Photogénie. Une petite ode à la splendeur unique du paysage islandais, si prisé par les tournages de films et le tourisme.
Texte Luc Debraine
Photos Santiago Vanegas
Hollywood a-t-il transformé l’Islande en 51e Etat américain? Interstellar, Noé, La vie rêvée de Walter Mitty, Prometheus, sans compter Game of Thrones: tous ces films ou série TV ont récemment tiré parti des stupéfiants paysages islandais. Parce qu’ils servent à la perfection des propos censés se dérouler dans un lointain passé ou un futur lointain. Parce qu’aussi les Islandais, qui ont bien compris quel profit cinématographique ils pourraient tirer de la géographie unique de leur île, facilitent désormais la tâche aux tournages. Grâce à leurs propres équipes spécialisées, leurs incitations fiscales, leurs lignes d’horizon garanties sans pylones à haute tension ou toute autre trace humaine, leur risque nùll (nul en islandais) de grève, de protestation, d’attentat, de prise d’otage, ou encore pire: d’intoxication alimentaire (quoique… l’huile de foie de morue au petit-déjeuner, beurk!). Un paysage à la fois neuf et antédiluvien, cela vaut cher. On peut y poser des vaisseaux spatiaux comme des armées de Visigoths.
C’est à se demander pourquoi Sebastião Salgado n’a pas consacré un chapitre à l’Islande dans sa grande saga Genesis. Sans doute parce que le pays est trop facile à photographier, offrant la chance aux longues focales les plus inexpérimentées de se prendre pour celles, justement, de Sebastião Salgado.
L’île septentrionale est le paysage-monde rêvé par les romantiques ou symbolistes, une sorte de panorama absolu, cosmique, matriciel, qui condense tous les autres panoramas de la Terre dans une symphonie grandiose de ciel, mer, montagne et plaine. En plus, l’Islande donne parfois l’impression d’être sur la Lune ou sur Mars.
Le paysage diffuse une senteur d’éternité, mais il bouge sans cesse avec sa lumière changeante, sa croûte éruptive, ses geysers, ses vapeurs. Etre assis au bord d’une plaque tectonique n’a pas que des désavantages. Contempler cette vue, toutes ces vues, «c’est dialoguer avec l’univers», comme le disait Ferdinand Hodler à propos du Léman aperçu depuis Lavaux, autre paysage-matrix.
Et ces couleurs, ces oxydations, ces bleus, ces verts qui font presque mal aux yeux, ces sables noirs, ces blancs cassants, ces variétés de gris qui sont si nombreuses qu’il faudrait mille mots pour les décrire avec justesse. Photographiez l’Islande en noir et blanc, et vous aurez l’impression de la voir en couleur. L’inverse est aussi vrai. Bref, partez!