Même si l’évolution s’annonce positive, la capacité de l’offre ne devrait pas se trouver radicalement changée. Car les discussions et les négociations prennent du temps dans le canton. Par exemple, le futur quartier durable des Cherpines, qui s’étend sur une zone de plus de 58 hectares sur les communes de Confignon et de Plan-les-Ouates, avance à petits pas. Une fois terminé, il pourrait accueillir 3000 nouveaux appartements. Le plan directeur a été approuvé en 2013 par les autorités concernées. Il prévoit un quartier mixte où cohabiteront différents types de logements, dont du subventionné, avec des activités économiques.
Quant au projet Praille-Acacias-Vernets, il offrira près de 1500 logements pour 2018 sur le site de la caserne des Vernets. Après l’accord entre l’Etat et la commune de Veyrier, le projet des Grands-Esserts, situé près des futures gares du CEVA à Carouge-Bachet et à Champel-Hôpital, se poursuit. Le chantier pourrait démarrer en 2017-2018.
Depuis l’été dernier, le quartier de la Chapelle, situé sur les communes de Lancy et de Plan-les-Ouates, a été inauguré. Quelque 380 logements ont déjà pu être occupés cette année. Encore 300 autres appartements sont prévus à moyen terme. Au final, ce sont environ 1300 logements, des commerces, une école, des jardins familiaux et des espaces de détente qui animeront les lieux.
Un autre grand quartier de type éco, Les Vergers à Meyrin, devrait disposer de 1250 logements entre 2013 et 2018 répartis dans une trentaine de bâtiments. Environ 300 logements seront vendus en PPE, près de 400 seront destinés à des coopératives (HM) et près de 200 seront en loyer libre. Le quartier de l’Etang à Vernier, entre la cité des Avanchets et les citernes pétrolières, près de l’entrée de l’autoroute, accueillera près de 3000 habitants dans quelque 1000 logements. Les premiers occupants pourraient arriver en 2018 déjà. «Un plan localisé de quartier est développé parallèlement au déclassement. Ce qui permet d’avancer plus vite sur le projet», relève Christophe Aumeunier, secrétaire général de la Chambre genevoise immobilière.
Le premier coup de pioche est attendu pour le début de 2015.
Sommaire :
Intro
Vaud, le dynamisme de la construction menace le marché d’une suroffre
Genève, le canton ne parvient pas encore à résorber sa pénurie
Valais, une baisse des prix s’amorce, même dans les stations les plus prisées
Neuchâtel, es autorités investissent dans les logements d’utilité publique
Fribourg, un canton bouleversé par les nouvelles contraintes sur les zones à bâtir