Récit. La mode de la grenouillère pour adultes, lancée par le label OnePiece et popularisée aux Etats-Unis l’an dernier, a débarqué chez les jeunes Romands. «L’Hebdo» s’est glissé dans la tête de quelques adeptes de cette tendance régressive.
«Je m’appelle Elisa, Emma, Daniela ou Lou-Malika. J’ai 15, 16 ou 18 ans. Je suis une adolescente de Suisse romande et, comme quelques centaines, quelques milliers d’autres, j’ai craqué pour un one piece, ce vêtement à mi-chemin entre le training, le pyjama et la grenouillère pour bébé en version adulte.
J’ai craqué depuis que j’ai vu les One Direction en photo dans des one pieces, ils étaient trop mignons avec – d’ailleurs ils ont créé leur propre modèle avec des empreintes de leurs mains, j’espère que j’en recevrai un pour Noël. Mais aussi Rihanna, qui en porte toujours un lorsqu’elle voyage, et Cara Delevingne, qui a posté plein de selfies d’elle dans des one pieces animaux. Brad Pitt, qui en a un tout noir, est presque trop vieux pour en porter un.
Comme certaines de mes copines sont allées en Angleterre ou en Allemagne pour des séjours linguistiques, elles en ont rapporté de chez Primark ou Topshop l’an dernier, du coup j’ai commandé les miens sur les sites internet de ces magasins, ou alors j’ai supplié d’autres copines qui allaient à l’étranger de m’en rapporter. J’ai bien vu que Switcher avait lancé son propre modèle, le Geelee, mais il ne me plaît pas trop, il lui manque une touche de glamour et je préfère d’autres marques.
L’an dernier, je mettais le one piece de ma cousine Sarah quand j’allais chez elle. J’ai demandé à ma mère de m’en acheter un, mais elle trouvait que 50 francs pour le vrai OnePiece, c’était trop cher. Cette année, la plupart de mes copines en ont un. Soit de la marque OnePiece, soit un autre, les filles s’en fichent. En Suisse, le site Zalando est très pratique, on peut payer en recevant une facture, il n’y a pas besoin d’avoir une carte de crédit, et c’est livré très vite. Chez Primark, il y a beaucoup de choix et ils ne sont vraiment pas chers, mais ils ne sont pas aussi doux et épais que les autres. Je connais des filles qui en ont plusieurs, du coup elles en ont de très différents, des drôles, des très enfantins ou alors des sportifs, plus neutres.
Je me sens bien dans mon one piece. C’est même la principale raison pour laquelle j’en porte. On éprouve une sensation unique, comme si on était à l’intérieur d’une grosse peluche. Je l’enfile en début de soirée, quand je rentre à la maison après une longue journée de cours ou de travail. Je prends une douche et me glisse dedans. Mais je ne le laisse pas pour dormir, c’est trop chaud. Cet hiver, je vais le ressortir de l’armoire. Je l’ai déjà remis ces jours, d’ailleurs. Pour le camp de ski de l’année dernière, on en avait presque toutes un. On l’a mis dans le car au retour, et tout le monde nous faisait des compliments, même les profs. Mais ça s’est gâché quand on est arrivé à destination. Ma mère est venue me chercher à pied – on n’a pas de voiture – et j’ai dû traverser la moitié de la ville en one piece pour arriver à l’arrêt de bus. C’était la honte! J’ai mis le capuchon pour que personne ne me voie dans cette tenue.
Je ne le mets jamais pour aller en cours, en ville faire du shopping ou sortir le soir, mais je le mettrai la prochaine fois que je prendrai l’avion ou que j’irai dans un endroit de détente comme Europa Park. J’y suis allée pour Halloween et tout le monde en portait! Le seul aspect peu pratique, c’est pour aller faire pipi: il faut enlever tout le haut, du coup on a froid. Je ne mets rien dessous, sauf si je sors avec. A ce moment, je mets un t-shirt et parfois des collants.
A la maison, je le porte même s’il y a des invités ou des amis de mes parents. Ce n’est pas un pyjama, il n’y a rien de honteux, du coup je ne vois pas pourquoi je ne pourrais pas le mettre. Ça fait rire les adultes, on m’a même dit que j’avais l’air d’un Teletubbies ou d’une grosse peluche, mais je vois bien qu’ils aimeraient bien faire la même chose. Du coup, ma mère a voulu acheter le même, ça ne me plaît pas trop. C’est bizarre de voir des adultes normaux, pas des stars ou des chanteurs, en one piece. Nous, quand on met notre one piece, on sait bien que c’est un peu décalé et enfantin, même que ça fait un peu bébé, mais on sait aussi très bien que nous ne sommes plus des bébés. C’est de l’humour. On n’est pas dupe. C’est une manière d’être cool dans la vie.»
One piece, Onesie, pyjama ou grenouillère pour adultes?
En 2009, trois trentenaires norvégiens ont l’idée de coudre ensemble le haut et le bas de leur training pour plus de confort. Ils en fabriquent 100 sous le label OnePiece, qui s’écoulent en quelques heures. Deux ans plus tard, 2% de la population de leur pays en porte, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de la maison. Le succès s’étend à la Scandinavie, l’Allemagne, l’Angleterre (où le label OnePiece reste leader malgré l’implantation précoce de la marque All in One Company qui avait montré la voie depuis 2008 pour les enfants puis les adultes) et aux Etats-Unis où il devient un basic de la street fashion. Adopté par des personnalités comme Brad Pitt, Rihanna ou les One Direction, il connaît un succès sans précédent durant l’année 2013. Dans les pays anglo-saxons, on le nomme la plupart du temps «onesie», un dérivé de la marque de bodys, ou grenouillères, pour bébés, Onesies. En français, on utilise indifféremment les termes de «combinaison», «pyjama», «Babygro» (du nom de la mythique marque française de grenouillères pour bébés) ou «one piece», devenu terme générique.