Zoom. Commandé par l’exécutif biennois, un rapport d’experts juge que le conseiller municipal UDC, à la tête de l’Action sociale et de la sécurité de la ville, fait preuve de graves fautes de management. Explications.
Dire que Beat Feurer a passé un sale quart d’heure, vendredi dernier, est un euphémisme, quand il a assisté à la présentation, par deux de ses collèges du Conseil municipal de Bienne, du rapport commandé à Andreas Hubacher. Ce dernier, avocat bernois membre de l’UDC, a été chargé en août de mener une enquête administrative sur les dysfonctionnements éventuels au sein du département de l’Action sociale et de la sécurité (ASS). Un département dirigé depuis septembre 2012 par Beat Feurer. Tout est parti de la lettre que les autorités avaient reçue de la part de l’association du personnel de la ville, évoquant un climat de travail insoutenable.
Les conclusions? Une vraie paire de claques pour Beat Feurer: graves manquements en matière de conduite, perte de confiance et sentiment d’insécurité chez les membres du personnel, manque de clarté dans la transmission entre le niveau politique et l’administration, manque de vision stratégique. Voilà pour les principaux reproches.
Deux départs
Les 18 pages du rapport, qui n’a pas été traduit en français, énumèrent encore des détails très concrets, comme son refus de toute promotion pour l’année 2014, une décision envoyée par e-mail au chef du département qui l’a communiquée à ses subordonnés. Le hic? C’était une simple plaisanterie.
Le document a eu deux conséquences immédiates: le départ de Beatrice Reusser, cheffe du Département des affaires sociales, et celui de Patrick Nyfeler, secrétaire de direction. Un conflit, influençant négativement le climat de travail, couvait entre les deux cadres. De l’aveu d’un collaborateur, c’est «beaucoup de know-how qui s’en va». Elu par le peuple, Beat Feurer, lui, ne peut pas être démis de ses fonctions. Sa campagne avait eu pour «leitmotiv» de baisser le taux d’aide sociale à Bienne, elle qui en détient cette année encore le triste record national: 11,7% de sa population dépend de l’Etat pour vivre.
Une problématique qui suscite d’ailleurs le débat en Suisse. Le Grand Conseil zurichois a récemment accepté une initiative de l’UDC et du PLR privant de voiture les bénéficiaires de l’aide sociale. Un vote qui sera probablement confirmé lors d’un second débat, dans quelques semaines.
Malaise
Ce lundi après-midi, installé dans son bureau, au 13e étage de la tour du Palais des congrès, le municipal UDC avoue ne pas se sentir très bien après la révélation du rapport Hubacher, dont il connaît le contenu depuis dix jours. A 54 ans, il n’a rien du politicien empâté, mais une allure sportive et étonnamment jeune. «Je me sens con. Je suis celui qui ne sait rien et ne peut rien faire.» Il explique qu’«avaler une telle couleuvre», c’est le prix à payer pour respecter la collégialité du Conseil municipal.
Le politicien énumère deux autres raisons pour expliquer son silence. «Si je m’exprimais en détail, je devrais me retourner, en public, contre certains collaborateurs et collaboratrices qui travaillent encore dans mon département.»
Il mentionne également l’accord passé avec les deux cadres qui ont pris la porte. Cela ne l’empêche pas de rappeler le peu d’esprit d’ouverture dont faisait preuve Beatrice Reusser, d’obédience socialiste. Beat Feurer précise encore que, contrairement à ce qui est écrit dans le rapport, il n’a jamais promis de réduire le taux d’assistés de moitié.
La question s’est déjà posée dans d’autres cantons, à propos d’autres politiciens UDC. Vraiment compétent pour faire partie d’un exécutif et, qui plus est, à la tête d’un département sous haute surveillance médiatique, Beat Feurer? Un chiffre révèle le malaise qui y règne: le tournus des assistants sociaux, qui croulent sous les dossiers et sont mal rémunérés, s’élève à 25%.
«La tâche est monstrueuse, mais nous avons des collaborateurs bien formés.» Beat Feurer, expert fiscal de formation, explique «avoir les outils» et continuer de se former, notamment dans la conduite de collaborateurs. Alors comment expliquer tous les manquements du rapport? «Je suis trop patient. Je n’ai pas assez vite dit: «Maintenant, c’est fini!» à certains collaborateurs. Ce n’est pas une excuse, mais un constat. J’ai eu ma leçon, je vais devoir changer.»
Le Conseil municipal a décidé de créer une cellule composée de Silvia Steidle, conseillère municipale à la tête des finances, et d’Erich Fehr, maire de Bienne, pour épauler Beat Feurer. Ce dernier sera soutenu dans l’organisation et la conduite stratégique de l’aide sociale. «Quand on est politicien et que l’on veut un office, il faut poser des pierres pour résoudre les problèmes et ne pas simplement dire que tout est compliqué. Beat Feurer s’est perdu dans des questions opérationnelles. Nous attendons de lui qu’il ait une vision stratégique pour permettre de changer la situation. Il avait dit qu’il voulait réorganiser le social et nous n’avons plus rien vu», explique Silvia Steidle. Voilà qui est dit.
De nouveaux amis
Pour le moment, Beat Feurer assure «ne pas être vexé» par une telle mesure. Ce qui l’étonne plutôt, ce sont les mails d’encouragement qu’il a reçus, même de la part de politiciens de gauche. Plus étonnant encore: la subite augmentation des gens qui demandent à être son ami sur Facebook, depuis la sortie du rapport Hubacher. Sur le ton de la plaisanterie: «Si je voulais gagner des amis, je devrais continuer ainsi…»