Interview. Eric Zemmour se fait le porte-voix du peuple contre les élites.
Propos recueillis par Antoine Menusier
Qu’est-ce qu’évoque la Suisse pour vous?
Personnellement ou politiquement?
Personnellement, d’abord.
Les vacances, enfant. L’hiver à la montagne et le chocolat blanc que je rapportais à ma mère, car à l’époque on ne trouvait pas de chocolat blanc en France.
Et politiquement?
Les référendums sur les minarets, la libre circulation des personnes et le plafonnement des hauts salaires. Cette forme de démocratie qu’est le référendum est la seule façon de redonner le pouvoir au peuple, complètement confisqué par la mondialisation et par les élites, en particulier en France.
Etes-vous conscient que, dans le système helvétique, chacun peut se saisir du droit d’initiative, même vos pires adversaires?
Bah évidemment, quand même!
Considérez-vous que les espaces francophones comme la Suisse romande ont en eux une part de France?
Oui, bien sûr. Pour moi, c’est la France.
Etes-vous un annexionniste?
Non. Mais dans le cadre d’une grande France qui, comme au temps de Bonaparte, aurait la Rhénanie, l’Italie du Nord et la Wallonie, je prends la Suisse francophone, je lui ouvre les bras (il rit de sa boutade).
A propos d’initiatives, que voteriez-vous le 30 novembre à celle d’Ecopop si vous en aviez la possibilité?
Je voterais «oui».
Pour quelles raisons?
Je pense que la démographie est à la base de la politique. La démographie fait le destin, c’est elle qui provoque les guerres, les affrontements. C’est la démographie puissante de la France qui a forgé la Révolution française et les guerres de l’Empire. C’est la démographie puissante de l’Allemagne qui va la pousser vers les trois guerres avec la France, et deux d’entre elles avec le reste du monde. C’est la démographie puissante de l’Angleterre à partir du début du XIXe siècle qui va lui permettre de coloniser la moitié de la planète.
Et aujourd’hui?
C’est la démographie puissante de l’Afrique qui est en train de constituer une contre-colonisation en Europe. Soit les Européens acceptent cette contre-colonisation démographique, très largement musulmane, soit ils essaient de la repousser.
Comment le feraient-ils?
Je n’en sais rien, je vous dis comment j’établis ce diagnostic-là. On peut ne pas être d’accord avec ce que je dis.
Si le nombre a raison, il est tout de même du côté non musulman en France…
Pour l’instant, mais la tendance est à l’inverse.
Réalisez-vous que vos propos pourraient encourager une réaction brutale, un jour, contre les musulmans?
Pour l’instant, que je sache et alors que je parle depuis quelques années, c’est plutôt l’inverse qui se passe en France. Il y a des agressions de jeunes gens venus des banlieues contre des personnes vivant dans les centres-villes blancs à la fin des manifestations. Il y a des attentats, des crimes, comme ceux perpétrés par Mehdi Nemmouche et Mohamed Merah, lesquels ne m’ont pas lu et pas spécialement écouté. Il y a eu cet été des cris de «mort aux juifs», je n’en suis pas particulièrement responsable. Enfin, je ne pense pas provoquer quoi que ce soit. Ce sont les gens qui me choisissent, ils reconnaissent dans ce que je dis ce qu’ils pensent.
Mais vous connaissez la «chimie» des peuples. Le «soumis», le «Blanc», silencieusement majoritaire, peut dans une montée de violence s’en prendre physiquement au «musulman».
Vous avez raison. Mais pour l’instant, c’est l’inverse. Il faut trouver une solution si l’on ne veut pas devenir au minimum le Liban dans vingt ans. Ou, pire encore, si la courbe démographique continue au point que la France devienne une république islamique, ce qui pour moi serait sa mort. Il faut envisager la possibilité d’une remigration vers les pays d’origine. L’historien Pierre Milza, dans son livre Voyage en Ritalie, raconte l’immigration italienne dont il est issu. Il donne des chiffres. Entre 1870 et 1940, trois millions et demi d’Italiens sont venus en France; 1,1 million d’entre eux y ont fait souche et les deux tiers sont repartis. Soit le gouvernement français les a renvoyés parce qu’ils étaient chômeurs, soit parce qu’ils n’étaient pas assez assimilés. A l’époque, il fallait être assimilé ou repartir. Je pense que c’était de la bonne politique. Il ne faut garder que ceux qui s’assimilent vraiment.
Avec vos lignes sur «Pétain et les juifs – les Français et étrangers», n’avez-vous pas cherché une justification assez scabreuse de la notion de préférence nationale dans votre ouvrage?
Il faut remettre cela dans le contexte. Comparativement à sa population, la France était le pays occidental recevant le plus d’étrangers. En particulier de juifs qui fuyaient l’Allemagne ou la Pologne. Il y avait des exaspérations de la population française, comme l’indiquaient des rapports de préfets dans les années 30, avant même Vichy. Pétain estimait que depuis le XIXe siècle, avec l’éclosion du capitalisme, les juifs avaient trop de pouvoir en France, ce qui est d’ailleurs en partie vrai. Il aurait pu traiter ça en nationalisant des banques, par exemple. Mais non, il a traité le phénomène de façon tout à fait inique, en faisant une politique de ségrégation des juifs, un peu à la manière des Noirs américains. C’est le fameux statut des juifs.
Que vous ne défendez pas…
Vous comprenez bien, ce n’est pas cela que je défends. Les juifs étrangers, Pétain voulait en renvoyer le plus possible. Il était prêt à les donner aux Etats-Unis, mais ceux-ci n’en voulaient pas. La distinction faite par Pétain entre juifs français et juifs étrangers n’est pas illégitime, à un moment où on peut penser que les dirigeants français ne savaient pas ce qu’était le sort des juifs déportés. Mais je peux tout à fait comprendre que mon analyse puisse heurter des sensibilités. Le fait est que la rafle du Vel’d’Hiv, et c’est ce qui m’intéresse en termes d’instrumentalisation de l’histoire, a servi de fondement à la dénonciation de toute politique migratoire sérieuse.
Si des dizaines de milliers de juifs chassés de France, du fait de cette «préférence nationale», ont été exterminés, des dizaines de milliers de musulmans peuvent bien supporter les quelques souffrances d’un retour qui, lui, ne les enverra pas à la mort. C’est un peu ce que vous dites, non?
Ce n’est pas ce que je dis.
Quand vous avez écrit ces lignes sur Pétain et les juifs, n’avez-vous pas du tout fait ce type de parallèle dans votre tête?
Non. Ce que je dis, c’est que la France a le droit de rejeter des étrangers dont elle ne veut pas, sans immédiatement se faire traiter de nazie. Voilà.
Dans une interview accordée ce mois au magazine français «Causeur», vous affirmez que Mai 68 est un bloc et doit être rejeté comme tel. N’y a-t-il vraiment rien à sauver de cette révolution sociétale?
Je citais dans cette interview la phrase de Bossuet: «Dieu rit de ceux qui déplorent les effets dont ils chérissent les causes.» Mai 68 a une cohérence. On ne peut pas vouloir les prémices sans avoir les conséquences. Le féminisme est pour moi le dernier totalitarisme du XXe siècle. Sous l’apparence d’un mouvement – légitime – de libération et d’émancipation au départ, tout cela finit par devenir un mouvement totalitaire. Avec, aujourd’hui, la volonté d’imposer l’indifférenciation sexuelle comme norme.