Zoom. Les fabricants traditionnels de la photographie répliquent à l’hégémonie du téléphone portable, désormais l’appareil photo le plus courant. Leurs armes: des modèles haut de gamme, design, connectés, à capteur plein format, voire à fonction téléphonique. Et la vénérable photo instantanée, sur papier, n’a pas dit son dernier mot.
Quelle chute! L’an dernier, les ventes mondiales d’appareils photographiques ont baissé de près de 30%. Le roi smartphone, dont la fonction photo est l’une des plus utilisées, est-il seul responsable de cette bérézina? «Il serait idiot de nier l’impact du téléphone portable, soupirait Marc Héraud, responsable des syndicats professionnels de l’image au récent Salon de la photo de Paris. Mais ce recul historique des ventes tient aussi à ce que la population mondiale s’est bien équipée en photo numérique entre 2007 et 2011. Le marché d’aujourd’hui n’est plus que celui du renouvellement du matériel. Tout indique, surtout avec l’appoint des pays émergents, que le marché reviendra sous peu à un niveau plus acceptable.»
Marc Héraud ajoute que le grand public apprend de plus en plus à utiliser un vrai appareil photo à côté des smartphones. En particulier pour les moments importants de la vie comme les vacances, les mariages ou les naissances. Cette quête de mémoire longue est aussi une recherche de qualité d’image. La forte tendance, au Salon de la photo à Paris, était bien le stage de formation à 100 euros environ. Des cours plébiscités par des amateurs exigeants, qui cherchent à en savoir plus sur les réglages manuels de leurs appareils, la profondeur de champ ou la meilleure manière de conserver une photo.
Après avoir connu elle aussi un désintérêt, l’impression des images numériques est en hausse. Comme si l’utilisation «Snapchat» ou éphémère de la photo, ainsi que son archivage aléatoire sur une carte mémoire, en laissait plus d’un inconfortable.
Reste que les fabricants traditionnels d’appareils (Canon, Nikon, Leica, Olympus, Fuji, etc.) ou issus de l’électronique (Sony, Panasonic, Samsung) réagissent eux aussi. Avec des modèles de plus en plus connectés en 4G ou wifi, une fonction qui serait, à en croire Marc Héraud, utilisée à 78% par les possesseurs de tels appareils. Les grands capteurs 24 x 36 commencent à faire leur apparition sur des modèles hybrides à objectifs interchangeables, à l’exemple du Sony Alpha 7. Avantages? Une vraie vision photographique, qui en revient aux acquis de la technique argentique avec ses focales réelles, l’absence de distorsion aux bords de l’image avec un grand-angle, l’aisance dans les basses lumières… Chez Sony, on le promet: le capteur plein format remplacera d’ici à 5 ans tous les plus petits APS-C.
La photo argentique, elle, était remarquablement absente du Salon de la photo. Avec des exceptions élitaires comme le Leica M-A, modèle entièrement mécanique, sans écran, ni mesure de la lumière, ni batterie. Ou la surprenante résilience de la photographie instantanée, type Polaroid, qui marche si bien que Fuji s’apprête à rouvrir une usine pour cette technologie. Laquelle conserve toujours la magie de l’apparition progressive d’une image sur papier, une photo qui se touche, se montre et se conserve.
Voici quelques directions futures constatées sur place, au Salon de la photo de Paris, à la mi-novembre.
Les atouts du Luxe et du design
De Leica à Hasselblad La marque allemande Leica fête cette année ses 100 ans, mais aussi les 60 ans de la série M avec un très élitaire modèle anniversaire. Proposé dans un coffret gris du plus bel effet, limité à 600 exemplaires, vendu 15 000 euros, dessiné par Audi Design, le M60 est habillé d’acier inoxydable. Comble du snobisme, ou retour au temps où l’on découvrait ses images qu’après coup en chambre noire, le M60 se passe d’écran de contrôle. La marque suédoise Hasselblad propose pour sa part un petit compact en aluminium et bois, le Stellar. La poignée ergonomique sur l’appareil peut être choisie en bois d’olivier, en noyer ou en wengé brun foncé. Le modèle, conçu à partir de l’excellent Sony RX100, se vend paraît-il très bien dans la principauté de Monaco…
L’appareil photo qui téléphone
Comme un smartphone haut de gamme Devant la mainmise des smartphones, Panasonic renverse la proposition. Le Lumix CMI est un appareil photo doté, en plus, d’un téléphone Android. Ce compact ultrafin comporte un capteur de 20 mégapixels sept fois plus grand que dans les smartphones standard. Son processeur est lui aussi d’une qualité supérieure, ainsi que son objectif Leica de 28 mm qui ouvre à F2.8. Les contrôles sont accessibles par une bague manuelle sur l’objectif ou sur l’écran tactile. Les aides à la composition sont nombreuses, ainsi que les modes scène pour personnaliser les prises de vue. Le Lumix CM1 est également doté d’une fonction vidéo 4K (à 15 images par seconde) d’où il est possible d’extraire des photos au format d’impression A3.
Retour de la photo instantanée
Le charme du petit tirage sur papier La marque japonaise Fuji semble elle-même surprise du succès de sa gamme Instax. Elle ne cesse de proposer de nouvelles couleurs pétantes pour son modèle Instax Mini 8 et ses images au format carte de visite. L’appareil est bon marché, mais les cartouches de photos le sont moins à la longue… Peu importe, soixante-six ans après le lancement du premier Polaroid à développement instantané, cette photographie amusante, conviviale, toujours un rien magique ne semble pas prête à laisser sa place au tout numérique. Fuji a vendu l’an dernier 2,3 millions d’Instax et la demande ne cesse de croître. Du coup, la marque multiplie les nouveautés, comme l’Instax Neo Classic. Ou le plus raffiné Wide 300 à format panoramique, parfait pour les fêtes et le paysage.
Choisir sa profondeur de champ
L’invention d’une start-up californienne La petite marque américaine Lytro a commencé sa percée avec un affreux petit appareil rectangulaire, à la fonction plénoptique. Le procédé permet de choisir la mise au point sur telle ou telle zone de la photo après la prise de vue. Après ce coup d’essai, Lytro commercialise un modèle plus imposant et convaincant, l’Illum, doté d’un zoom optique 30-250 mm et d’un capteur plein format. A quoi peut bien servir cette profondeur de champ modulable, accessible uniquement sur un écran? A des photos de fêtes et de mariages, par exemple, où la personne qui reçoit l’image peut faire la mise au point sur un participant en particulier. Mais aussi à la photographie dans les enquêtes policières forensiques, où le moindre détail d’une scène de crime peut être mis en évidence. Ainsi que pour l’imagerie médicale.
L’ultra-haute définition 4k
De la vidéo à la photo Jusqu’ici, tirer des photos d’un enregistrement vidéo, même en Full HD, n’était pas une expérience convaincante. La donne change avec l’apparition de la 4K, l’ultra-haute définition. Ce format vidéo enregistre 25 fois par seconde une image de 8 millions de pixels. En extraire une image fixe devient du coup plus intéressant, surtout plus proche d’une vraie photo. Sony (le modèle hybride Alpha 7s) ou Panasonic (Lumix FZ1000, GH4, LX100) proposent de la vidéo 4K sur leurs derniers appareils photo. Panasonic offre une fonction Photo4K qui permet de choisir le format d’une image captée à l’origine en 16/9. Il est ainsi possible de formater la photo en 3:2 ou 4:3. Ces nouvelles possibilités vidéo-photo permettent aussi de créer des images hybrides, à moitié fixes et à moitié animées. Très étrange…