PHENOMENE. Un son granuleux. Un format peu pratique. On l’a dit fini. Et pourtant, le 33 tours fait un retour remarqué… dans le monde de la décoration.
Vicky Huguelet
Le vinyle est de retour. Non, on ne va pas vous rabâcher les oreilles avec le son rond du microsillon, ni avec les cadres dans lesquels des puristes les exposent depuis des années. Aujourd’hui, les 33 et 45 tours sont devenus les objets indispensables pour décorer les maisons des nostalgiques les plus branchés.
Pour Thierry Ayer, patron du magasin Vinyl à Neuchâtel, «un disque rassemble deux œuvres d’art: la musique et la pochette. Prenez la fameuse couverture d’Andy Wharol pour le Velvet Underground. Sur l’originale, on pouvait décoller la pelure pour découvrir la banane!» Le design qui a marqué Jean-Sébastien Monzani, graphiste freelance à Lausanne? «Celui des Pink Floyd. Storm Thorgerson (qui a réalisé la majorité des pochettes du groupe, dont celle, devenue mythique, de Dark side of the moon) a révolutionné une manière de communiquer, en mêlant musique et surréalisme».
Des couvertures qui, aujourd’hui, sont souvent rééditées pour leur fonction décorative: «Je n’ai pas de tourne-disque. Et certaines pochettes que j’ai achetées sont vides», s’amuse Billy, un Neuchâtelois de 23 ans. A la Fnac d’ici, comme dans les magasins new-yorkais d’Urban Outfitters, le nostalgique trouvera les 33 tours de Jimi Hendrix, des Beatles, ou encore des Rolling Stones: des couvertures vintages et historiques prisées pour leur côté très mode.
Un format intéressant. Si les groupes légendaires voient leurs microsillons re-pressés, les plus jeunes musiciens se lancent dans leurs premiers essais. Les Neuchâtelois de The Rambling Wheels ont réalisé leur double-vinyle récemment, non sans problèmes: «L’étiquette de la phase A était affichée sur la phase B, et inversement! Nous avons 2000 microsillons fichus que nous utilisons comme objets décoratifs, sous-plats…», s’amuse Sunny O’Bron, batteur.
Le design du double-vinyle du groupe a été imaginé par Lionel Gaillard. Ce graphiste fribourgeois a également travaillé sur des pochettes de CDs, mais préfère la taille des vinyles: «C’est plus spectaculaire à regarder, ça laisse plus de possibilités.» Alain Jean-Mairet, du magasin genevois Sounds Records, en rajoute: «Un CD c’est moche, c’est en plastique. Donc autant payer dix francs de plus pour avoir un bel objet!»
Francis Baudevin, peintre et professeur à l’ECAL (Ecole Cantonale d’Art de Lausanne), fait une autre comparaison: «Avec la pochette de microsillon, il y a le plaisir du recto-verso qu’on ne trouve pas dans la peinture.» En plus de cela, une pochette d’album est carrée, «ce qui est rare dans la peinture et qui plaisait tant à Andy Wharol parce qu’il n’y a pas à choisir entre la longueur et la largeur».
Quand le sillon se déforme. La couverture n’est pas le seul attrait visuel du disque. Cathy, Neuchâteloise de 27 ans, fabrique des saladiers avec ses 45 tours. Rien de plus simple. «Je préchauffe mon four a 200° et dépose sur une plaque un vinyle tout bête (attention de ne pas utiliser votre version collector des Stones!) sous laquelle j’ai placé un pot de confiture. Et je laisse chauffer dix minutes.» Dans le même esprit, des boutiques en ligne comme Funky Vinyl ou Lockengelöt proposent des horloges, bols, cendriers et autres supports de papier toilette fabriqués avec des microsillons.
Bien sûr, le vinyle peut encore être utilisé pour…écouter de la musique. Mais, au final, pour le graphiste Jean-Sébastien Monzani, «l’intérêt du microsillon, c’est l’objet. La musique ne change pas vraiment selon les supports.» Mais les puristes vous jureront que oui.